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ACTUALITE BD - Page 32

  • Revue de presse BD (334)

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    + "Charlie-Hebdo" "hors-série" ou "hors service" ? On est en droit d'ironiser sur cette Une signée par le directeur de cet hebdomadaire -hélas- sous perfusion.

    Peu avare de leçons de morale (en vrac : républicaine, européiste, écologiste ou féministe), "Charlie-Hebdo" se spécialise de plus en plus dans la "pédagogie de la satire", matière qui ne devrait pas tarder à trouver bientôt place à côté de l'instruction civique dans les programmes scolaires.

    On peut compléter ce sous-titre, sans même avoir lu le hors-série : "Le dessin satirique, une forme de la liberté d'expression en voie de disparition... mais heureusement sous protection de la police et des lois républicaines."

    "Charlie-Hebdo" n'est plus "satirique", il est démonstratif ; il survit comme preuve que la liberté d'expression existe, même si cette démonstration ne tient pas debout.

    Il est devenu facile de caricaturer certains hommes politiques de premier plan (c'est plus difficile sur le plan local), parce qu'ils ne jouent plus un rôle politique primordial et sont interchangeables.

    On a pu le constater avec la contribution des "Guignols de l'Info" à la victoire de Jacques Chirac : la caricature s'inscrit dans le cirque médiatique, ce qui a été qualifié (un peu pompeusement) naguère de "société du spectacle". La mondialisation n'a pas seulement des conséquences économiques, elle a aussi des conséquences culturelles.

  • Revue de presse BD (333)

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    Bois gravé de la série "Intimités" intitulé "L'Argent", par F. Vallotton.

    + Si Félix Vallotton (artiste suisse tôt devenu Français) n'excelle pas dans le genre du portrait ou de la peinture de Salon, en revanche il a un grand talent pour saisir dans ses bois gravés en noir et blanc destinés aux journaux, tantôt la férocité de l'espèce humaine, tantôt les défauts de fabrication de l'âme humaine.

    Cette série "d'intimités" regroupées dans un album réédité avec soin par les eds. Martin de Halleux constitue un des sommets de son art. Si la technique de Vallotton est "japonisante", l'auteur s'écarte résolument de la platitude "zen" de l'art japonais.

    En effet, tandis que les estampes japonaises facilitent la digestion, ce n'est pas le cas de Vallotton, dont la conscience reste en éveil sur à peu près tous les sujets, refusant de donner son art en spectacle.

    "Intimités" anticipe d'ailleurs la montée du fanatisme sexuel des sociétés dites "libérales", qui sous divers noms (Dieu, Avenir, Nation, Etat, République, Progrès...) se sont forgé de nouvelles idoles avides de sang.

    On peut observer combien le "nationalisme" renvoie à la fois à un mobile sexuel intime, de sorte que l'Etat moderne repose essentiellement selon sur l'aliénation, et à une politique générale, sous la forme très vague de l'utopie nazie, soviétique ou capitaliste.

    "Intimités" est une vraie bombe anarchiste.

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    + Sur les étals des libraires, le premier n° de "Soif". Cette revue entièrement en bande dessinée, financée par le conseil régional de Normandie et quelques entreprises de cette région, vise un public de curieux et concurrence la très scolaire "Revue dessinée".

    Ce type de magazine contribue à entretenir la confusion entre "science" et "technique" ; G. Orwell indique qu'il s'agit-là d'une distinction importante, refusant lui-même d'accorder aux statistiques le statut de "science". Les régimes totalitaires prétendent tous s'appuyer sur la "science" ou "l'intelligence artificielle".

    Un pays peut connaître un progrès technique rapide, comme ce fut le cas de l'Allemagne nazie, de l'Union soviétique ou des Etats-Unis, tout en régressant sur le plan scientifique.

    L'un des documentaires de "Soif" est consacré à l'évolution des techniques de natation. Le sujet ne manque pas d'intérêt, mais n'a pas grand chose à voir avec la science.

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    + La "modernité" passée au crible de la BD : thème d'une expo. organisée à l'hôtel des arts de Toulon (-15 décembre).

    La "modernité" est un thème très pratique pour une expo., car le terme de "modernité" englobe à peu près tout et son contraire : Greta Thunberg et Franky Zapata.

    Il va de soi que la BD est un langage moderne, puisque celle-ci est liée à l'essor de la presse et des journaux. Mais le propos de certaines BD est parfois aussi "réac" que la doctrine philosophique de Nietzsche.

  • Fanzine n°74 - Octobre 2019

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    Le dernier fanzine Zébra BD & Caricature vient tout juste de paraître ! Avec des caricatures de l'Enigmatique LB, Reyn, Waner, Zombi, et une revue de presse illustrée.

    Pour s'abonner à ce mensuel (25 euros/an-10 n° franco de port), écrire à zebralefanzine@gmail.com

    Pour lire le précédent n° gratuitement, cliquez ici.

