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Le chef d'entreprise, par Georges Grosz (1893-1959)
+ "Quand le philosophe Max Horkheimer, un des fondateurs de l'école de Francfort, demanda à Georges Grosz de s'impliquer dans la fondation d'une nouvelle démocratie sociale, il refusa en invoquant le caractère artistique de son travail. Il ne voulait pas illustrer la ligne politique d'un parti, même démocratique. Avec cette réponse, Grosz sortait l'art de la société, mais il voulait surtout indiquer son opposition radicale à toute forme de propagande par l'image." In : "L'art et l'histoire de la caricature" ; cet ouvrage de Laurent Baridon et Martial Guédron (éds Citadelles & Mazenod) est un des rares traitant de l'histoire de la caricature disponibles. Abondamment illustré, ce volume est inégal sur le fond. Les chapitres traitant de la caricature contemporaine et de son déclin, en particulier, sont faibles, négligeant les principales modalités de la censure de la presse et de l'art depuis la Libération.
+ Sur son blog, François Forcadell mentionne l'échec d'une vente aux enchères de dessins de presse (5 mars). En dépit de la présence dans le catalogue de dessins de Cabu, Effel, Loup, Bellus, Morez, Piem, Siné, Tetsu, les enchères n'ont pas dépassé quelques centaines d'euros par dessin, bien loin des montants atteints par des planches originales de BD lors de ventes récentes.
Plusieurs explications possibles, hormis l'incompétence des organisateurs de cette vente, qui n'est pas à exclure : - le public du dessin de presse est de plus en plus restreint, tandis que celui de la bande-dessinée s'est élargi. Les acquéreurs de planches originales à prix fort achètent du rêve, un morceau de madeleine de Proust ; la satire ne joue pas sur ce registre fétichiste, et les amateurs de dessins de presse sont les mieux placés pour le savoir. D'une certaine façon il est logique que le dessin de presse ne participe pas au phénomène de spéculation surréaliste auquel on assiste.
+ Parmi les collectionneurs fétichistes, certains ont plus de flair que d'autres, comme Bertrand Gautier qui a acquis aux Etats-Unis au mois de septembre dernier un Rembrandt pour quelques centaines d'euros (revendu 870.000 dollars), ayant reconnu la main du maître sous une couche de vernis jauni. Il s'agit d'une oeuvre de jeunesse de Rembrandt, faisant partie d'une série illustrant le thème des cinq sens (en l'occurrence le "Patient évanoui" ou l'Odorat).
+ Le musée des arts décoratifs de Paris organise en ce moment l'exposition "De la caricature à l'affiche" ; hier comme aujourd'hui, nombreux sont les caricaturistes qui ont été contraints pour subsister de dessiner des réclames, ce qui revient à concilier deux activités, satire et propagande, les plus antagonistes ; la publicité façonne désormais les moeurs du plus grand nombre ; c'est la religion qui compte le plus d'adeptes.
Au XIXe siècle, le grand écart était sans doute moins grand qu'il n'est aujourd'hui, en particulier depuis la Libération, en raison de la mainmise croissante des industriels sur la presse depuis ce temps.
+ Le Comité canadien pour la liberté de la presse organise son 16e Concours de dessin "editorial", sur le thème du droit d'être oublié (par Google). Ce comité suggère que la protection de la vie privée pourrait être un prétexte de censure gouvernementale d'Internet. Le prix est doté de 2000 dollars canadiens, et les dessins peuvent être envoyés jusqu'au 1er avril.
+ Tintin peut passer pour un précurseur de la "théorie du genre", quasiment une théorie de l'adolescence ou de l'indécision sexuelle. L'illustration ci-dessus, signée Hergé, est elle aussi pleine d'ambiguïté, traduisant la crainte des femmes, mêlée de respect pour leurs revendications spécifiques.
+ Le dessinateur Willem vient de vendre à la bibliothèque nationale de France les 20.000 dessins originaux qu'il détenait, soit la plus grande part de son oeuvre : "J'ai essayé d'en vendre à une époque, mais on ne vous achète que les dix meilleurs, et les autres vous restent sur les bras (...)." ("Le Monde", 27 février). Le dessinateur batave (Holtrop de son vrai nom), désormais installé à Groix en Bretagne, continuera d'enrichir le fonds Willem de la BNF "tant qu'il ne sera pas gaga. Jusqu'à 100 ans s'il le faut, en tout cas jusqu'à ce que ma femme estime que mes dessins ne valent plus rien."
