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KRITIK - Page 5

  • Le Libéralisme**

    22e opus de la collection "La petite Bédéthèque des Savoirs", cette BD se présente comme une enquête sur lewebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,libéralisme,dutreix,pierre zaoui,bédéthèque,savoir,lombard,marx,chine,européiste "libéralisme".

    Les auteurs, P. Zaoui et R. Dutreix, s'attachent à démontrer que le libéralisme est une notion ou une doctrine incohérente. En effet les principaux essayistes qui se réclament du libéralisme divergent beaucoup trop pour que l'on puisse dégager un PPCM voire un PGCD.

    La démonstration s'appuie sur l'illustration que l'idéologie libérale a permis aussi bien de cautionner l'ordre public étatique que les mouvements révolutionnaires opposés. L'individualisme, qui passe parfois pour une valeur ou un principe libéral, ne l'est pas particulièrement; en effet, la plupart des auteurs libéraux plaident pour l'affranchissement de l'individu de certaines contraintes en arguant de son bénéfice pour la collectivité.

    Les auteurs auraient pu prendre pour exemple (flagrant) la "liberté d'expression" ; sa formule libérale autorise la censure dès lors que cette liberté représente une menace pour l'ordre étatique.

    Les auteurs auraient aussi pu prendre l'exemple plus concret de la Chine, nation dont il est pratiquement impossible de dire si elle représente un régime de droit libéral ou non (il y a autant d'arguments dans les deux sens).

    Le principal mérite de cette enquête est de souligner que le libéralisme n'a pas de frontières politiques bien délimitées ; un certain nombre de soi-disant détracteurs du libéralisme, pour des raisons démagogiques se posent en adversaires du libéralisme tout en menant une politique similaire à celles menées par des gouvernements portant l'étiquette libérale.

    Et les auteurs de définir le libéralisme comme une "galaxie", bien que le terme de "nébuleuse" aurait été préférable. De façon étonnante, le constat de son inconsistance ne semble pas ternir l'aura de l'idéologie libérale à leurs yeux.

    Néanmoins cette enquête sur le libéralisme souffre de trois défauts majeurs :

    - L'enquête s'arrête là où elle commence à devenir intéressante; en effet, une fois que l'on a mis en évidence que le libéralisme ne désigne aucune doctrine et aucune politique précisément, en même temps que le libéralisme a une aura extraordinaire, on se retrouve pratiquement devant une énigme plus intéressante que l'étude du libéralisme en lui-même. On doit se poser la question : le libéralisme est-il une simple ruse ?

    - Par ailleurs cette BD ne nous apprend pas grand-chose que les critiques du libéralisme ne pointent depuis longtemps. L'idée que l'étatisme et le capitalisme se confortent mutuellement, loin de s'opposer suivant la propagande de certains partis politiques, a été démontré par Marx il y a plus d'un siècle.

    Plusieurs exemples contemporains valident cette démonstration : le projet libéral européiste, calqué sur les Etats-Unis, se heurte ainsi notamment à l'absence d'appareil d'Etat (unifié). Par ailleurs la transition de la Russie d'un régime soviétique à un régime libéral s'est faite presque sans coup férir.

    - Enfin cette enquête ne se penche pas assez sur l'aspect mystique ou religieux de l'idéologie libérale, bien que l'observation de son incohérence incite pourtant à s'y intéresser.

    Il est difficile de ne pas faire un lien entre l'irruption de la notion de liberté en politique et le christianisme. "Liberté politique" ne veut pratiquement rien dire dans l'Antiquité, où la politique est envisagée sous l'angle du rapport de force, tandis que la liberté est devenue au cours de l'ère chrétienne un véritable leitmotiv.

    On discerne aussi une forme de mysticisme légal. La loi en impose beaucoup plus qu'elle ne peut dans les régimes libéraux. L'impuissance des économistes libéraux à prédire à moyen ou long terme les mouvements de l'économie ne les dissuade pas de donner la forme légale à leurs hypothèses, quand ils ne basculent pas carrément dans des prophéties chimériques ou un darwinisme économique qui n'est pas plus scientifique que le darwinisme social nazi.

