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morris - Page 2

  • Spirou par Chaland***

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    De telles méthodes ont permis aux auteurs et dessinateurs de BD de bénéficier d’un minimum de respect en Europe, tandis que la production de comics américains ou de mangas japonais fut au contraire complètement assimilée à la culture de masse, et ainsi méprisée.

    Des personnalités telles que Joseph Gillain, André Franquin ou Maurice de Bevère (Morris) ont pu s’affirmer dans un contexte de semi-liberté créative, se jouant parfois du cahier des charges qui leur était imposé; ce contexte fut même moins pesant que le dirigisme culturel typiquement français, qui après-guerre a contribué à ouvrir un boulevard à l’industrie du divertissement primaire.

    La récente reconnaissance officielle de la BD comme un art à part entière ne signifie d'ailleurs pas tant le progrès de la BD, dont tel ou tel cherchera à s’attribuer le mérite, que l’échec retentissant des politiques culturelles menées au cours des cinquante dernières années.

    Nous avons déjà recommandé dans «Zébra» un documentaire-BD dédié à Jean-Claude Fournier, repreneur de la série emblématique de Dupuis; celui-ci éclaire les conditions économiques de cette production littéraire destinée aux enfants. On aborde plus directement avec Yves Chaland une autre particularité, à savoir l’ambiguïté de la culture belge francophone sur laquelle cette BD a poussé; on peut presque parler de schizophrénie, dans la mesure où sont amalgamées des valeurs patrimoniales traditionnelles, quasiment «nietzschéennes», avec un «judéo-christianisme» en principe aux antipodes de ces valeurs conservatrices. Semblable syncrétisme bizarre se retrouve dans le mouvement boy-scout, autre spécialité belge indissociable. Si le pagano-christianisme n’est pas l’apanage exclusif de la Belgique, en revanche sa mutation belge en culture enfantine ou adolescente hétérosexuelle est assez originale et renforce son ésotérisme.

    Or Y. Chaland, n’étant pas Belge mais Français, a mieux perçu cette bizarrerie culturelle de l’extérieur. Il n’est sans doute pas le premier à la remarquer, mais son travail est d’un mimétisme et d’une rigueur étonnantes sur le plan technique, où un phénomène comparable à la piété filiale est presque décelable ; sur le plan technique seulement, car par ailleurs Chaland s’élève au niveau du pastiche et ouvre la voie à la subversion des codes de la BD belge.

    José-Louis Bocquet, auteur de cette petite étude, «Spirou par Y. Chaland», note très bien le caractère paradoxal de pastiche respectueux du travail de Chaland, ainsi que le malaise qu’il provoqua chez les «fans» de «Spirou & Fantasio», aussi bien qu’au sein de la maison Dupuis où une telle dérision n’était pas de mise.

    Cette façon de dynamiter les codes de l’intérieur est la plus efficace, selon l’intention plus ou moins délibérée du pasticheur. Ainsi, quelques pages de pastiche suffisent au critique littéraire Paul Reboux pour faire ressortir le sadisme pédérastique sous-jacent des ouvrages de la Comtesse de Ségur, mieux qu’une longue et fastidieuse étude théorique de Michel Tournier menant à la même conclusion.

    Et Chaland ne se limite pas à Spirou & Fantasio, série dont on apprend par Jean-Claude Fournier qu’elle était considérée par Franquin comme un travail alimentaire excessivement contraignant. Le travail de pastiche de Chaland atteint le maximum de la subversion dans «Le jeune Albert», ou encore une biographie de Jijé parue dans «Métal Hurlant».

    Il est intéressant d’observer que le travail de Picasso traduit la même démarche paradoxale. Elle peut se comprendre en effet comme un travail de pastiche ou de critique picturale, ironie comprise dans de nombreux cas. Sa science du dessin permet à Picasso de subvertir la peinture classique de l’intérieur, avec une efficacité inégalée. Le profanateur a été élevé dans le temple.

