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  • Revue de presse BD (270)

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    + Jeudi dernier (22 mars) le trophée "Presse-citron" 2018 du dessin de presse a été remis à une dessinatrice, Louisa Cao, au cours d'une soirée organisée à la BNF par les étudiants de l'école Estienne. Il s'agit d'un trophée original puisque décerné à un dessinateur débutant par un jury de dessinateurs expérimentés.

    On remarque que le lauréat (ci-dessus), qui fait référence au récent décès du mathématicien britannique Stephen Hawking, est entièrement dépourvu d'intention satirique ; dommage, car c'est justement le dessin satirique qui est censuré par les rédacteurs en chef et les patrons de presse, qui publient de moins en moins de dessins ou des dessins de plus en plus insipides.

    Dernièrement les caricatures se sont multipliées dans la presse française contre les industriels de l'armement nord-américains ; la presse française ne fait pas preuve de la même liberté d'expression vis-à-vis de l'industrie automobile française et ses milliers de victimes "collatérales" (l'industrie auto contribue largement à financer la presse française).

    + En mettant à la disposition du public des collections de journaux anciens, lewebzine,bd,fanzine,zébra,gratuit,bande-dessinée,actualité,revue,presse,hebdomadaire,mars,2018,caricature,louisa cao,presse-citron,école estienne,bnf,stephen hawking,gallica,jules depaquit,rire,hara-kiri,cabu site "Gallica" (qui fête ses 20 ans) permet de mesurer la place encore modeste occupée par les encarts publicitaires à la fin du XXe siècle.

    Le style et l'humour des dessins a quelque peu évolué depuis "Le Rire" (fondé en 1894), notamment sous l'influence de "Hara-Kiri" et Reiser (le style de Cabu est moins original) ; cependant on peut voir des dessins précurseurs de la manière actuelle, comme cette chronique illustrée du caricaturiste montmartrois Jules Depaquit (1869-1924).

    + La rédaction de "Charlie-Hebdo" n'aime pas se faire taxer d'islamophobie : cependant l'hebdomadaire fait sa "Une" pour la troisième fois (par Juin et Riss) en quelques semaines sur le prédicateur musulman Tariq Ramadan, accusé de viol par une ou deux ex-coreligionnaires, au point qu'on peut parler d'acharnement.

    On fera forcément le reproche à "Charlie-Hebdo" de ne pas s'étaler autant sur des affaires de moeurs impliquant des institutions républicaines telles que l'armée, la police ou l'Education nationale.

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    + On connaissait déjà l'expression "payer en monnaie de singe" (d'autant pluswebzine,bd,fanzine,zébra,gratuit,bande-dessinée,actualité,revue,presse,hebdomadaire,mars,2018,caricature,louisa cao,presse-citron,école estienne,bnf,stephen hawking,gallica,jules depaquit,rire,hara-kiri,cabu,riss,juin,tariq ramadan,islamophobie,monnaie,paris,mickey,effigie,claude giffin utile que la confiance n'est plus de mise dans les banques et les banquiers). On pourra désormais payer en "monnaie de souris", puisque la monnaie de Paris vient d'émettre deux millions d'euros en pièces à l'effigie de Mickey Mouse.

    Ce privilège accordé à Mickey est, paraît-il, rarissime. Claude Giffin (Monnaie de Paris) le justifie ainsi: - Parce que c’est un personnage iconique, transgénérationnel, qui symbolise des valeurs d’amitié, d’enthousiasme, d’énergie.

    "Transgénérationnel" est peut-être exagéré... Un petit rat de l'Opéra fera bien de se méfier si un vieux producteur de cinéma lui demande de lui montrer son "petit mickey".

    + Deux cambrioleurs spécialisés dans le vol de BD ont été interpellés dans la région lyonnaise; jusqu'ici rien que de très banal... Leur butin en revanche est extraordinaire, puisqu'on a retrouvé dans la cache des deux criminels près de 4.000 albums ! Le moins qu'on puisse dire c'est que le vol de BD est un art séquentiel !

    + François Ayroles ("L'Amour sans peine") publie chez Dupuis "Les Moments clefs du Journal de Spirou (1937-1985)", succession de vignettes retraçant l'histoire de cette entreprise de divertissement belge et faisant le portrait de ses principaux acteurs (Charles Dupuis, Joseph Gillain, Franquin, Morris, Y. Delporte, etc.).

    Hélas le béotien risque de ne pas y trouver son compte et de s'ennuyer à la lecture de cet album, mi-humoristique, mi-documenté ; ceux qui connaissent mieux l'histoire de "Spirou" resteront au contraire sur leur faim et trouveront peut-être comme moi l'humour de F. Ayroles assez éloigné de celui du "Journal de Spirou" (plus humoristique que son concurrent "Tintin").

    On conseille plutôt la lecture des BD d'Yves Chaland (en particulier "Le Jeune Albert"), ouvrages parodiques qui font ressortir l'esprit de la BD franco-belge, mélange baroque de scoutisme, de patriotisme, de désir d'évasion hors du carcan de l'enfance...

