La Semaine de Suzette Zombi. Dimanche : Les élites britanniques ont le sens de leurs intérêts, ce qui est une version plus pragmatique du patriotisme. Ainsi il n'y aura pas de débat de principe débile en Angleterre sur la laïcité et les valeurs républicaines, ou bien sur l'identité nationale, mais cela ne rend pas les élites anglaises moins féroces pour autant, ni capables de défendre leurs possessions avec moins de violence.
musulman
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Caricature Sadiq Khan
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Revue de presse BD (188)
Croquis de Bruxelles avant les attentats, par Placid.
+ "Qu'est-ce que c'est barbare le langage juridique !" (Placid dixit) ; peintre et dessinateur de presse, ledit Placid s'est vu condamné à une amende de 500 euros en 2007 pour avoir représenté un policier avec des traits porcins en couverture d'une brochure (plainte déposée par le ministre de l'Intérieur Daniel Vaillant). Via son blog, Placid publie ses croquis très expressifs de Paris ou d'ailleurs, dans différentes techniques (feutres, crayon graphite).
+ Il y a trente ans, l'accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine jetait un froid dans toute l'Europe, si confiante dans sa technologie au sortir des "Trente glorieuses". Comme le reportage BD est à la mode, la chaîne de TV "Arte" a envoyé Nicolas Wild accompagner une équipe de télé dans la "zone d'exclusion" autour de la centrale, périmètre où il ne fait pas "bon vivre", dit-on, mais qui suscite bien des fantasmes. Etant donné que la pollution chimique est presque omniprésente désormais, certains prétendent que la zone d'exclusion n'est pas le pire endroit où vivre.
N. Wild s'en sort en éludant le sujet technique, un peu trop pointu, et qui semble dépasser les spécialistes de la physique nucléaire eux-mêmes, tout comme l'économie échappe aux économistes. Notre reporter BD préfère évoquer plutôt les retombées de la catastrophe sur le plan artistique ou littéraire. Il est étonné d'apprendre par les artistes locaux, moins ignorants de la Bible que leurs confrères de l'Ouest, que "Tchernobyl" se traduit par "absinthe", ce qui permet à certains de relier la catastrophe au passage de l'apocalypse suivant : "(...) et le troisième ange sonna de la trompette; et il tomba du ciel une grande étoile, ardente comme une torche, et elle tomba sur le tiers des fleuves et sur les sources des eaux. Le nom de cette étoile est Absinthe; et le tiers des eaux fut changé en absinthe, et beaucoup d'hommes moururent de ces eaux, parce qu'elles étaient devenues amères." (ap. chap. VIII) (absinthe = poison dans le langage biblique ; l'apocalypse énumère une succession de fléaux comparables aux fléaux qui frappèrent l'Egypte dans l'Ancien testament attribué à Moïse).
La culture technocratique "prométhéenne" émancipe l'homme de dieu et/ou de la nature, d'une manière assez superficielle pour que tel ou tel cataclysme extraordinaire l'y ramène subitement. Comme la catastrophe de Tchernobyl est la conséquence d'une défaillance humaine, que le KGB et les services secrets des différentes nations impliquées tentèrent de dissimuler ou de minimiser, elle entraîne naturellement un regain de confiance dans les discours traditionnels "religieux", notamment dans les plus jeunes générations. Un tel "retour en arrière" n'a rien d'étonnant dans la mesure où la confiance en l'avenir, nécessaire au maintien de l'ordre prométhéen, cette confiance était elle-même une forme de superstition, déguisée en science-fiction, quoi qu'il en soit étrangère à l'esprit critique.
+ "Il est prouvé aujourd’hui que la bande dessinée est l’un des médias les plus puissants pour transmettre une idéologie (ce n’est pas pour rien que l’armée américaine l’a utilisé et l’utilise encore)" : le blog confessionnel musulman le-BD-Ouin.com tient à mettre en garde ses lecteurs contre la lecture des aventures des super-héros américains dans un article assez bien documenté intitulé : "Le danger des super-héros pour la jeunesse musulmane". Certains arguments sont néanmoins paradoxaux : si on comprend qu'un musulman mette en garde contre un discours néo-païen explicite, véhiculé par certains "comics" dont les références sont analogues à celles de la culture nazie, en revanche il est plus étonnant de le voir condamner d'autres super-héros (Superman en premier lieu), dont il démontre que les auteurs ont truffé le scénario de références bibliques [?]. Il faut rappeler ici que la Bible est en grande partie elle-même un texte d'ordre mythologique, et non un récit bâti suivant les règles de la fiction moderne.