    La part du pastiche est essentielle dans la contre-culture, et la contre-culture dans le mouvement de l'art moderne. Bien que le mouvement soit présenté officiellement comme un progrès ou un renouvellement, il consiste largement dans une illusion de type alchimique ("rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme"). L’art de Chaland illustre ce phénomène à l’intérieur d’une culture plus marginale et circonscrite.

    A titre d'exemple, de nombreux croquis préparatoires et un épisode de "Spirou & Fantasio" par Chaland sont reproduits au regard des propos de J.-L. Bocquet.

     

    Spirou par Y. Chaland, José-Louis Bocquet, Dupuis, automne 2013.

  • Dans l'atelier de Fournier***

    Je ne pensais pas dépasser les trois premières pages de ce panégyrique en BD de Jean-Claude Fournier par Joub et Nicoby. Dessinateur breton,

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    D’abord parce qu’étant gosse, Spirou était la dernière chose à laquelle je m’intéressais en BD. Je ne voyais que la monstrueuse ingéniosité du dessin de Franquin, imité par Jean-Claude Fournier (idéal esthétique de la famille Dupuis). J’étais trop jeune pour comprendre à quel point cette laideur est le reflet du temps, bien plus que le style dopé à l’ecstasy de Hergé; j'étais encore moins capable de cerner que Gaston Lagaffe incarne l’homme moderne, peu résolu à des tâches aussi vaines qu’ingrates, et qui se résument presque toutes à la recherche du temps perdu (ce rapprochement du bricolage et de l'existentialisme fait de Franquin un précurseur de Houellebecq).

    Le questionnement autour de la mélancolie du dessinateur de BD est un peu incongru ; on peut se demander plutôt à quelle sorte de réalité se raccrochent les auteurs de BD ? Par quoi ou pourquoi ils tiennent à la vie ? Question valable pour tous les professionnels qui produisent des choses impalpables, d’ailleurs, tant l’homme a besoin de palper pour vivre et se sentir vivant.

    De plus je n’ai pas aimé «Gringos Locos», sur le trio Jijé, Morris et Franquin, tentative similaire à celle de Joub et Nicoby. A cause de son côté «vintage» belgicain.

    La gageure de faire la bio d’un auteur de BD en BD est remportée au contraire par Joub et Nicoby. Au-delà du personnage de Fournier, presque aussi truculent que Jijé, et à qui il ne manque que d’être catholique pour être tout à fait baroque, un éclairage intéressant est apporté sur la bande-dessinée franco-belge et ses méthodes révolues.

    Certains auteurs de BD le font parfois observer, au détour d’une interview : la bande-dessinée est un art moins conventionnel ou psychorigide que le cinéma ; ce dernier consiste essentiellement à mettre les nouvelles technologies industrielle au service du divertissement de masse ; tandis que l’industrie de la BD laisse une part assez large à artisanat, très astucieusement accordée par ses producteurs. La BD n’est pas moins moderne que le cinéma, mais c’est une autre modernité, circonscrite à la Belgique et au public enfantin, tandis que le cinéma joue un rôle de propagande à l’échelle nationale, voire continentale. Et puis les acteurs de cinéma ignorent qu’ils n’existent pas, ou que leur vie est un mensonge ; tandis que les personnages de BD le savent, eux.

    A travers les différentes séquences de la carrière de Fournier, promu grâce à Franquin, par ailleurs pressé de se débarrasser du «groom» Spirou, ses biographes nous permettent de comprendre la méthode belge, qui oscille entre la recherche de profit, le souci de ne rien diffuser de politiquement incorrect - et enfin, dernier point qui fait toute la différence : la confiance accordée aux dessinateurs et aux scénaristes. Confiance typiquement wallonne ou bruxelloise, qui consiste dans le respect du travail artisanal. De là dérive presque exclusivement la reconnaissance dont bénéficièrent les auteurs de BD en Europe. Les bourgeois Dupuis veulent entretenir avec leurs artistes les rapports que Jules II entretenait avec Michel-Ange, ou plus exactement les bourgeois d'Amsterdam avec Rembrandt, qui tînt d'ailleurs un atelier dont celui de Jijé (Joseph Gillain) fut presque le décalque. Et non les traiter en simples employés besogneux, conscients que ce type de rapport est une nette plus-value.

