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  • Revue de presse BD (332)

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    + On attribue parfois au philosophe Diderot la paternité de la critique d'art. Ce genre littéraire, qui n'a cessé de prendre du volume depuis, était d'emblée mal engagé. En effet Diderot aborde l'art, comme tout le reste, en dilettante ; cet amateur d'art improvisé ne s'élèvera guère au-dessus des opinions superficielles dans une matière qui l'intéresse peu.

    A ce dilettantisme s'ajoute une bonne dose d'hypocrisie ou de jésuitisme : en effet Diderot prône un art fait pour édifier le peuple, mais son goût personnel va aux marines de Joseph Vernet, pleines d'éclaboussures et de voiles déchirées, de rochers contondants... qui n'enseignent rien d'autre que les dangers de la marine à voile par gros temps et la séduction exercée par les scènes violentes sur le quidam.

    Certainement Diderot inaugure la tutelle des intellectuels sur l'art, tutelle dont l'art contemporain représente l'aboutissement.

    L'exemple de "Tintin", après celui de Marcel Duchamp, cet intellectuel-artiste stérile, est frappant. En effet "Tintin" ne serait rien qu'un divertissement pour enfants, conçu par un artisan aux opinions politiques démodées, sans les efforts déployés par une poignée d'intellectuels démocrates-chrétiens pour le faire passer pour une oeuvre magistrale, capable de rivaliser avec "L'Odyssée" (!).

    Il arrive de temps en temps que les caricaturistes ou les auteurs satiriques "se vengent", qu'ils se moquent du snobisme ou des postures auxquels conduisent inévitablement les diktats des intellectuels ; comme rien ne se démode plus vite que les idées, il est nécessaire d'en changer sans cesse pour créer l'illusion de la vie.

    Au XIXe siècle, du temps où la presse était encore libre, aucun grand artiste officiel n'échappait aux flèches de ses confrères caricaturistes. Epinglé Rodin et son Balzac grotesque ; épinglé G. Courbet et son "naturalisme" artificieux ; etc.

    Jean-Luc Coudray, associé à Isabelle Merlet pour produire "L'Amusant musée" (éd. Wombat), contribuent à ce petit contre-courant satirique. On pense en feuilletant leur ouvrage, qui décode les interactions entre le public et les oeuvres exposées, aux BD d'Yves Chaland. Celui-ci fait en effet exploser en vol les prétentions de la BD franco-belge à être autre chose qu'une fiction amusante.

    "L'Amusant musée" divulgue ce que Marcel Duchamp ne dissimulait guère : l'art contemporain est avant tout un jeu de l'esprit (à l'instar de beaucoup d'hypothèses pseudo-scientifiques) ; cela suffit à expliquer le divorce entre l'art et le public populaire : le peuple n'a pas le temps de jouer aux devinettes.

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    + La manière dont Dickie se moque du musée et ses paroissiens est moins subtile que l'analyse de J.-L. Coudray. Comme la culture joue désormais en Occident le rôle de la religion, autant dire que "Dickie au musée", par Pieter de Poortere (Glénat), est carrément blasphématoire.

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    + Tandis que les essais débiles autour de "Tintin & Milou" se multiplient, l'illustrateur Stanislas ne se lasse pas d'illustrer leurs couvertures.

  • Revue de presse BD (76)

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    + John Kenn dessine ses cauchemars d'enfants sur des "post-it". Vu la la forme et l'usage du "post-it", je ne sais pas trop si on peut parler d'art séquentiel ? Il faudrait demander à un spécialiste. Le fait de dessiner sur des post-it plutôt que sur des bouts de papier quelconques démontre que le type a de la suite dans les idées.

    + Pas content qu'on lui ait renvoyé du festival de Bastia le fruit de son travail emballé à la va-que-je-te-pousse, le tampographe Sardon a pondu sur son blog un accusé de réception vengeur. Désormais, on saura qu'un "punk à blog" est plus hargneux qu'un "punk à chien". En même temps, les Corses, l'art moderne c'est pas trop leur truc, si, hormis le football ?

    Sinon le tampographe annonce que les portes de son atelier rénové seront ouvertes le 23 novembre. Si vous n'êtes pas déjà tatoué(e), vous pouvez toujours aller vous faire tamponner.

    + Si on veut éviter les commémorations de la guerre de 14-18 un peu trop pompeuses, on peut toujours réécouter la chanson de Brassens, ou bien lire le feuilleton de Maadiar sur son blog, "Mathurin soldat".

    + A noter que Les premières "puces de l'illustration" se tiendront ce samedi 16 novembre à Paris, porte de Bagnolet.