Un argument est néanmoins imparable : la propagande moderne est comparable à l'idolâtrie, susceptible par conséquent de déclencher le fanatisme ; on a pu voir dans des reportages télévisés des soldats américains monter à l'assaut en Irak, ivres de sang, écoutant de la musique "heavy metal" pour attiser leur haine et s'encourager. L'Etat américain, en principe de confession "judéo-chrétienne", ferme les yeux sur ces rituels militaires sataniques, ainsi que sur les tortures à base de sévices sexuels ; l'Etat français, en principe anticonfessionnel, ferme les yeux sur les pratiques confessionnelles d'une partie des troupes affectées à sa défense.
+ Après-demain, samedi 30 avril, se tiendra au "Petit Ney" (Paris XVIIIe) le forum du fanzine, qui propose plusieurs "ateliers" destinés à populariser ce type de publications "modestes". Programme complet sur le site des organisateurs.
Croquis de N. Wild effectué dans la zone d'exclusion autour de l'ancienne centrale nucléaire de Tchernobyl.
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Printemps-été 2016
La Semaine de Suzette Zombi. Vendredi : L'uniforme de la police ou de l'armée républicaine représente l'exhibitionnisme sexuel viril (pour partie en raison du port d'arme, mais pas seulement), à l'opposé de l'extrême pudibonderie du costume féminin musulman ; mais les cultures puritaines et pornographiques ne s'opposent pas tant qu'il y paraît ; en réalité elles se confortent mutuellement.
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Revue de presse BD (131)
Extraits de la revue de presse publiée dans l'hebdo Zébra.
+ Le dessin de presse ci-dessus est du dessinateur cubain (résidant au Chili depuis l'an 2000) Alen Lauzan.
+ Le site "Töpfferiana" regroupe de courtes études, non seulement sur Rodolphe Töpffer, mais aussi les précurseurs du genre, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle où se développe la presse illustrée. Gustave Doré se distingue par l'expressivité et l'inventivité de son dessin, comme on peut le constater dans divers épisodes des aventures de "l'homme aux cent mille écus", alias Narcisse Pomponet, publiées dans le "Journal pour rire" de C. Philipon.
+ La BD ne redonne pas seulement des couleurs à la culture, ces derniers temps, mais aussi à la presse littéraire française, souvent bien fade. Le magazine « Lire » propose un "hors-série" soigné (n°19-12 déc.), consacré à André Franquin et son oeuvre. Les amateurs de satire placent Franquin au-dessus d'Hergé au panthéon de la BD franco-belge, quand les grammairiens font l'inverse. Goscinny dit très bien : "Le snobisme s'est mis de la partie pour faire de la BD un art honorable." Pas ou peu de snobisme dans ce n° spécial, qui montre bien le goût accru de Franquin pour la satire au fil des années, formé d'abord à dessiner le groom "Spirou", figure de proue des éds. Dupuis, puis s'affranchissant petit à petit de cette servitude. Au sommaire de cet épais magazine de 124 p., certains papiers ou interviews nous renseignent sur la manière assez artisanale de travailler de Franquin. Ce côté artisanal explique bien des choses : non seulement une forme de résistance modérée à l'esprit du temps (Julien Bisson compare l'esprit des BD de Franquin à celui des films de Tati), mais aussi la difficulté des éditeurs aujourd'hui à faire émerger de fortes personnalités, préférant traiter les auteurs comme des employés, surfant sur la mode (manga, comics), plutôt que cherchant de nouvelles idées. Réputé conservateur, Charles Dupuis permit la publication du « Trombone illustré », supplément à « Spirou » vendu avec, malgré son ton anticonformiste. Plus encore que la tolérance de Dupuis, cette bienveillance traduit un rapport de forces moins déséquilibré.
Petit bémol : le hors-série ne dissipe pas tout à fait le préjugé qui consiste à prêter aux auteurs d'humour noir (Franquin fut encouragé par Gotlib à dessiner ses "Idées noires" dans "Fluide Glacial") un tempérament dépressif. C'est exactement l'inverse, comme le montrent de nombreux exemples dans le domaine des lettres ou des arts plastiques ; généralement les personnes mélancoliques ne supportent pas l'humour noir et produisent elles-mêmes des oeuvres teintées d'espoir (et non satiriques) ; la mélancolie est beaucoup plus palpable dans « Tintin », voire l'asthénie sexuelle de son auteur, que dans « Gaston Lagaffe ». Franquin était peut-être le plus français des auteurs belges.
