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stendhal

  • Qui a peur de Shakespeare ? (2)

    Petit feuilleton littéraire estival

    Réserve française

    Dans le premier numéro de ce feuilleton, nous avons souligné l'empreinte profonde de Shakespeare sur la culture moderne, en même temps qu'un voile de mystère continue de napper l'oeuvre, voire l'identité de son auteur.

    Il serait en effet plus facile de dresser la liste de ceux -philosophes, romanciers, poètes, dramaturges, critiques-, qui ne doivent rien à Shakespeare, l'ignorent (délibérément ou pas), plutôt que la liste des suiveurs plus ou moins fidèles.

    Le mystère est entériné par la critique qui, ne parvenant pas à classer un certain nombre des pièces de Shakespeare dans le genre comique ou tragique ("Timon d'Athènes", "Mesure pour mesure", "Troïlus et Cressida"...), les a qualifiées de "problem plays" (pièces énigmatiques). Cette difficulté de classement, si elle indique l'originalité de Shakespeare, n'est rien à côté du problème de l'interprétation des pièces et des poèmes, auxquels on a prêté parfois des significations radicalement opposées. Ainsi, quand certains voient en Hamlet le héros de la tragédie qui porte le même nom (ce qui paraît assez logique), d'autres ont affirmé que Claudius (traître, assassin et adultère) en était le véritable héros.

    Pourtant l'engouement d'un large public pour le théâtre de Shakespeare montre qu'il n'est pas le domaine réservé de quelques spécialistes. Mieux, ce théâtre vieux de quatre siècles est d'une étonnante actualité.

    - Le poids de la finance et des banques sur la destinée des hommes d'aujourd'hui évoque irrésistiblement "Le Marchand de Venise", dont il y aurait peu à changer pour donner une version londonienne dans un décors de buildings de verre et d'acier.

    - Mais encore la difficulté à définir des règles morales, une éthique qui fasse consensus entre les hommes, fait penser à "Mesure pour Mesure", où Shakespeare bat en brèche l'idée de morale universelle.

    - Dans "Roméo & Juliette", le motif de l'amour est partout et nulle part en même temps, ce qui n'est pas non plus sans faire penser à la société de consommation.

    - La collusion du pouvoir politique et du pouvoir religieux est le thème de plusieurs pièces ("Henri VIII", "Thomas More"), toujours aussi "brûlant" aujourd'hui.

    Toutes ces coïncidences frappantes suggèrent qu'il y a bien quelque chose à saisir dans cette oeuvre insaisissable.

    *

    C'est le moment d'évoquer une certaine "réserve" française. Aussi marqué soit l'intérêt de Voltaire, Diderot,webzine,zébra,bd,feuilleton,shakespeare,estival,littéraire,problem plays,timon d'athènes,mesure pour mesure,troïlus et cressida,balzac,barbey d'aurevilly,stendhal,claudel,gide,céline Hugo (père & fils), Balzac ("notre Shakespeare", selon le critique J. Barbey d'Aurevilly), Vigny, Stendhal, Claudel, Gide, Céline..., pour le théâtre de Shakespeare, l'engouement n'est pas aussi grand en France qu'il est dans d'autres pays, comme l'Allemagne ou les Etats-Unis, en plus de l'Angleterre et d'autres nations plus éloignées (l'intérêt pour Shakespeare ne se limite pas aux nations occidentales).

    La raison en est sans doute que la France, ses élites, ses pédagogues, sont moins attachés à l'histoire qu'ils ne sont à la culture. Autrement dit, les élites françaises se passionnent plus pour le "roman national" que pour l'histoire (sans valeur patrimoniale) ; chaque parti, qu'il soit réactionnaire, libéral, communiste, républicain, etc., enseigne son récit des événements politiques, dont il s'empresse de déduire un discours moral.

    Or Shakespeare est à l'opposé de ces usages ; on voit bien qu'il n'oppose pas tel camp à tel autre, le bien au mal, de façon manichéenne. C'est avec beaucoup de mauvaise foi que l'on a pu rapprocher Shakespeare du "sentiment national anglais" ; les souverains anglais sont en effet tantôt décrits par Shakespeare comme des imbéciles sans prise sur leur destin (Richard II), tantôt comme des personnages rusés mais cruels (Richard III) ; le portrait peu flatteur de Jeanne d'Arc par Shakespeare ne suffit pas à en faire un dramaturge nationaliste anglais.

    S'il y a une leçon à tirer de l'oeuvre de Shakespeare, un message caché, il n'est pas d'ordre éthique.