    Le caractère pompeux et institutionnel de la culture, en France, ne l’aurait pas permis. La méthode française pour contrôler les artistes, c’est d’en faire des fonctionnaires. La méthode belge est beaucoup plus habile: elle consiste à laisser croire aux auteurs qu’ils sont libres, et, de fait, les presser un peu plus, tout en leur accordant une marge de manœuvre plus grande, ce à quoi les artistes tiennent d'abord, avant la sécurité de l’emploi.

    Une question cependant à laquelle le bouquin ne répond pas, et qu'on peut de poser, c'est de savoir si Franquin n'a pas tout orchestré de la reprise de "Spirou" par Fournier, de a à z ? Au contraire, affirme Jean-Claude Fournier, qui se décrit comme un type naïf et sincère, Franquin lui aurait déconseillé d'accepter la reprise d'une série aussi pesante. Mais Franquin savait très bien que Fournier ne pourrait pas refuser l'offre de Dupuis.

    Dans l'atelier de Fournier, par Joub et Nicoby, Dupuis, 2013.

  • Somm au Chat noir

    Y a-t-il un lien entre les humoristes du "Chat noir" et les auteurs de BD plus récents ? Il y en a plusieurs, aussi bien sur la forme que sur le fond. Je citais l'exemple, dans une précédente note, de l'influence du style de Caran d'Ache sur l'illustrateur Gus Bofa, ainsi que sur Maurice de Bevère, alias Morris, père de Lucky Luke. Il ne manque aux personnages de Caran d'Ache que la manière de s'exprimer dans des bulles.

    De même le dessin d'humour n'entre dans aucune nomenclature officielle, et déroute le législateur, qui voudrait tous les arts au garde-à-vous en rang d'oignon, bien définis, comme les corps de métier. Ainsi de la bande-dessinée, qui mêle aussi le dessin et le texte.

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    François Clément Sommier, alias Henry Somm (1844-1907) est aussi peintre de formation, comme Willette. Il a exposé avec les impressionnistes. Mais Somm sait mieux adapter son style au format de la presse et de la caricature, se montrant en noir et blanc bien plus expressionniste.

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  • De Caran d'Ache à Morris

    -E. Pollaud-Dulian, sur le blog "Illustrissimo", compare les dessins de Caran d'Ache, Gus Bofa et Maurice de Bévère (autrement dit "Morris") ; c'est notamment le cas en ce qui concerne les premiers albums de "Lucky Luke", avant que le dessin de Morris ne devienne plus nerveux et moins rond. Le caricaturiste Caran d'Ache (antidreyfysard comme Degas et Forain) a inspiré de nombreux illustrateurs.

    -D'ailleurs on peut relever que les premiers épisodes de "Lucky Luke" empruntent aux récits de voyage de Mark Twain autour du Mississipi (l'intrigue des "Rivaux de Painful Gulch" semble ainsi tirée d'une anecdote racontée par M. Twain sur la guerre aussi farouche qu'inepte que se livrent deux familles de fermiers, et présentée par l'écrivain comme authentique).

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    Caricature par Caran d'Ache.

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    Dessin de Gus Bofa

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    Couverture de "Lucky Luke" par Morris.