    Sur le plan des codes juridiques à proprement parler, on pense à une ancienne recommandation adressée au(x) législateur(s) anglais par un auteur spécialisé dans le droit -ne pas ajouter une loi à un code sans en retrancher une caduque simultanément, afin d'éviter l'inflation juridique et les problèmes d'application de la règle de droit qui s'ensuivent. C'est peu de dire que les politiques libérales se défient de cette ancienne recommandation. Les Etats-Unis ne sont pas le seul exemple de prolifération de la norme légale, qui manifeste une certaine horreur mystique du vide juridique. 

    Le Libéralisme - enquête sur une galaxie floue, par Pierre Zaoui et Romain Dutreix. La petite Bédéthèque des Savoirs, Le Lombard, 2018.

  • The New-Yorker-La France et les Français***

    Il s'agit ici d'un recueil de 200 dessins tirés de l'hebdomadaire satirique américain "The New-Yorker", traduitswebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,new-yorker,dessin,presse,satirique,france,français,jean-loup chiflet,new-york,cabu,tomi ungerer,booth,états-unis,arno,editorial cartoon
     et présentés par Jean-Louis Chiflet (une version plus exhaustive a été publiée dans une autre collection).

    "La France et les Français" est un surtitre trompeur, car sont caricaturés ici tout autant, si ce n'est plus que les Français, les touristes américains. Comme le touriste est, par définition, un type plein de préjugés, cela permet de faire le tour des clichés sur ces deux nations, leurs ressortissants et ce qui les oppose.

    Du point de vue américain, les Français sont incroyablement minces, bourrus (pour ne pas dire hostiles), contents d'eux-mêmes, futiles (partagés entre leur passion pour la mode et leur passion pour la gastronomie), légèrement arriérés et surtout dotés des services de taxi les moins bien conçus du monde.

    Quant aux Américains ils ont tendance à croire que le monde vient de naître comme les Etats-Unis, à être plutôt pudibonds (le dévergondage à la française est une véritable attraction touristique), et à se délecter du nom des vins et leurs consonances plutôt que de leur substance. Il est vrai que ces Américains ne sont pas représentatifs, puisque ce ne sont là que des touristes new-yorkais plutôt aisés.

    La fresque est chronologique puisque les dessins sont classés par dates, en partant d'une tranche 1925-1939, jusqu'à la période 1967-2006. Cela permet de mesurer la répercussion de certains événements politiques importants, quoi que les dessinateurs du "New-Yorker" s'y intéressent peu, préférant faire des observations psychologiques. On note tout de même l'indication de "l'ingratitude" des Français après la Libération, qui surprend les Américains.

    Dans l'ensemble on reste dans un registre léger ; la tâche des humoristes du "New-Yorker" est de faire sourire le lecteur, si possible subtilement ; on est loin de l'intention provocatrice, voire subversive, de certains caricaturistes ou titres de presse européens. On se souvient que le caricaturiste Tomi Ungerer, après un début de carrière prometteur à New York, se mit à dos l'intelligentsia new-yorkaise en publiant des dessins au vitriol, montrant les New-yorkais sous un jour peu favorable.

    En comparaison des dessins du "New-Yorker", les reportages dessinés par Cabu lors de séjours aux Etats-Unis sont de véritables pamphlets. Hormis Barack Obama et les lignes audacieuses de quelque "building" new-yorkais, rien ne trouve grâce aux yeux du caricaturiste français dans le mode de vie américain.

    On s'aperçoit donc que la culture ne fait pas que "rassembler" les hommes, elle est est aussi un facteur de division ; d'autre part la culture n'est pas seulement faite de choses raffinées, artistiques ou littéraires, mais aussi d'une foule de détails mesquins.

    En dépit des efforts déployés au cours des dernières décennies par les élites françaises pour combler le fossé culturel entre la France et les Etats-Unis, l'antipathie persiste, qui dépasse les clivages politiques. Cette antipathie n'est pas exclusive d'une forme de fascination réciproque ; fascination de l'Américain pour ses origines européennes et un savoir-vivre français (ou italien) en voie de disparition, et fascination des Français pour l'Avenir, incarné depuis la Libération par la première puissance mondiale.

    The New-Yorker, La France et les Français, trad. J.-L. Chiflet, Les Arènes-Points, 2010.

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    (Dessin de Peter Arno)

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    (Dessin de Booth)

  • Si Doux Foyer

    Déclinaison de l'acronyme SDF par Le Borgne en une trentaine d'épisodes humoristiques publiéswebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,si doux foyer,fluide glacial,le borgne,reiser,paris,sdf,misère,démocrite,capitalisme d'abord dans l'hebdo "Fluide Glacial".