    (A SUIVRE)

    Le peintre préraphaélite William Holman Hunt (1827-1910) illustre dans le tableau ci-contre, "Le Berger Mercenaire", un bref passage extrait du "Roi Lear". Occupés à flirter, le berger et la bergère ne prêtent plus attention à leur troupeau de moutons. Le berger négligent tient dans sa main gauche un sphinx tête de mort (papillon assez commun, autrefois appelé "désirée").

  • Prud'hon***

    Le musée Condé à Chantilly expose jusqu'au 26 juin son fonds de dessins de Pierre-Paul Prud'hon (1758-1823). A cettewebzine,bd,fanzine,zébra,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,pierre-paul prud'hon,sylvain laveissière,stendhal,baudelaire,delacroix,duc d'aumale,chantilly,faton occasion les éditions Faton publient un catalogue raisonné des dessins de la collection exceptionnelle (26 dessins) constituée par le duc d'Aumale, fameux mécène descendant des Condé et fils du roi Louis-Philippe.

    Ce catalogue, plutôt technique, nous renseigne sur la manière dont fut constituée la collection de Prud'hon pour le compte du duc, ainsi que sur les travaux d'entretien minutieux de dessins particulièrement fragiles - la religion de l'art a ses reliques, elle aussi.

    Cette collection a beaucoup contribué à la gloire posthume de Prud'hon, artiste discret en comparaison de personnalités saillantes comme Jacques-Louis David ou Théodore Géricault.

    Les effets de lumière crayeux de Prud'hon confèrent à ses dessins un aspect d'outre-tombe, qui a sans doute pas mal contribué à entretenir la réputation de pionnier du romantisme de l'artiste bourguignon (natif de Cluny). Sylvain Laveissière, spécialiste de Prud'hon, mentionne surtout les critiques élogieuses de Delacroix, Baudelaire, Stendhal, comme motif principal pour classer Prud'hon parmi les romantiques; étiquette fragile, démentie par l'admiration de Prud'hon lui-même pour l'art de Léonard de Vinci. La tendance de Stendhal était d'ailleurs à revendiquer "romantique" tout ce qui lui plaisait, jusqu'au théâtre de Shakespeare, en un temps où "romantique" voulait dire "neuf".

    L'art de Prud'hon ramène à la question plus sérieuse de l'influence de l'Antiquité sur l'art moderne, voire plus largement la civilisation (question controversée : rupture ou continuité?) que ce catalogue raisonné n'aborde pas directement. Cette question est pourtant l'un des enjeux de l'art moderne, motivant le mécénat ou "l'investissement culturel" comme on dit aujourd'hui.

    Laugel, négociateur pour le compte du duc d'Aumale, pour consoler son maître de l'importante dépense qu'il venait de faire, lui écrivit : "(...) Prud'hon est Prud'hon - je crois que c'est un des maîtres de notre époque qui peuvent le mieux braver l'avenir." On comprend ici que c'est un mélange d'intérêt pour l'art et de placement financier plus trivial qui préside au destin de l'art. Le duc n'avait pour l'art de Prud'hon qu'un intérêt limité.

    - La collection de Chantilly est faite d'un mélange d'académies d'hommes et de femmes, plus ou moinswebzine,bd,fanzine,zébra,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,pierre-paul prud'hon,sylvain laveissière,stendhal,baudelaire,delacroix,duc d'aumale,chantilly,faton achevées, illustrant la maîtrise du dessinateur ; d'esquisses préparatoires pour des tableaux sur des thèmes mythologiques ou allégoriques antiques ; ou encore de sujets plus érotiques. Ne figure malheureusement pas dans la collection de Chantilly le saisissant portrait de la maîtresse de Prud'hon, Constance Mayer (ci-contre, le portrait conservé au Louvre) ; celle-ci fit carrière de peintre dans l'ombre de son amant, son statut ambigu l'empêchant d'accéder à la notoriété.

    Pierre-Paul Prud'hon, Les Carnets de Chantilly, Faton, 2016.

     

  • Le Caravage*

    Milo Manara compte pas mal d’admirateurs parmi les adolescents adeptes des pratiqueswebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,milo manara,le caravage,hugo pratt,giuseppe bergman,poussin,stendhal,ruskin,tintoret,rembrandt,picasso masturbatoires. Il a en effet bâti sa carrière sur son habileté à dessiner des femmes nues, sous toutes les coutures, dans des bandes-dessinées érotico-pornographiques sans cesse rééditées. Parfois Manara ajoute une pointe d’humour à son propos égrillard.. Avant M. Houellebecq, il a suggéré de façon ironique que le tourisme sexuel est la première motivation des Occidentaux qui voyagent dans les pays du tiers-monde, sous divers prétextes—l’aventure, une cause humanitaire, etc.  (cf. « Giuseppe Bergman »), se moquant au passage de son ami Hugo Pratt, globe-trotteur invétéré qui avait « une femme dans chaque port ».