Willem explique que sa méconnaissance de la langue française l'a forcé à rendre son dessin le plus explicite. Frédéric Potet, du "Monde", le range aux côtés des dessinateurs qui "actionnent une mécanique humoristique basée sur le dessin : Vallotton, Jossot, Chaval, Bosc, Topor, Ungerer et autres Sempé." Que les termes de "mécanique" et celui "d'humour" vont mal ensemble ! La notion de mécanique s'applique mieux à l'art dit "abstrait". Du reste, l'humour de Sempé tient largement aux légendes de ses dessins. L'ironie individualiste de Jossot ou Vallotton est assez éloignée de Willem. La faiblesse de Willem tient à ce qu'il hésite entre le genre de Cabu et celui de Chaval ou Bosc ; l'acclimatation du Batave à l'humour français n'est pas entièrement convaincante.
Le caricaturiste, qui dit s'être toujours refusé à caricaturer Mahomet pour ne pas risquer de vexer l'épicier arabe du coin [?], s'accommode bien de la menace terroriste qui pèse sur lui. L'alcool, la drogue et les accidents de la route font, il est vrai, mille fois plus de victimes en Bretagne que l'islam.
+ Le chanteur Renaud, que l'on ne présente plus, va disperser une partie de sa collection de BD, dont quelques albums rares de "Tintin" qui seront vendus aux enchères prochainement. Par ailleurs on annonce la reprise par Renaud de son activité de chroniqueur à "Charlie-Hebdo". De 1992 à 96, il fut employé par l'hebdomadaire dirigé par Philippe Val, lui aussi chansonnier. Mais le ton familier de star proche du peuple employé par Renaud n'a peut-être pas bien vieilli.
+ Sale coup pour un dessinateur de BD, Eric Hübsch, qui s'est fait dérober vingt planches originales de son album "Topaze" (adaptation de M. Pagnol) pendant le festival d'Angoulême. Le dessinateur a laissé quinze jours au voleur pour restituer le produit de son larcin avant de déposer plainte.
+ Les éditeurs de BD, petits et gros, menacent de boycotter le prochain festival d'Angoulême (FIBD), vitrine de cette petite industrie et outil de promotion de cette ville naguère déclarée en faillite à cause des dépenses somptuaires de son député-maire (J.-M. Boucheron). Ces éditeurs ont exigé d'être reçu par la nouvelle ministre de la Culture Audrey Azoulay. Comme les producteurs de lait bretons, les producteurs de BD risquent de connaître le marasme en raison d'une surproduction qu'ils ont eux-mêmes organisée, en espérant de lucratives retombées. Contrairement à ce que l'on peut lire ici ou là, la preuve n'est pas faite des "retombées positives" de ce festival pour la ville d'Angoulême, pas plus que la preuve de ses retombées positives pour la BD.
+ Le site Artsy.com, dédié au business de l'art, publie une étude sur le "Marché de l'art en 2015" ; les statisticiens sont les thuriféraires de la culture bourgeoise. Il apparaît que le marché de l'art a stagné en 2015 ; que Picasso a été d'un meilleur rapport cette année-là que Warhol, et autres points de repères aussi subjectifs. On constate que jamais la définition de l'art n'a autant compté que depuis qu'il est devenu chose indéfinissable. Qu'est-ce qui distingue un fusil d'assaut ou un éclair au chocolat d'une toile de Warhol ? Cet artiste ne suggère-t-il pas qu'il n'y en a plus ? Ainsi l'arbitraire devient la norme sous couvert de rapports techniques.
+ On annonce la sortie prochaine en librairie d'un nouveau "mook" (mi-book, mi-magazine), suivant une formule à la mode. Baptisé "Pandora", ce mook dont Benoît Mouchart sera le rédac-chef proposera de courts chapitres de bande-dessinée, par des signatures réputées dans le domaine de la "BD pour adultes". Le titre serait une allusion au prénom d'une adolescente qui allume Corto Maltese ("La Ballade de la Mer salée") ; Hugo Pratt, tentant d'introduire la mythologie dans la bande-dessinée (Corto Maltese peut passer pour un ersatz d'Ulysse, ou plutôt Jason), sachant le symbolisme négatif de Pandora, montrait son héros échapper à cette jeune femme-piège pour poursuivre ses aventures. Chez Homère la femme, ou plus exactement la sexualité, est caractéristique de la passivité.
+ L'université de Yale à New Haven dans le Connecticut dispose d'une collection de dessins numérisés, dont une partie sont "tombés dans le domaine public", selon l'expression consacrée ; cette université met à la disposition des internautes de bonnes versions numérisées de ces images. Parmi les caricatures (environ 80) se trouve la série de peintres français (Picasso, Picabia, Laurencin, Matisse, Gleizes...) caricaturés par le caricaturiste mexicain Georges de Zayas.