    Le dessin de Reiser a beaucoup été imité, pour le meilleur et pour le pire. Le Borgne prolonge aussi l'esprit satirique de Reiser, abordant le problème de la misère à Paris sans tomber dans l'apitoiement sentimental.

    L'ambiguïté du principe de "solidarité sociale" est résumée dans les paroles de l'hymne des "Restos du coeur" : "Quand je pense à toi, je pense à moi." Cette ambiguïté explique la relative tolérance des Parisiens vis-à-vis des SDF qui hantent les rues et le métro, plus nombreux depuis le "krach" capitaliste de 2008: le cadre dynamique en pleine ascension d'une carrière abrupte est conscient qu'il pourrait dévisser ; pas sûr d'ailleurs que l'on soit aussi tolérant dans des villes plus puritaines et féministes, car le SDF éructe parfois de façon inquiétante, et siffle même parfois les filles pour tuer le temps.

    Or Le Borgne montre bien le SDF tel qu'il est : à la fois très loin et très proche du citoyen lambda "bien inséré socialement". Démocrite (IVe siècle av. J.-C.) rapprochait la misère de la trop grande richesse, en montrant que cette dernière n'est pas moins "un état de nécessité" ; autrement dit : un état d'insatisfaction permanent impropre à la jouissance.

    Chacun voit assez bien que la misère du SDF est la rançon de l'esprit de compétition économique. On le reconnaît d'autant mieux que cette misère, qui a considérablement diminué dans la partie occidentale du monde au cours des derniers siècles, persiste de façon résiduelle dans les pays dits "développés". Elle persiste donc évidemment comme un "dommage collatéral".

    Certains béni-oui-oui s'étonnent que l'immense richesse amassée par l'Occident ne soit pas divisée en parts égales: - comment l'esprit de compétition illimité pourrait-il aboutir à l'abolition de la cupidité d'où vient son impulsion ?

    Béni-oui-oui, cette BD de Leborgne ne l'est pas ; mais peut-être seulement un peu dépassée, car on voit se multiplier dans Paris une nouvelle espèce de SDF, venus du tiers-monde pour participer aux jeux olympiques du profit, où tous les coups sont permis.

    Si Doux Foyer, par Leborgne, Ed. Fluide-Glacial, 2010.

  • Et 1917 devient Révolution***

    Au préalable, rappelons que le tribut le plus lourd payé à la révolution bolchevique fut versé par le peuple. Lawebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,révolution,russe,1917,octobre,commémoration,sabine dullin,el lissitzky,marc ferro,alain blum,le fouet,bitch,novy satirikon,chtyk,bolchevik,koulak,kérenski,lénine,trotski révolution russe n'a pas laissé seulement une trace sanglante derrière elle parce que les aristocrates et une bonne partie des "koulaks" russes furent massacrés, mais parce que des dizaines de millions de Russes appartenant aux couches populaires furent aussi sacrifiés sur l'autel du Progrès.

    Le régime quasi-dictatorial de Poutine et ses prédécesseurs tient aussi au souvenir cuisant dans la population de gigantesques massacres commis au nom de la démocratie et du peuple.

    La commémoration d'un tel événement est néanmoins justifiée, car la Révolution de 1917 est l'un des événements politiques majeurs du XXe siècle. L'Histoire, quant à elle, commence au stade où l'on tente d'élucider le sens de cet événement, ce que la propagande politique rend difficile; la révolution russe a en effet été tantôt récupérée, tantôt utilisée comme un repoussoir, de sorte qu'elle est surtout connue à travers la propagande, cela d'autant plus que les archives soviétiques sont longtemps restées scellées.

    "Et 1917 devient Révolution", ouvrage commémoratif paru à l'occasion du centenaire de la Révolution, a plusieurs mérites :

    - Il est découpé en une cinquantaine de courts chapitres (sommaire détaillé ici), ce qui permet d'aborder la Révolution russe, monumentale et un peu intimidante, sous des angles variés. Ainsi un chapitre consacré à un officier français catholique, qui déserta l'armée française pour se joindre, enthousiaste, aux bolcheviks, avant de déchanter et rentrer au pays, nous éclaire sur la dimension religieuse de la Révolution (déjà soulignée par Baudelaire dans un autre contexte).

