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  • L'Enragé de Siné****

    N'étant pas né en 1968, je porte sur ce mouvement de contestation un regard détaché... ou presque ; en effet,webzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,enragé,siné,caricature,cardon,cgt,pcf,police,hoebeke,hara-kiri un certain nombre d'acteurs de "Mai 68" ont joué un rôle politique ou médiatique de premier plan au cours des dernières décennies. Le parti socialiste (de François Mitterrand) est en grande partie le produit de "Mai 68".

    Les éditions Hoëbeke ont eu la bonne idée de publier et de vendre à un prix raisonnable le fac-similé des douze numéros que compta "L'Enragé", fanzine soixante-huitard dirigé par Siné et une petite équipe de caricaturistes contre le pouvoir gaulliste.

    On aborde "Mai 68" en feuilletant "L'Enragé", sous un angle différent de la politique politicienne auquel on est habitué ; un angle beaucoup plus frais ou jeune, car les affiches et les slogans électoraux jaunissent vite et se ramassent à la pelle.

    La politique, Siné et son équipe de dessinateurs la rêvent ; de façon significative, l'idéal est cubain, c'est-à-dire vague et exotique. "L'Enragé" vomit non seulement le gaulllisme, mais aussi le communisme et le syndicalisme d'apothicaires tels qu'ils se pratiquent en France depuis la Libération.

    Siné, Cabu, Willem et quelques autres sont certes plus doués pour démolir et pourfendre -la police, l'armée, de Gaulle- que pour proposer quelque chose de concret à la place. "L'Enragé" est un concentré de jouissance virile, beaucoup moins cynique que "Hara-Kiri" n'était.

    "L'Enragé" était sans doute condamné dès le début à mourir, comme les taulards qui, une fois évadés, préfèrent crever pour ne pas retourner en prison. Le titre du fanzine le laisse présager, tout comme les appels du chef Siné à écouler 35.000 exemplaires (!) pour pouvoir survivre à la censure larvée du diffuseur unique de la presse française (que le Pr Choron aura été le seul à vaincre dans la 2nde moitié du XXe siècle en créant de toutes pièces un réseau parallèle).

    Notons encore la prise de bec entre le dessinateur Cardon et Siné. Le premier refuse d'être associé aux flèches de "L'Enragé" contre la CGT et le PCF. Le second n'en a cure et enfonce le clou. Anecdote pas si anecdotique, car elle révèle combien les soixante-huitards sincères étaient isolés, cernés non seulement par la police mais aussi par les calculs politiciens. "L'Enragé" appelait à la révolte dans un contexte où elle était devenue impossible en France, et la lutte des classes déjà réduite à une parodie de lutte des classes.

    On pourrait discuter ici les mérites comparés du pamphlet ("L'Enragé") et de la satire ("Hara-Kiri"). Une chose est sûre, de ce point de vue : les élites modernes redoutent beaucoup plus la satire qu'elles ne craignent la violence. Un bon caricaturiste est -en 2018- un caricaturiste mort et empaillé, transformé en martyr de la "liberté d'expression", dont on enseigne le culte à l'école.

    "L'Enragé" - fac-similé des 12 numéros, éd. Hoëbecke, 2018.

  • J'aime pas la crise***

    On s'étonne parfois à l'étranger du tempérament "râleur" des Français. Non seulement la vie est atroce, webzine,gratuit,zébra,bd,bande-dessinée,caricature,marc large,alévêque,crise économique,critique,kritik,zombi,français,esclavage,aristote,travail,voltaire,hoëbekemais il faudrait faire bonne figure, être content de subir la dictature de la vie, la pire de toutes, puisque toutes les autres en dépendent !?

    Si appliqué aux choses vaines (travail, famille, patrie), l'étranger ne se rend pas compte que cette absence de décalage le prive de l'humour, et qu'il se laisse ainsi complètement instrumentaliser par la vie. Adolescent, j'ai passé quelques semaines dans le Nord de l'Allemagne: c'est dingue comme ils prennent la vie au sérieux dans ces contrées ! C'était la première fois que je voyais des cours de ferme propres.

    L'introduction de l'humour dans les milieux ouvriers, principalement déportés en Asie aujourd'hui, pourrait avoir pour effet de les dissuader de s'adonner à cette tâche pour laquelle l'homme n'est pas fait, comme dit Aristote : le travail (ce qui lui vaut les railleries du Prussien esclavagiste Voltaire).

    C'est ce que j'ai pensé en feuilletant le dernier album de Marc Large: comme l'esclavage est largement délocalisé aujourd'hui, la principale tâche des pays riches étant d'absorber les fruits de la croissance, il faudrait larguer des caisses de cette BD au-dessus des pays où l'esclavage sévit. Ils verraient que la crise n'empêche pas les Français de se marrer. Bien sûr, on est tous conscients que nous devons des tonnes de milliards aux dirigeants des dictatures où la sueur et le sang sont meilleur marché. Peut-être seront-ils ainsi renversés bientôt, à cause du défaut de paiement de nations mieux armées qu'eux ? Leurs têtes coupées, voire pire encore. Mais bon, c'est la vie, et ce n'est pas en lui léchant le cul, ni en faisant les trois 8 qu'on trouvera une solution.

    Le paradoxe de cet album est de mélanger des dessins humoristiques qui prennent le parti de rire de la crise économique, qui n'est jamais que le symptôme du vieillissement d'un système, avec des bafouilles de Christophe Alévêque, qui manquent de sérieux. L'humour est un truc sérieux. Voyez les universités : elles sont remplies ou presque de statisticiens, c'est-à-dire de prévisionnistes, qui ont été les premiers surpris par l'aggravation subite de la crise. Donc pleine de gens pas très sérieux. Tout en étant parfaitement sinistres, comme il vous suffit de vérifier en ouvrant la télé sur la première émission consacrée par de doctes experts à la question économique.

    M. Alévêque prétend que les patrons se servent de l'argument de la crise pour baisser les salaires et rogner les primes. Evidemment, je comprends que le type qui a pris un crédit sur trente ans pour s'acheter un pavillon puisse être emmerdé. Mais, s'il avait eu des instituteurs un peu plus responsables, ils lui auraient enseigné à se méfier des banquiers comme de la peste. C'est donc plutôt un problème d'éducation. La réalité des catastrophes engendrées par la mécanique économique au cours des derniers siècles est bien différente de ce que décrit M. Alévêque. Elle vient bien de la foi inébranlable dans la croissance économique et l'éternel retour du profit.

    "J'aime pas la crise", M. Large et C. Alévêque, éd. Hoëbeke, 2013.

    (Zombi - leloublan@gmx.fr)

     

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