Caricature de Picabia par G. de Zayas (image libre de droits)
Le n°40 du mois de mars vient de paraître (4 p. dont les meilleurs dessins du mois + 1 p. revue de presse BD.)
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Caricature de C. Boutin par Zombi (2012)
+ La député chrétienne-démocrate Christine Boutin a imaginé avec l'éditeur Jacques-Marie Laffont le stratagème de "communication" suivant : publier un livre à propos des caricatures qui la prennent pour cible, publiées dans la presse ou mises en ligne. Le procédé est assez malin, puisque la caricature est au coeur de l'actualité, tandis que les médias se désintéressent de Mme Boutin depuis son désistement en faveur de Nicolas Sarkozy aux dernières présidentielles (contre une rondelette somme d'argent). Brocardée par les caricaturistes, C. Boutin a décidé de tourner cette faiblesse en moyen de se faire remarquer, à la manière des masochistes qui transforment la douleur en plaisir.
Un seul petit grain de sable dans la mécanique : l'éditeur a commandé des caricatures à des caricaturistes, contre salaire ou promesse de salaire, mais sans les prévenir que leurs caricatures serviraient à la propagande de Christine Boutin, ce qui a eu pour effet d'en agacer certains. Les caricaturistes qui s'en prendront désormais à Mme Boutin sont prévenus : leurs caricatures peuvent aussi bien servir sa cause.
+ Toujours dans le domaine de l'usage politique du dessin de presse, condamnable du point de vue satirique, on annonce la parution d'un ouvrage de Riss en collaboration avec l'avocat Richard Malka sur Marine Le Pen. Riss a déjà signé auparavant un pamphlet contre Nicolas Sarkozy avec R. Malka - "La face kärchée de Nicolas Sarkozy". La différence entre le pamphlet et la satire se mesure à leurs effets : le pamphlet ne convainc que les personnes déjà convaincues ; à cet égard il n'est pas très éloigné d'une forme de prêche religieux ; la satire est plus subtile et n'épargne pas le lecteur.
+ D. Pasamonik, sur le site Actuabd, note l'abondance des essais traitant de la bande-dessinée sous tel ou tel angle spécial. A propos de "Bandes-dessinées et religion", paru chez Karthala, éditeur spécialisé dans ce type d'essai, D. Pasamonik fait la remarque suivante à propos de la bande-dessinée israélienne : "(...) un dernier chapitre sur la bande-dessinée israélienne qui (...) ne concerne pas le thème général de l’ouvrage. Pire encore : par cette proximité incongrue, il accrédite la thèse que la communauté juive et Israël seraient la même chose, alors que bon nombre d’Israéliens laïcs récusent la notion même d’"Etat juif" au sens religieux et que de nombreux juifs ne se sentent par concernés par le nationalisme israélien." Juste remarque, mais il faut ajouter qu'elle vaut pour toute la culture "judéo-chrétienne" en général, vaste fourre-tout qui englobe aussi bien des ouvrages de propagande nationaliste, patriotique, sous couvert de religion, que des ouvrages plus spirituels, voire des ouvrages qui mélangent les deux. Le terme de "bande-dessinée chrétienne" ne veut pas dire grand-chose, par conséquent.
D. Pasamonik hésite en revanche à qualifier la bande-dessinée de religion à part entière ; pourtant certaines pratiques et rituels (dédicaces) incitent à voir la bande-dessinée comme une forme de religion alternative, en particulier dans des milieux sociaux où les enfants sont privés de religion "officielle". Le motif du "super-héros" notamment possède toutes les qualités d'un modèle religieux. Après tout la musique est un art essentiellement religieux ; pourquoi une certaine façon de faire de la bande-dessinée ne le serait pas aussi ? La démarche de vouloir faire reconnaître la BD comme une religion serait d'ailleurs plus cohérente que celle qui consiste à vouloir que la muse de la BD ait sa place parmi les autres, volonté un peu incongrue et anachronique.
+ La satire ou la caricature visant l'art est un sujet moins souvent abordé que la caricature politique. Alphonse Allais, qui connaissait bien les peintres et illustrateurs, les fréquentant, a écrit plusieurs petits contes, bijoux d'humour et de style, où il raille gentiment diverses tendances de l'art moderne dont il observa l'émergence (obsession du mouvement, de la couleur "vraie", etc.). Les monochromes humoristiques d'Allais sont, dans cette veine, des caricatures d'art, présentées à "L'Exposition des Arts incohérents" (1883 et 84).