    A propos de la fabrication de l'hebdo, le témoignage du repreneur de la série "Spirou", Jean-Claude Fournier (accouché par Nicoby et Joub), est assez éclairant sur les méthodes de l'entrepreneur belge ("Dans l'Atelier de Fournier", 2013).

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  • Dans l'atelier de Fournier***

    Je ne pensais pas dépasser les trois premières pages de ce panégyrique en BD de Jean-Claude Fournier par Joub et Nicoby. Dessinateur breton,

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    D’abord parce qu’étant gosse, Spirou était la dernière chose à laquelle je m’intéressais en BD. Je ne voyais que la monstrueuse ingéniosité du dessin de Franquin, imité par Jean-Claude Fournier (idéal esthétique de la famille Dupuis). J’étais trop jeune pour comprendre à quel point cette laideur est le reflet du temps, bien plus que le style dopé à l’ecstasy de Hergé; j'étais encore moins capable de cerner que Gaston Lagaffe incarne l’homme moderne, peu résolu à des tâches aussi vaines qu’ingrates, et qui se résument presque toutes à la recherche du temps perdu (ce rapprochement du bricolage et de l'existentialisme fait de Franquin un précurseur de Houellebecq).

    Le questionnement autour de la mélancolie du dessinateur de BD est un peu incongru ; on peut se demander plutôt à quelle sorte de réalité se raccrochent les auteurs de BD ? Par quoi ou pourquoi ils tiennent à la vie ? Question valable pour tous les professionnels qui produisent des choses impalpables, d’ailleurs, tant l’homme a besoin de palper pour vivre et se sentir vivant.

    De plus je n’ai pas aimé «Gringos Locos», sur le trio Jijé, Morris et Franquin, tentative similaire à celle de Joub et Nicoby. A cause de son côté «vintage» belgicain.

    La gageure de faire la bio d’un auteur de BD en BD est remportée au contraire par Joub et Nicoby. Au-delà du personnage de Fournier, presque aussi truculent que Jijé, et à qui il ne manque que d’être catholique pour être tout à fait baroque, un éclairage intéressant est apporté sur la bande-dessinée franco-belge et ses méthodes révolues.

    Certains auteurs de BD le font parfois observer, au détour d’une interview : la bande-dessinée est un art moins conventionnel ou psychorigide que le cinéma ; ce dernier consiste essentiellement à mettre les nouvelles technologies industrielle au service du divertissement de masse ; tandis que l’industrie de la BD laisse une part assez large à artisanat, très astucieusement accordée par ses producteurs. La BD n’est pas moins moderne que le cinéma, mais c’est une autre modernité, circonscrite à la Belgique et au public enfantin, tandis que le cinéma joue un rôle de propagande à l’échelle nationale, voire continentale. Et puis les acteurs de cinéma ignorent qu’ils n’existent pas, ou que leur vie est un mensonge ; tandis que les personnages de BD le savent, eux.

    A travers les différentes séquences de la carrière de Fournier, promu grâce à Franquin, par ailleurs pressé de se débarrasser du «groom» Spirou, ses biographes nous permettent de comprendre la méthode belge, qui oscille entre la recherche de profit, le souci de ne rien diffuser de politiquement incorrect - et enfin, dernier point qui fait toute la différence : la confiance accordée aux dessinateurs et aux scénaristes. Confiance typiquement wallonne ou bruxelloise, qui consiste dans le respect du travail artisanal. De là dérive presque exclusivement la reconnaissance dont bénéficièrent les auteurs de BD en Europe. Les bourgeois Dupuis veulent entretenir avec leurs artistes les rapports que Jules II entretenait avec Michel-Ange, ou plus exactement les bourgeois d'Amsterdam avec Rembrandt, qui tînt d'ailleurs un atelier dont celui de Jijé (Joseph Gillain) fut presque le décalque. Et non les traiter en simples employés besogneux, conscients que ce type de rapport est une nette plus-value.

    Le caractère pompeux et institutionnel de la culture, en France, ne l’aurait pas permis. La méthode française pour contrôler les artistes, c’est d’en faire des fonctionnaires. La méthode belge est beaucoup plus habile: elle consiste à laisser croire aux auteurs qu’ils sont libres, et, de fait, les presser un peu plus, tout en leur accordant une marge de manœuvre plus grande, ce à quoi les artistes tiennent d'abord, avant la sécurité de l’emploi.

    Une question cependant à laquelle le bouquin ne répond pas, et qu'on peut de poser, c'est de savoir si Franquin n'a pas tout orchestré de la reprise de "Spirou" par Fournier, de a à z ? Au contraire, affirme Jean-Claude Fournier, qui se décrit comme un type naïf et sincère, Franquin lui aurait déconseillé d'accepter la reprise d'une série aussi pesante. Mais Franquin savait très bien que Fournier ne pourrait pas refuser l'offre de Dupuis.

    Dans l'atelier de Fournier, par Joub et Nicoby, Dupuis, 2013.