    Plusieurs chapitres permettent aux lecteurs de découvrir les principaux acteurs des événements de 1917: Kérenski, Lénine, Trotski, ou le général contre-révolutionnaire Kornilov ; mais aussi les différents rouages de l'engrenage révolutionnaire: la défaite de l'armée russe face aux troupes allemandes, la prise "mythique" du Palais d'hiver. Certains aspects secondaires sont aussi évoqués, comme des événements frontaliers (indépendance de l'Ukraine ou de la Finlande), l'exil des aristocrates ou la propagande politique.

    - De plus l'iconographie est abondante et les reproductions de bonne qualité: de nombreux documents d'époque -affiches, caricatures, photographies, journaux, sont reproduits. A travers un chapitre dédié aux revues satiriques russes de 1917, on découvre le talent des caricaturistes russes d'alors. La propagande communiste a requis aussi le talent de dessinateurs et d'artistes-affichistes.

    On s'attardera ici sur les deux chapitres consacrés à la caricature et les chapitres consacrés à la propagande.

    - Les revues satiriques furent de courte durée, coincées entre la censure tsariste et celle du nouveau pouvoirwebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,révolution,russe,1917,octobre,commémoration,sabine dullin,el lissitzky,marc ferro,alain blum,le fouet,bitch,novy satirikon,chtyk,bolchevik,koulak,kérenski,lénine,trotski bolchevik qui s'empressa de museler ces publications peu favorables aux bolcheviks. La censure tsariste s'était relâchée un peu depuis la révolution de 1905, permettant à quelques titres d'éclore : "La Baïonnette" (Chtyk), "Le Nouveau Satiricon" (Novy Satirikon), "Le Fouet" (Bitch). En 1918, presque tous ces titres sont déjà interdits et un organe officiel de censure sera mis en place en 1922.

    La qualité de ces titres de presse est d'autant plus surprenante que la censure ne cessa vraiment que pendant quelques mois de transition entre les deux régimes dictatoriaux.

    - Un autre chapitre se penche de plus près sur le contenu des caricatures. La crise est générale en Russie: militaire d'abord, mais aussi politique, économique et morale. Les caricatures visent tous ceux qui sont jugés responsables de cette crise : le pouvoir monarchique, le clergé orthodoxe, la bourgeoisie soupçonnée de vouloir détourner la révolution de son but, mais aussi les bolcheviks accusés de contribuer au chaos et de céder face à l'Allemagne.

    Les caricatures antirévolutionnaires sont peut-être les plus originales car elles soulignent les divisions au sein du peuple et l'incapacité à surmonter ces divisions au nom de la démocratie (cf. caricature ci-contre de Re-Mi, parue dans le "Novy Satirikon", raillant les divisions à l'intérieur du peuple).

    - D'autres chapitres évoquent au contraire le rôle de la propagande et des artistes "enrôlés" par la révolution bolchevique. Il faut exalter les figures emblématiques de la révolution -l'ouvrier, le soldat de l'armée rouge-, mais aussi rendre les "lendemains qui chantent" plus concrets et désirables.

    - Dans le chapitre "L'invention des Rouges et des Blancs", Sabine Dullin commente une affiche abstraite d'El Lissitzky : "Battez les blancs avec le coin rouge" (1920). La signalétique géométrique et tricolore simpliste de cette affiche destinée à "guider" les soldats de l'armée rouge est un exemple intéressant de l'implication de l'art abstrait avant-gardiste dans la propagande militaire. La couleur sert à résumer l'idéologie, comme dans les emblèmes nationaux.

    Le terme "d'avant-garde" lui-même a une connotation guerrière.

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    Affiche de propagande par El Lissitsky.

    Cette peinture de la Révolution de 1917 par "touches légères" n'est pas sans défaut, mais du moins s'agit-il d'une description large, qui décrit et illustre des points de vue variés.

    La question historique à proprement parler, du sens de la Révolution, est laissée pendante. L'historien Marc Ferro se contente d'observer que les Russes ont en 2017 une meilleure opinion de Staline, qui incarne à leurs yeux un pouvoir stable et fort, contrairement à Lénine ou Gorbatchev, dont les noms riment avec chaos et crise.