Raphaël Rosenberg, dans un article dédié à cette rencontre de l'art moderne et de la caricature, fait valoir que la caricature des monochromes date... de bien avant l'invention et l'exposition de monochromes. La blague du monochrome aurait été pour le Bernin une manière de stigmatiser l'ignorance de certain amateur d'art, par exemple.
R. Rosenberg en vient naturellement à poser la question : - les caricaturistes ont-ils inventé l'art abstrait ? Cette question n'est pas sans évoquer le reproche adressé à Picasso par ses premiers détracteurs d'être un "caricaturiste". Comme l'art dit "abstrait" est souvent dépourvu d'intention satirique, il est plus juste de voir la caricature et l'art abstrait comme deux pôles de l'art moderne, qui se combattent, se croisent parfois, et offrent deux visages différents de l'art moderne.
Caricature de H. Bing (1912)
LE CUBISTE
- Que représente donc ce tableau ?
- Ouais, vous savez, ça dépend de ce que vous voulez acheter.
+ Le nouveau directeur de "Charlie-Hebdo", Riss, lance un "prix littéraire" ouvert aux 12-22 ans, doté de quelques milliers d'euros. Sujet de l'exercice : "Et si on remplaçait le bac par..." ; les copies sont à rendre avant le 20 avril prochain. Riss ne dit pas si le jury tiendra conte de la réform de l'ortograf (vieille lune déjà sujet de plaisanterie chez Alphonse Allais).
+ Martin Veyron ("Bernard Lermite") sort de la satire sociale, son domaine de prédilection, pour publier l'adaptation d'une fable méconnue de Tolstoï, "Ce qu'il faut de terre à l'homme" (ou : "Le Moujik Pakhom"). Si l'adaptation d'oeuvres littéraires n'est pas chose nouvelle en bande-dessinée, la mode bat son plein en ce moment, pour le meilleur et pour le pire ; nous signalions récemment la bonne adaptation de "Don Quichotte" par Rob Davis.
Au magazine d'obédience catholique "La Vie" (21 janvier), M. Veyron a donné des détails sur ce travail d'adaptation : "Depuis des décennies, j'avais envie de traiter de façon contemporaine les exagérations du progrès, qui n'est plus perçu comme une chose bénéfique. Un constat dû à la surproductivité, à la fois dans l'agriculture et dans l'industrie, qui apporte plus de poison que de bonheur. (...)" "Exagération du progrès" est une litote délicate pour traduire le recul. Et le choix de Tolstoï par M. Veyron peut surprendre ; en effet, le romancier russe, qui fit fortune avec sa plume, était de surcroît un aristocrate, propriétaire terrien persuadé du bienfait de la réforme agraire et du partage des terres : appliquée par le pouvoir soviétique avec une main de fer, au nom du progrès, la réforme agraire fit des millions de victimes.
On note cette contradiction dans les propos de M. Veyron, qui déclare : "Je suis donc resté très fidèle à l'oeuvre originale", mais un peu plus loin ajoute : "Le diable est présent dans sa nouvelle. Je l'ai évacué, car je pense que le mal est en l'homme, qui n'a nul besoin de démons extérieurs pour ne pas faire le bien..." Le problème de la fidélité de l'adaptation est posé ici ; en effet, ôter le diable des romans de Balzac ou des poèmes de Baudelaire, par exemple, reviendrait à les trahir. Le préjugé ou la mentalité moderne peuvent être choqués par la façon de croire le diable une puissance extérieure à l'homme, qui le dépasse, mais à quoi bon, dans ce cas, se prévaloir d'un auteur qui pense différemment en apposant son nom sur la couverture ? C'est une pratique condamnable du point de vue de la critique littéraire, quasiment une forme de censure.
+ En matière de récupération, la palme revient à la chroniqueuse radio et télé Natacha Polony ; celle-ci copréside un "comité Orwell", qui s'est réuni pour la première fois en janvier 2016. Quel rapport y a-t-il entre cette journaliste, à qui le sobriquet de "Zemmour light" va comme un gant, et l'essayiste marxiste anglais George Orwell ? Les références politiques de N. Polony sont de Gaulle, la République française, les valeurs laïques, J.-P. Chevènement, toutes très éloignées de la critique du totalitarisme d'Orwell, qui n'épargne pas le fonctionnement de l'Etat moderne et sa culture mystique. Du point de vue marxiste, la culture laïque est une religion d'Etat, et l'institution républicaine ne fait que reproduire le fonctionnement de l'Eglise romaine.
De façon plus caractéristique encore, on a pu entendre Natacha Polony vanter, à l'instar de Jean-Pierre Chevènement, les mérites de l'enseignement du "roman national". C'est une façon de présenter le mensonge national et le blanchiment des valeurs républicaines de façon positive, très éloignée de l'action de dire la vérité, présentée comme un acte révolutionnaire par Orwell, "en ces temps d'imposture universelle".