    (Dessin de "Une" par Zombi)

  • Revue de presse BD (332)

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    + On attribue parfois au philosophe Diderot la paternité de la critique d'art. Ce genre littéraire, qui n'a cessé de prendre du volume depuis, était d'emblée mal engagé. En effet Diderot aborde l'art, comme tout le reste, en dilettante ; cet amateur d'art improvisé ne s'élèvera guère au-dessus des opinions superficielles dans une matière qui l'intéresse peu.

    A ce dilettantisme s'ajoute une bonne dose d'hypocrisie ou de jésuitisme : en effet Diderot prône un art fait pour édifier le peuple, mais son goût personnel va aux marines de Joseph Vernet, pleines d'éclaboussures et de voiles déchirées, de rochers contondants... qui n'enseignent rien d'autre que les dangers de la marine à voile par gros temps et la séduction exercée par les scènes violentes sur le quidam.

    Certainement Diderot inaugure la tutelle des intellectuels sur l'art, tutelle dont l'art contemporain représente l'aboutissement.

    L'exemple de "Tintin", après celui de Marcel Duchamp, cet intellectuel-artiste stérile, est frappant. En effet "Tintin" ne serait rien qu'un divertissement pour enfants, conçu par un artisan aux opinions politiques démodées, sans les efforts déployés par une poignée d'intellectuels démocrates-chrétiens pour le faire passer pour une oeuvre magistrale, capable de rivaliser avec "L'Odyssée" (!).

    Il arrive de temps en temps que les caricaturistes ou les auteurs satiriques "se vengent", qu'ils se moquent du snobisme ou des postures auxquels conduisent inévitablement les diktats des intellectuels ; comme rien ne se démode plus vite que les idées, il est nécessaire d'en changer sans cesse pour créer l'illusion de la vie.

    Au XIXe siècle, du temps où la presse était encore libre, aucun grand artiste officiel n'échappait aux flèches de ses confrères caricaturistes. Epinglé Rodin et son Balzac grotesque ; épinglé G. Courbet et son "naturalisme" artificieux ; etc.

    Jean-Luc Coudray, associé à Isabelle Merlet pour produire "L'Amusant musée" (éd. Wombat), contribuent à ce petit contre-courant satirique. On pense en feuilletant leur ouvrage, qui décode les interactions entre le public et les oeuvres exposées, aux BD d'Yves Chaland. Celui-ci fait en effet exploser en vol les prétentions de la BD franco-belge à être autre chose qu'une fiction amusante.

    "L'Amusant musée" divulgue ce que Marcel Duchamp ne dissimulait guère : l'art contemporain est avant tout un jeu de l'esprit (à l'instar de beaucoup d'hypothèses pseudo-scientifiques) ; cela suffit à expliquer le divorce entre l'art et le public populaire : le peuple n'a pas le temps de jouer aux devinettes.

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    + La manière dont Dickie se moque du musée et ses paroissiens est moins subtile que l'analyse de J.-L. Coudray. Comme la culture joue désormais en Occident le rôle de la religion, autant dire que "Dickie au musée", par Pieter de Poortere (Glénat), est carrément blasphématoire.

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    + Tandis que les essais débiles autour de "Tintin & Milou" se multiplient, l'illustrateur Stanislas ne se lasse pas d'illustrer leurs couvertures.

  • Revue de presse BD (331)

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    + Le quotidien "Ouest-France", "premier quotidien de France", s'est payé Tintin en "Une" pour ses soixante-quinze ans (ce jeudi), bien que le sympathique reporter soit né beaucoup plus à l'Est.

    Tintin incarne donc les valeurs "démocrates-chrétiennes" : il est en effet lisse comme un suppositoire ; d'autant plus lisse que le colonialisme ou l'antiaméricanisme de "Tintin" sont présentés comme les péchés de jeunesse d'un Hergé sous (mauvaise) influence.

    A l'occasion de ce jubilé, les dirigeants d'"Ouest-France" tiennent à rappeler le rôle de promotion de la démocratie joué par "Ouest-France". Depuis la saga des Gilets jaunes entamée il y a un an, on sait qu'un bon citoyen est un citoyen qui lit "Tintin & Milou" sans se poser de questions de 7 et 77 ans.

    + A Plérin (Côtes-d'Armor), Jacky Houdré expose sa collection de journaux satiriques (jusqu'au 2 novembre) ; cette petite expo. a le mérite de souligner le déclin de la presse satirique au cours du XXe siècle, où "Charlie-Hebdo" et ses "satellites" font figure de survivants. En comparaison, la presse du XIXe siècle était abondante et variée.

    A côté des fameux "Charivari""La Caricature", "La Lune", on peut admirer les Unes colorées de nombreux journaux oubliés, "Le Géant" (format XXL), "Le Canard Sauvage", "L'Eclipse", "Le Hanneton"...

    On aboutit ainsi au paradoxe suivant : la presse satirique décline à mesure que la liberté d'expression progresse sur le plan législatif.