    Cet historien indique aussi que l'aura de la Révolution russe persiste dans le monde cent ans plus tard, révolution qui selon lui "renia sa doctrine et ses promesses au nom de la nécessité".

    "Et 1917 devient Révolution", ouvrage collectif sous la direction de Carole Ajam, Alain Blum, Sophie Coeuré, Sabine Dullin. Eds Seuil/BDIC, 2017.

  • L'Arabe du Futur - tome 3***

    Succès de librairie inattendu en 2014, "L'Arabe du Futur" compte depuis deux tomes supplémentaires, et unwebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,riad sattouf,arabe,futur,syrie,satirique,laïcité,islam,bachar el assad quatrième devrait paraître en 2018. Pour mémoire cet auteur franco-syrien y raconte son enfance, dont le plus clair se déroula au Moyen-Orient, notamment en Syrie où le père de Riad Sattouf exerçait un emploi de fonctionnaire (prof de fac).

    Le tome III retrace les souvenirs des années 1985 à 1987, quand l'auteur avait de sept à neuf ans.

    Le principal reproche que l'on peut faire à l'auteur est de ne pas se renouveler : les tomes se suivent et se ressemblent. Cependant les lecteurs agacés par les récits d'autofiction un peu vains trouveront ici leur compte car l'auteur parvient à donner à son récit une portée générale.

    Alors que Riad Sattouf s'est fait remarquer au cours des dernières années par des prises de position publiques assez démagogiques (typiques de la gauche libérale), "L'Arabe du Futur" aborde au contraire sans hypocrisie, de manière satirique, le problème du rapport de la culture laïque moderne avec la religion; c'est d'autant plus utile que cette question donne lieu en France à des débats aussi stériles que passionnés, orchestrés par les partis politiques.

    "L'Arabe du Futur" nous montre que la religion mahométane est, en Syrie, la religion des familles paysannes pauvres et frustes. Dans ce milieu, dont le père de R. Sattouf est issu, sévit en outre un antisémitisme à la fois viscéral et superficiel, conséquence du nationalisme arabe et de la haine de l'Occident, à commencer par les Etats-Unis. "Juif" est à peu près synonyme de "traître" dans le vocabulaire des gosses syriens, ce qui n'est pas sans rappeler le "Boche" de la France de la fin du XIXe siècle, et l'assimilation dans la littérature antisémite de ce temps-là des Juifs aux Allemands.

    Le père de R. Sattouf est un personnage charnière: son ambition sociale le place en porte-à-faux vis-à-vis de sa famille et de son éducation traditionnelle. Il penche du côté du modèle laïc républicain à la française, incarné à la fin des années 80 par le père de l'actuel président-dictateur, Hafez el Assad. De façon significative, l'esprit de revanche des élites arabes ne les empêche pas d'imiter la formule laïque occidentale qui, à leurs yeux, a fait ses preuves sur le plan politique. La réussite scolaire est une des principales valeurs inculquées à Riad par son père.

    La position de monsieur Sattouf père est comparable à celle des catholiques en France, militant à la fois pour la laïcité et pour la religion, c'est-à-dire le maintien de certaines coutumes religieuses. On le voit ainsi se plier au ramadan, non par conviction religieuse mais par piété filiale, tout en vantant le mérite du jeûne... sur le plan médical.

    Cet homme relativement émancipé des prescriptions religieuses, qui a osé épouser une "infidèle" française, se montre d'ailleurs lucide à propos de la culture laïque occidentale: celle-ci accorde à l'argent une place au moins aussi importante que la place accordée par la culture traditionnelle à dieu. Or le noeud du problème est bien là: le culte du veau d'or entraîne-t-il moins de superstition et de fanatisme que le culte d'Allah ou Mahomet ? Certains aspects de la culture occidentale indiquent qu'il n'en est rien.

    Le tableau que R. Sattouf brosse parallèlement de sa famille maternelle française, installée dans la région de Saint-Brieuc (Bretagne), indique bien que la principale différence culturelle est en termes d'aisance matérielle et de confort. R. Sattouf ne se montre par moins critique avec sa mère, pour qui l'exil en Syrie est de plus en plus pesant, et dont les revendications féministes ont une connotation assez matérielle.

    R. Sattouf ne tombe pas dans le piège d'une opposition manichéenne entre les différentes cultures de ses parents. 

    L'Arabe du Futur- tome 3, par Riad Sattouf, Allary éditions, 2016.