+ La dessinatrice Lisa Mandel a fait une petite incursion dans la "jungle de Calais", bidonville peuplé d'immigrés prêts à tout pour passer en Angleterre, mais coincés sur une bande de côte française. Accompagnée par la sociologue Yasmine Bouagga, Lisa Mandel a recueilli les témoignages de quelques-uns de ces immigrés et les publie sur un blog-BD estampillé "Le Monde" ; l'état de ses prisons en dit plus long sur l'état d'une société qu'un long essai de sociologie, de même la "jungle de Calais" est une verrue sur le nez du projet d'unité européenne, devenue un peu trop voyante. Le contraste est assez saisissant entre le reportage de Lisa Mandel, qui a le don de prêter vie aux réfugiés, et les pubs "bling-bling" diffusées par "Le Monde", pour tel ou tel parfum ou vêtement de luxe. Le luxe des uns n'a-t-il pas pour rançon la misère des autres ?
+ Le tampographe Sardon donne régulièrement des nouvelles de sa fabrique de tampons en caoutchouc humoristiques sise "rue du Repos" à Paris (XIXe), mal nommée en ce qui le concerne puisque la vulcanisation ne va pas sans un minimum d'efforts. Vincent Sardon écrivait donc dernièrement (novembre 2015) : "(...) On dirait qu'il n'y a plus que des artistes dans cette ville de merde, tu peux chercher en vain pendant mille ans un type capable de réparer un peu proprement un grille-pain, mais si tu vas boire un café au coin de la rue tu verras passer en dix minutes trois vidéastes, une chorégraphe pour enfants, un designer chauve et cinq écrivains expérimentaux en lecture chez Verticales, et qui cherchent tous les quelques mètres carrés esprit Loft qui les séparent, croient-ils, de la félicité absolue."
+ On trouve en kiosque depuis quelque temps un nouveau journal satirique, simplement baptisé "Satire-Hebdo". Sur son blog dédié au dessin de presse, François Forcadell émet des réserves à propos de ce journal mystérieux, dépourvu d'ours, et dont aucun article n'est signé (un certain Frédéric Truskolaski le financerait, selon F. Forcadell). Il est vrai que, sur le plan rédactionnel, "Satire-Hebdo" est un peu creux ou bâclé ; son rédacteur développe des idées, disons "de centre-gauche", qui ne méritent guère le qualificatif de "satirique". "Contre le PSG", "pour Jean Rochefort contre Rachida Dati", "pour Juppé contre Sarkozy", "pour Jacqueline Sauvage contre le code pénal", "pour Bowie contre Justine Bieber", etc. Mais "Charlie-Hebdo" lui-même ressemble de plus en plus à "Libération", et de moins en moins à un journal satirique. "Satire-Hebdo" a quand même le mérite de faire découvrir au grand public des caricaturistes moins connus que Riss et Coco, comme Glon ou Frizou, principaux contributeurs de "Satire-Hebdo". "Charlie-Hebdo" de son côté donne l'impression d'avoir du mal à recruter de nouveaux talents, puisqu'il a dû embaucher successivement Pétillon et Vuillemin, deux vieux briscards du dessin de presse.
Caricature de Glon parue dans "Satire-Hebdo"
+ Le trait élégant et minimaliste de feu Saul Steinberg, dessinateur de presse et illustrateur américain ("New-Yorker") a fait des émules de ce côté-ci de l'Atlantique ; le site américain "Artsy" nous informe de la mise en ligne d'une nouvelle page web dédiée à cet artiste, où l'on peut admirer notamment un peu plus d'une trentaine de ses dessins.
"Six Terroristes", dessin colorié par Saul Steinberg, 1971.
Petit intermède publicitaire pour annoncer la sortie du journal satirique "Zélium" n°7, "spécial gauche". Pour la première fois "Zélium" publie un dessin de l'Enigmatique LB (p.6), fidèle contributeur de "Zébra", qui publie chaque semaine depuis plus d'un an ses caricatures.
Evincés petit à petit de la grosse presse, ou contraints par des rédac' chef frileux à un humour de plus en plus plat, les caricaturistes se regroupent parfois pour publier leurs propres journaux, tel "Zélium", produit par la petite association "Jack is on the Road". On peut se procurer ce n°7 (février-mars 2016) via le site de "Zélium".
- A noter que GAB, dont "Zébra" publie aussi les dessins de presse depuis peu, fait partie de la belle brochette de dessinateurs de presse "employés" par Zélium.