    C’est une tâche bien différente que lui a confié Glénat, de mettre la vie du peintre et propagandiste catholique Caravage en scène, et le résultat est, il faut bien dire, un ratage complet.

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  • Culturisme

    Aujourd’hui le Caravage (Michelangelo Merisi - 1571-1610) est en bonne place dans le Top 50 des
    webzine,bd,gratuit,bande-dessinée,zébra,illustration,peinture,le caravage,culturisme,peinture,poussin,tintoret,rembrandt,baudelaire,stendhal,clair-obscurs,laideur,pélerins d'emmaüsmeilleurs peintres -les "phares", comme dit Baudelaire. Mais ça n’a pas toujours été le cas. Le peintre français Nicolas Poussin (1594-1665) s’est montré parmi les plus durs, considérant le Caravage comme un peintre instinctif ou intuitif -c’est-à-dire un incapable aux yeux de Poussin, animé par un idéal élevé de la peinture, tendant plutôt vers la haute maîtrise. Stendhal note que le Caravage contribua à faire advenir le règne de la laideur en peinture, ce qui n’est guère plus élogieux.

    De la vie du Caravage, on ne sait presque rien: le meurtre commis par lui au cours d’une rixe est le point de départ de la légende dorée. Si le peintre a sans doute appartenu à l’un de ces partis d’Eglise ésotériques, mélangeant les symboles de la franc-maçonnerie et ceux de la religion chrétienne, il est probable qu’il y a joué un rôle secondaire, de simple propagandiste. Aucun artiste n’échappait à ces luttes d’influence au sein de l’Eglise en ce temps-là. Ces éléments ne permettent pas mieux de comprendre la peinture du Caravage.

    Si l’on peut trouver Poussin excessivement sévère à l'égard de son confrère, il n’en reste pas moins vrai qu’il y a un aspect bâclé dans la peinture du Caravage, tant du point de vue formel que celui des sujets traités. On est loin de la ferveur de Rembrandt, ou même du Tintoret, les poussant à illustrer des thèmes religieux bibliques sous un angle propre à inciter le spectateur à entrer dans le sujet, et à dépasser l’aspect purement décoratif de la peinture. Rembrandt néglige aussi la beauté (au sens platonicien), mais dans un but spirituel bien précis.

    On insiste parfois sur l’aspect marquant du clair-obscur, mais sa principale fonction est, dans les toiles de grand format, de permettre de les contempler à distance respectable en créant l’illusion du relief.

    Afin de travailler plus vite, contrairement à beaucoup de peintres, Le Caravage s’abstenait de croquis et dessins préparatoires sur des feuilles séparées. Il esquissait directement sur la toile, avant d’appliquer la peinture. C’est un des critères de Poussin pour le dénigrer: l’absence de recherche, et donc de méditation savante.

    Deux "savants" italiens ont récemment défrayé la chronique en annonçant la découverte d’une liasse de dessins de la main du Caravage, alors qu’on ne lui en connaissait aucun. Mais ce coup médiatique a fait long feu. Les savants ont rapidement été suspectés d’être des escrocs, et l’authentification de la liasse en question beaucoup plus difficile qu’ils l'avaient annoncé. Il n’est pas contestable, ni contesté, que le Caravage a reçu un solide enseignement académique auprès d’un maître. On ne saurait dessiner comme Le Caravage, qui plus est sur de grands formats, sans s’être exercé sérieusement au dessin. Les études peuvent dater de son apprentissage ; ou bien être un reliquat de l’atelier de son maître, de sa main et celles de divers élèves ?

    (Il est possible que le goût et l'habitude du cinéma explique la cote actuelle du Caravage. Nombre de ses toiles ont l'aspect caractéristique de ce repas partagé par Jésus-Christ avec les pélerins d'Emmaüs: à la fois spectaculaire, plein de détails pittoresques par lesquels l'oeil est attiré et où le peintre montre sa virtuosité de façon ostentatoire - on pourrait presque dire aussi une mise en scène du musée Grévin, avec ses mannequins de cire qui paraissent vivants.)