  • Insulaires**

    Warum, petit éditeur opportuniste (dans le bon sens du terme) publie "Insulaires", recueil d'historiettes webzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,insulaires,warum,prosperi buri,groix,groisillongroisillonnes par Renaud de Châteaubourg, alias Prospéri Buri.

    A quelques encablures de la côte Finistère, l'île bretonne de Groix n'a rien d'un paradis, contrairement à ce que certains dépliants touristiques tentent de faire croire, s'appuyant sur quelques semaines estivales ensoleillées et des paysages pittoresques.

    En réalité, la pêche fut longtemps la seule ressource des habitants de cet ilot rocheux exposé au vent du Nord et aux tempêtes. La population de l'île dépassa même les 5.000 habitants (moitié moins aujourd'hui) au début du XXe siècle, quand les pêcheries fonctionnaient à plein régime.

    L'auteur a procédé par l'assemblage de souvenirs d'enfance -son grand-père employé du pétrolier "Total" avait acquis une résidence secondaire dans l'île- et de lectures de contes et légendes groisillonnes, pour fabriquer ces petits contes.

    Alcooliques, bigots, affabulateurs, les Groisillons ne sont pas montrés sous leur meilleur jour ; surtout dans l'un des récits où Prospéri Buri insinue que les Groisillonnes n'hésitent pas à inventer des légendes pour se débarrasser de leurs encombrante progéniture en bas-âge (en la "rendant" à la mer tandis qu'elles pêchent les délicieux pouce-pieds)...

    Voilà un ouvrage satirique qui confortera ceux qui affirment que le climat est pour beaucoup dans la civilisation, qui s'épanouit difficilement dans un climat hostile (thèse de Montesquieu - souvent cité, plus rarement lu).

    "Insulaires", par Prospéri Buri, éd. Warum, 2018.

  • Dessiner le quotidien***

    La Hollande au Siècle d'orwebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,dessin,hollandais,quotidien

     

    Quelquefois les catalogues d'exposition font regretter de ne pas s'être déplacé pour admirer les «oeuvres originales», expression qui prend tout son sens s’agissant des dessins hollandais du XVIIe siècle (conservés et exposés récemment au musée du Louvre). On sait l'importance du dessin pour les amateurs d'art éclairés, mais on ne la comprend pas toujours : l’économie de moyens permet d’approcher le cœur de l’artiste.

    Ces scènes de genre ont été divisées en scènes de la vie quotidienne à la campagne, ou en ville ; certains dessins illustrent aussi de façon précise des métiers ou des techniques disparus.

    Quelques scènes ont une tonalité satirique et montrent les travers de la société.

    Des causes religieuses sont parfois invoquées pour distinguer cette petite peinture intimiste hollandaise, discrète, de la grande peinture italienne brillante. Il est vrai que certains théologiens ou pasteurs réformateurs protestèrent contre la grande peinture italienne, cautionnée par l'Eglise catholique et prisée de riches commanditaires désireux d'en mettre plein la vue.

    Cependant il ne faut pas sous-estimer l'argument climatique de Montesquieu, plus concret ; celui-ci souligne les contraintes matérielles qui pèsent sur l'art et les artistes, différentes suivant les pays ou les régions (on ne peut pas peindre à fresque dans les pays humides).

    La nature, toujours épanouie en Grèce ou en Italie, a plus d'influence sur l'art qu'elle n'a en Hollande ou en Allemagne où on a tout le loisir de se pencher sur la psychologie et les relations humaines.

    Si l'art hollandais est plus psychologique, plus littéraire que l'art italien, il n'en repose pas moins sur le dessin et la capacité que les Hollandais ont en commun avec leurs confrères italiens de dessiner des figures qui paraissent vivantes. La méthode de l'apprentissage du dessin d'après le modèle vivant était alors encore vivace dans toute l'Europe.

    Un grand maître du dessin, tel Rembrandt, côtoie ici de moins grands, comme Maes ou Dusart, voire de petits maîtres inconnus comme Th, Matham ou J. van de Velde.

    Dessiner le quotidien - La Hollande au Siècle d'or, catalogue sous la direction d'E. Brugerolles et O. Savatier-Sjöholm, éd. Lienart, 2017.

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    Scène de taverne (par Adriaen Van Ostade)