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Elisabeth Ire***

Cette souveraine anglaise (1533-1603) joue un rôle comparable au rôle joué par Louis XIV dans l'histoire dewebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,critique,élisabeth ire,glénat-fayard,regnault,delmas,meloni,duchein,angleterre,henri viii,tudor,shakespeare,tétralogie,margaret thatcher,angela merkel,londres France. En effet, avec Elisabeth Ire émerge un Etat de plus en plus puissant et unifié, dont les ramifications ne cessent de s'étendre... bref, un Etat moderne. L'Angleterre d'Elisabeth sera en mesure de rivaliser avec la France et l'Espagne ; elle mettra même un terme à l'ambition de l'Espagne de dominer le monde en piégeant sa flotte militaire dans le pas de Calais. Elisabeth parachève l'oeuvre de son père, Henri VIII, tout en mettant un point final à la dynastie des Tudor, qui s'éteint avec elle. Sur le plan militaire et économique, Elisabeth fut plus avisée que son homologue français (Louis XIV).

En collaboration avec les éditions Fayard, Glénat propose ici une bande-dessinée didactique. Pour cela un historien (M. Duchein) a supervisé le récit, visant un juste milieu entre le roman national anglais, peu critique, et le point de vue catholique proche du pamphlet (la rupture des Tudor avec la religion romaine et l'anglophobie ont valu aux Tudor quelques pamphlets catholiques ou français).

La gageure était double puisque les auteurs se devaient d'être équitables, mais aussi de résumer en une cinquantaine de pages une personnalité et un règne à la fois complexes et denses. Shakespeare, contemporain d'Elisabeth Ire, a d'ailleurs relevé ce défi (faire court et dense en même temps) avec ses tétralogies historiques qui tiennent le lecteur en haleine.

Le règne d'Elisabeth soulève non seulement le problème épineux de la religion d'Etat, qui évoluera en religion DE l'Etat (le problème reste par conséquent d'actualité) ; mais aussi celui de la centralisation croissante du pouvoir politique, qui va s'accélérer encore par la suite avec le développement de l'économie capitaliste.

Elisabeth était en outre dotée d'un tempérament hors du commun, que la BD n'omet pas de souligner. Cette reine a laissé le souvenir d'un grand courage physique et d'une abnégation exemplaire. A peine évoquées dans la BD, faute de place, les jeunes années d'Elisabeth ont sans doute contribué à forger un tel caractère. Songez un peu : le père d'Elisabeth a fait décapiter sa mère, inculpée d'adultère ; le sort de la future reine fut on ne plus précaire quand sa demi-soeur Marie la fit emprisonner pour conforter sa position sur le trône (menacée d'exécution, Elisabeth écrivit au commandant de la Tour de Londres pour réclamer l'épée au lieu de la hache, en cas de malheur). Certains sont anéantis par des vicissitudes qui permettent à d'autres, a contrario, de se forger un mental d'acier.

L'Europe n'a donc pas attendu le XXe siècle, Margaret Thatcher ou Angela Merkel, pour confier à une femme l'exercice du pouvoir suprême. Contre l'avis de ses conseillers, Elisabeth eut l'intelligence de ne pas se marier, ce qui aurait pu l'affaiblir, ne serait-ce qu'en mettant en péril sa santé, et par conséquent son pouvoir et son indépendance. Elle sut dissiper la rumeur de son mariage secret avec Robert Dudley, codétenu à la Tour de Londres, et même la rumeur d'accouchements clandestins. L'union des souverains de sexe masculin n'était pas moins une chose ardue, compte tenu des enjeux diplomatiques et de succession.

La BD est complétée par un dossier historique illustré de 7 pages, qui permet d'approfondir ce chapitre capital de l'histoire européenne ; la BD fait partie d'une collection comportant une dizaine de titres qui proposent un aperçu sur Louis XIV, Catherine de Médicis, Napoléon, Jaurès, entre autres. Il s'agit là d'un bon moyen pour susciter l'intérêt des adolescents et des grands adolescents pour l'histoire, alors qu'ils sont de plus en plus exposés aux sollicitations de la culture de masse et de la propagande politique.

"Elisabeth Ire", par Meloni, Regnault, Delmas, Duchein, Eds Glénat-Fayard, juin 2016.

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