    On peut observer que la figure de Marianne apparaît comme l'incarnation de la République, éternellement vierge malgré les turpitudes des parlementaires raillés par les caricaturistes, suivant un procédé analogue à celui mis en oeuvre par l'Eglise catholique.

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    + "Comment raconter l'Histoire en BD ?" s'interroge le dernier n° des "Cahiers de la BD". Comment la bande dessinée pourrait-elle échapper à la récupération de l'Histoire par les partis politiques, principale cause de propagande voire de "fake news" ?

    "Les Cahiers de la BD" en appellent à une histoire plus critique, émancipée du roman ou du récit national ; mais ils ignorent une autre source de propagande, pourtant plus importante que la cause nationaliste : la fiction d'une Europe industrielle et bancaire pacifique, ayant rompu avec les démons du nationalisme allemand, français ou italien.

    L'Europe n'est pas un projet de démantèlement de l'industrie militaire, mais un projet de renforcement de cette industrie.

    Par ailleurs ce trimestriel consacre un dossier aux photographies de "Hara-Kiri", qui véhiculaient la pitrerie subversive du Pr Choron.

  • Revue de presse BD (330)

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    Ill. de Granville extraite de "Les Métamorphoses du jour".

    + Dans la comédie humaine de Jean-Jacques Grandville (1803-1847), les personnages sont ramenés à des animaux ; les illustrations de Grandville sont saisissantes, provoquant à la fois le rire et un certain malaise. Loin d'assumer un antispécisme béat, Grandville souligne la bestialité de l'homme dès lors qu'il se regroupe avec ses semblables pour former une espèce.

    Ce procédé satirique vaut à l'illustrateur lorrain un franc succès et d'être sollicité par la presse satirique de son temps : "Le Charivari", "La Silhouette", "La Caricature".

    Bien qu'il ne partage pas les opinions politiques d'H. de Balzac (monarchiste), Grandville se rapproche du grand romancier réaliste et illustre son oeuvre.

    La Maison de Balzac (Paris 16e) propose jusqu'au 13 janvier une expo. d'une cinquantaine d'illustrations de Grandville, dont certaines peu connues, qui soulignent la connivence entre les deux auteurs et confrères.

    A noter que Grandville mourut prématurément, rendu fou de douleur par la perte successive de tous ses enfants et de sa femme.

    + Une école genevoise (Head) propose un cours de bande dessinée gratuit en ligne, qui débute aujourd'hui et s'étale sur sept semaines ; deux profs (Bejamin Stroun et Peggy Adam) enseignent le b.-a.-ba de la technique propre à la BD (simplification du dessin, découpage en séquences...).

    + La bibliothèque de Plérin dans les Côtes-d'Armor organise une expo. et des conférences autour du dessin satirique et de la caricature (week-end des 12-13 oct.).

  • Revue de presse BD (329)

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    + Cabu détestait Jacques Chirac ; pas autant qu'il détestait François Mitterrand (en électeur de gauche cocufié), certes, mais en amoureux de Paris le caricaturiste reprochait au maire Chirac d'avoir abîmé la capitale en la livrant aux industriels du BTP, ce qui revient à placer une jolie femme entre les mains d'un proxénète.

    "Revoir Paris", le meilleur album de Cabu (1996, au Seuil), n'est pas seulement un pamphlet contre Jacques Chirac, mais c'est aussi ça.

    En vieillissant Cabu se laissa séduire par l'équipe municipale suivante, non moins guidée par la folie des grandeurs bétonnées (camouflée derrière "l'esprit olympique"). Bertrand Delanoë consacra à son ami Cabu une exposition à l'Hôtel de Ville.

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    E.O. de Gaston Lagaffe par Franquin & Jidéhem, estimée entre 250 et 300 euros.

    + A la rubrique "Argent", "Le Monde" titrait récemment (16 sept.) : "La bande dessinée ou le marché de la nostalgie".

    En effet, d'après l'expert Eric Leroy (Artcurial) interrogé : "Les bandes dessinées anciennes, c'est un marché de la nostalgie ; les collectionneurs cherchent à retrouver l'objet d'époque, celui qui les a séduits."

    Mais cet expert est pessimiste quant à l'évolution de ce marché : "Il a été très porteur pendant vingt ans, mais je crois qu'il est arrivé à maturité. Et je ne le vois pas repartir avec les nouvelles générations qui lisent peu ou sur tablettes, et le manque de journaux supports de cet univers, comme l'étaient Spirou ou Tintin (...)."

    Il ne faudrait pas oublier l'aspect purement spéculatif, de placement financier, caractéristique de l'art contemporain, qui en fait une "vitrine du capitalisme" ; il explique aussi les records de prix atteints par certains objets de collection dont l'intérêt est minime sur le plan plastique.

    K. Marx emploie l'expression parlante de "fétichisme de la marchandise", qui résume à elle seule la dimension religieuse de la culture contemporaine.