+ Interviewé à l'occasion de la sortie de son nouveau roman de politique-fiction, « Soumission », dans lequel il imagine malicieusement Marine Le Pen battue par un candidat musulman aux élections de 2022, M. Houellebecq tient, comme on pouvait le prévoir, à se démarquer du "Suicide français" d'Eric Zemmour. H. dit voir au contraire dans la démographie française, plus forte que dans les pays voisins, une volonté française de résistance au suicide.
En réalité les deux idées ne sont pas aussi opposées ; Zemmour a rédigé son essai, non pas pour contribuer au « suicide », mais pour tenter d'y résister. De surcroît Houellebecq voit comme Zemmour dans le mouvement islamique un mouvement comparable au communisme dans l'après-guerre, c'est-à-dire une révolte contre les valeurs occidentales. Peu plausible de son propre aveu, l'hypothèse de Houellebecq ne choquera sans doute pas beaucoup les Français. La crise a eu pour effet de les convaincre, semble-t-il assez largement, que les étiquettes politiques ont une signification limitée.
Il reste que, la réalité dépassant la fiction, des bouleversements plus grands que l'élection d'un président musulman et l'application de la charia peuvent se produire. Parfois la réalité prend des libertés avec la science-fiction.
+ Le petit fanzine de BD « Cabot Comics » est entièrement basé sur l'autodérision. « Archie », quasi seul aux commandes fantasme sa vie de dessinateur de BD débutant. Pour la pus grande joie du lecteur, il n’hésite pas à faire passer sa compagne pour une chieuse et ses potes pour des débiles mentaux. Plusieurs numéros de ce petit fanzine photocopié, comme il n’en existe plus beaucoup, sont disponibles dans deux ou trois librairies parisiennes (je l'ai acheté pour ma part à "Super-Héros"), ou directement sur le blog du fanzine, pour une somme modique.
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Revue de presse BD (77)
+ J'avais raté ce dessin de Cabu, paru dans "Charlie-Hebdo" la semaine dernière. Cabu est-il la dernière raison d'acheter "Charlie" ?
+ Comme "Charlie-Hebdo" est taxé de racisme par certains membres de la communauté musulmane, son rédacteur en chef, Charb, s'en défend dans une tribune parue dans "Le Monde": "Il y a quarante ans, conspuer, exécrer, conchier même les religions était un parcours obligé. Qui entendait critiquer la marche du monde ne pouvait manquer de mettre en cause les si grands pouvoirs des principaux clergés. Mais à suivre certains, il est vrai de plus en plus nombreux, il faudrait aujourd'hui se taire." Charb débloque complètement ; il a dû apprendre l'histoire dans "Pif-Gadget", car il semble ignorer que les grands massacres ou génocides du XXe siècle ont été accomplis sous des prétextes laïcs, communiste ou national-socialiste, et non plus religieux. Au XIXe siècle, l'Eglise catholique n'est déjà plus la cible des pamphlets de Marx et son gendre Paul Lafargue qu'en tant qu'alliée secondaire des cartels bancaires et industriels.
C'est d'ailleurs très bizarre de la part de Charb d'aller chercher dans "Le Monde" une caution morale. "Le Monde" serait-il le pape, le grand rabbin de Paris et le commandeur des croyants réunis ?
+ Pour tout savoir sur le "Gangnam Style", lisez donc ce reportage-BD interactif de Chapatte pour "Le Temps" de Genève. Cette danse coréenne endiablée qui tient son nom d'un quartier de Séoul ne menacerait pas seulement de subvertir l'Education nationale française, mais carrément la Corée du Nord.
+ Encore un outil pour parcourir la blogosphère, après Petitformat voici Blogoss, tout aussi bien conçu. Comme du blog-BD, il y en a à profusion, cet annuaire propose différentes catégories telles que les "Incontournables", les "Potentiels montants" ou les "Débutants", pour mieux naviguer. Comme nul n'est parfait, Blogoss n'a pas encore répertorié le tumblr de Lola.
+ Les éditions Short, spécialisées comme leur nom l'indique dans la littérature-bermuda, proposent un concours de strips, de gags, bref de formats courts. S'il est désormais trop tard pour s'inscrire, il est en revanche possible de voter jusqu'au 30 nov. pour son strip préféré.
+ Le Salon annuel du livre jeunesse de Montreuil se tiendra à partir du 27 novembre prochain. Le site dédié à cette énorme foire aux livres propose une revue de presse. A noter que "L'Odyssée d'Outis" de Jean Lecointre, parodie assez plate d'Homère, a reçu la pépite du meilleur album 2013.