    + "Siné Mensuel" est à poil. 19.000 ex. seulement de l'avant-dernier n° se sont vendus, quand il aurait fallu 5.000 ventes supplémentaires pour atteindre l'équilibre. Internet est parfois cité parmi les causes du déclin de la presse, mais on peut penser au contraire que le succès d'internet est la conséquence de la médiocrité de la presse. Avant l'essor d'internet, les Français avaient déjà commencé de se désintéresser d'une presse qui servait surtout de canevas aux journaux télévisés. Les crises économiques ont fini par dissuader les moins naïfs de gober le fameux "devoir d'information".

    + Rubrique rien-à-foutre : un triptyque de Francis Bacon, figurant Lucian Freud, ou le défigurant, comme on voudra, s'est négocié en salle des ventes dernièrement 142 millions de dollars ; sur ce, "Le Monde" en ligne n'a pas honte de titrer : "142 millions de dollars, un prix salé même pour un Bacon."

    + Le dessin du jour (assez ironique à l'égard des valeurs républicaines qui, sans l'armée, ne seraient rien) est de Lucien Boucher, exposé parmi d'autres illustrateurs au "Salon de l'Araignée", fondé par Gus Bofa, salon auquel la galerie Michel Lagarde rend hommage à travers une exposition (jusqu'au 31 janvier).

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  • Un Privé à la Cambrousse*****

    «(…) Nous au village, aussi, l’on a de beaux assassinats.» Ces paroles d’une chanson de Brassens fanzine,bd,zébra,bande-dessinée,critique,kritik,zombi,bruno heitz,un privé à la cambrousse,brassens,paris,scott mccloud,tgv,rothko,yankee,gallimardrésument on ne peut mieux la BD magistrale de Bruno Heitz. J’ai rarement vu un tel niveau en BD, proche de la perfection. Dessin façon Willem, mais mieux utilisé.

    Ne gobez pas les théories pompeuses des thésards de la BD yankees  (façon Scott McMachin, qui ferait mieux de bosser pour la météo): ces types confondent le dessin industriel avec la BD, et, si vous les écoutez, vous ferez des BD aussi chiantes que des rames de TGV ou des toiles de Rothko.

    Si je croyais qu’on peut enseigner la BD (encore une idée allemande ou yankee –imaginez ce que Brassens serait devenu s’il avait fait le Conservatoire), je conseillerais de regarder comment la BD de B. Heitz est faite. Comme on devrait toujours faire le vin, avec modestie et efficacité, sans effets spéciaux comme le baujolais ou le champagne.

     Pour confirmer mon propos sur la perfection de cette BD, étonnamment produite par Gallimard (dont le snobisme est plutôt la marque de fabrique que la sincérité), je fais lire «Un privé à la cambrousse» à mon petit neveu de douze ans. La littérature doit toucher toutes les générations; si c’est un truc «de genre», ciblé, vous pouvez être sûr qu’il y a une opération commerciale ou administrative derrière, en gros un machin éthique pas très honnête.

    Tout le problème de la culture bourgeoise est là, d’ailleurs : elle n’arrive à produire que des trucs pour la mise en rayons. «Girly», «Spécial militante féministe», «Humour réac», «Freluquet libidineux», «Pornographie prolétarienne», «Héroïsme virtuel pour futur diplômé d’HEC», «Bovarysme 2.0», «Indignation certifiée d’origine Soixante-huitarde», «Ménager(e) gay de moins de cinquante ans», «Le Satanisme pour les Nuls» (Je vise plutôt les marques de gauche, puisque les gens de droite, ne sachant pas lire, vont surtout au cinéma.)

    Déjà je n’aime ne pas me sentir «client», quand je lis un bouquin, victime de la mode. Et mon neveu a apprécié; certains trucs lui ont échappé, car les lois et les crimes des adultes sont trop raffinés pour les enfants. Mais il a appris quelque chose: la campagne de Jean-Pierre Pernaut qu’on montre à la télé n'existe pas, encore moins celle de la culture biodynamique du futur, d'où les paysans auraient été expulsés.

    Non, la cambrousse est toujours en bordure de la forêt, et la forêt, c’est le crime (ou les étangs, les rivières, tous les lieux propices pour dissimuler un cadavre, principale inquiétude de l’assassin: sans cet écueil, le nombre des assassins l’emporterait sans doute sur celui des hypocrites, comme dans l’antiquité).

    On pige aussi pourquoi la littérature française est pauvre en polars, quand la littérature américaine, en revanche, en est riche. Un polar, ça doit se situer à la cambrousse, au plus près de la nature, comme la peinture impressionniste. Brassens se trompe sur la première partie : le crime ne fleurit pas tant que ça à Paris, où il y a presque autant de flics que d’habitants. En ville, il faut traiter du crime policé, commis avec des gants et de l’hygiène. C'est moins pittoresque.

    Encore quelques Bruno Heitz comme ça, et Gallimard ne produira plus que des BD. Il serait temps.

    Un privé à la cambrousse, Bruno Heitz, Gallimard, 2012 (tome II), 341p.

    (Zombi - leloublan@gmx.fr)