  • Revue de presse (11)

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    + «Papier Gâché», petite maison d’édition indépendante à Paris, organise dans le XXe arr. (bibiothèque M. Duras) la 2e édition d’un festival d’auto-édition graphique. ATTENTION, L’APPEL A CONTRIBUTION S’ACHEVE APRES-DEMAIN ! (Je cours à la Poste inscrire Zébra)

    + Maël Rannou, du blog «1Fanzine/jour», a pondu récemment une note recensant les meilleures bases de données dans le domaine de l’auto-édition et du fanzinat.

    + Le blog «Case Départ» propose une chronique du festival d’Angoulême illustrée avec de vieux clichés en noir et blanc.

    + Bateman n’est pas seulement le blaze du plus mélancolique des super-héros yankees, mais aussi le nom d’un illustrateur comique britannique (Henry Mayo), peu connu de ce côté-ci du "channel". H.M. Bateman publia dans «Punch» et «The Tatler» des dessins au trait nettement inspiré de celui de Caran d’Ache, et les éd. Actes Sud sous la forme d’une anthologie («Mimodrames») lui font passer le tunnel.

    + L’agence d’illustrateurs «Illustrissimo» publie sur son blog une instructive interview d’Emmanuel Pollaud-Dulian ; Pollaud-Dulian souligne par exemple la similitude du dessin de Morris avec celui de Bofa ; notre érudit affirme aussi que le dessin est méprisé en France ; mais est-ce seulement le cas de la France, dès lors qu’on sort du registre du dessin décoratif ou publicitaire ?

    + Le fil des revues de presse du blog Zébra. Voilà, c'est tout pour cette fois.

  • Tac au tac

    Le décès récent d'Eddy Paape, la sortie de l'album "Gringos Locos" qui fait revivre les pionniers Franquin, Jijé et Morris... n'est-ce pas l'occasion d'exhumer ce petit film d'archive (1971) ?

  • Gringos Locos*

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    Parti à l'aventure sur la côte ouest des Etats-Unis à la fin des années 50, le trio Jijé-Franquin-Morris est mythique pour les amateurs de BD franco-belge. Bien sûr les deux derniers sont connus pour avoir inventé Gaston Lagaffe et Lucky-Luke ; Joseph Gillain alias Jijé, moins connu, fut leur mentor ; beaucoup plus éclectique que ses disciples, il n'a peut-être pas connu pour cette raison un aussi grand succès ("Jerry Spring", "Blondin et Cirage", "Valhardi", sont -entre autres séries- de sa plume.)

    "Gringos Locos", par Schwartz et Yann, tente de raconter en BD les aventures réelles de ces personnages réels, bien qu'imprégnés de fiction, comme on peut l'imaginer. Les 35.000 exemplaires de l'album publié par Dupuis ont bien failli ne pas sortir de l'imprimerie. Les héritiers de Jijé et Franquin ont tenté de s'y opposer, jugeant le propos plus proche de la caricature que du portrait, voire carrément désobligeant ; Jijé est, par exemple, décrit dans l'album comme un "chef de clan surexcité, grossier et cul plus que béni".

    Finalement dans les rayons des libraires, "Gringos Locos" ne décevra pas que ces héritiers. Pour d'autres raisons que ce portrait de Jijé, relativement fidèle et qui souligne le paradoxe du personnage, à la fois truculent et dévôt catholique Wallon. En effet le style de Yann, impeccablement imité de Chaland, n'est pas directement en cause, mais il incite à la comparaison avec ce dernier. Or l'humour de Chaland était plus fin ; celui-ci avait trouvé une manière cocasse de souligner le grain de folie de la BD belge à ses débuts, et de faire deviner ses raisons, dont le mélange de morale puritaine désuète avec une technique artistique très moderne. Parue dans "Métal hurlant" n°64 (1981), "La vie exemplaire de Jijé" par Chaland est d'ailleurs consultable sur la toile.

    Zébra

    - "Gringos Locos", mai 2012, éd. Dupuis, 15,50 euros.

    - Sur l'illustration de couv., le trio est caricaturé dans cet ordre : Morris, Jijé, Franquin.