+ Le dessin de la semaine est une carte postale burlesque de Plonk & Replonk, humoristes suisses comme... Mix & Remix. Ce genre de pseudo n'est pas fait pour remédier à la fameuse lenteur d'élocution suisse.
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Revue de presse BD (59)
J.C. par Antistyle
+ Non seulement Franquin, mais bien des auteurs de BD se sont formés et se forment encore à l'aide du modèle vivant et du dessin d'observation. On ne peut que féliciter ceux qui l'enseignent de préserver ainsi leurs élèves du "tout numérique" ; celui-ci entraîne un asservissement plus grand à des moyens de production industrielle et ne sert que l'esthétique en trompe-l'oeil, façon Vasarely, qui va avec. Petit reportage sur Jérôme Cuvelier, modèle vivant professionnel (surnommé Corto Maltese dans le milieu, en raison de son inépuisable faconde).
+ Le Belge Ben Dessy et son blog "Macadam Valley" prouvent une fois de plus qu'il n'est pas nécessaire dans la BD d'avoir des relations pour se faire connaître, ni de bénéficier de subventions publiques. Ce jeune humoriste, plutôt efficace, vient de voir ses strips publiés par les éditions Même pas mal. Comme je suis Français, on ne m'en voudra pas de célébrer l'humour comme le plus sérieux des arts anthropologiques (les Allemands se prosternent devant la sociologie, les Français ont Rabelais, Molière ou Alphonse Allais pour les empêcher de prendre la sociologie au sérieux).
Espérons que le modeste Ben Dessy (la sociologie ne peut pas se permettre d'être modeste) n'en négligera pas pour autant d'alimenter son blog.
+ Alors que le deuxième volet consacré à "La Vie de Mahomet" par Charb vient de paraître, afin de contribuer à ce que l'essayiste néo-conservateur Samuel Huntington qualifie pudiquement de "choc des cultures", personne ne songe à élucider la question de l'interdit religieux de l'art. Personne, sauf notre BHL national, toujours au taquet puisqu'il prépare une expo. à la fondation Maeght sur le thème des "Aventures de la Vérité" (sic). Une fois n'est pas coutume, le sémillant philosophe fait oeuvre utile en relevant que l'interdit de l'art n'est pas une caractéristique mahométane, mais qu'elle serait même plutôt occidentale (puisque juive et chrétienne).
Puisque BHL reste assez flou et ses exemples confus, il faut préciser que cet interdit vise à prévenir l'idolâtrie ; c'est-à-dire le fétichisme, pour évoquer le phénomène cultuel le plus courant aujourd'hui. Contrairement aux préjugés de certains juifs ou musulmans, l'interdit de l'art n'est pas favorable à l'art abstrait (musique, peinture), mais dissuasif de la production d'objets de culte ou d'amulettes, selon le penchant de l'homme à se raffermir ainsi contre la mort par les oeuvres. L'idolâtrie du concept n'a rien de juif ou chrétien, puisque c'est un motif de la doctrine hégélienne allemande, dérivée du platonisme.
+ Le magazine "Zoo" consacre dans son dernier n° un article à la "BD de chiotte", dans lequel les collaborateurs de cette publication témoignent des albums qu'ils mettent dans leurs WC à la disposition de leurs invités ; de leurs critères de choix. Il est vrai que le rouleau de PQ fournit la métaphore la plus parfaite de l'art séquentiel ou de l'infini. Et je dois dire que, pour ma part, je n'ai pas trop l'angoisse de la page blanche.
+ Le dessin de la semaine est tiré de l'apocalypse de Frédéric Voisin (linogravure) ; celui-ci explore et illustre à son tour, après Cranac'h et Dürer, une littérature fantastique qui présente la particularité, à l'instar de la mythologie juive ou homérique, ou encore de certains contes symbolistes, de faire de l'accomplissement de la prophétie la chose la moins hypothétique. La vision prophétique symbolique heurte ainsi de plein fouet l'inconscient collectif moderne qui repose, lui, sur l'onirisme.
Au sein de ce qu'on qualifie de manière générique de "littérature fantastique", désignation qui a l'inconvénient de pouvoir englober toute la production littéraire mondiale, jusqu'aux ouvrages en apparence les plus cartésiens, on discerne en réalité deux sortes de littératures fantastiques en opposition nette.
La prostituée de l'apocalypse, par F.V.