...littéraire pour faire de la place dans ma bibliothèque.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
...littéraire pour faire de la place dans ma bibliothèque.
+ Joann Sfar vole dans cette chronique du 17 juin sur France-Inter au secours du métier de dessinateur, pour lequel il a "les yeux de Chimène", un peu cernés par les nuits blanches. Le propos est sans doute trop général, cela dit J. Sfar a raison, la faillite de la presse et celle du métier de dessinateur sont liées.
+ "En ce qui me concerne, je suis gêné quand un artiste s'engage en politique, je trouve ça toujours un peu ridicule. Je m'exprime dans mes livres, c'est tout ce que je sais faire." Auteur d'une BD récemment publiée évoquant son enfance, "L'Arabe du Futur", Riad Sattouf a donné une interview à "Jeune Afrique". La BD de Riad Sattouf constitue un témoignage intéressant, bien qu'ambigu, sur la mentalité des élites arabes occidentalisées auxquelles le père de Riad Sattouf appartenait. La question du refus de l'engagement politique est sans doute un peu plus compliquée que Riad Sattouf ne semble le croire, surtout quand on collabore à un hebdomadaire dont l'engagement est connu.
+ Par ce qu'elle a d'indéfinissable, la modernité inspire le dégoût aux poètes en général, non seulement à F. Nietzsche, même si ce philosophe matérialiste a le plus clairement établi le rapport des choses indéfinissables avec la mort. "Spirou vers la modernité", par Serge Clerc, est ainsi un titre redondant, puisque la spirale est signe de modernité (dessinée par A. Jarry sur le ventre du Père Ubu). Ceux qui se demandent comment la BD belge, qui servit naguère à propager la culture de petits industriels belges plutôt réacs, a pu devenir symbole de modernité grâce au discours pontifiant sur la "ligne claire", ne trouveront pas la réponse dans la chronique que le webzine "du9" consacre au bouquin de S. Clerc. C'est le principe même de la modernité de poser un tas de questions sans fournir de réponse.
+ "Citrus" est une nouvelle revue, abondamment illustrée, dont le premier numéro est consacré aux dessous du football.
+ Trois petits éditeurs, FRMK, Les Requins Marteaux et Cornélius lancent une opération commerciale alléchante : cinq BD pour 10 euros, espérant attirer ainsi dans les librairies spécialisées de nouveaux clients. Le site dédié à cette opération en fournit la liste.
+ Le dessin du jour est le portrait d'un amateur de bande-dessinée par Amandine Brûlée, extrait d'une galerie de croquis.
...littéraire (pour faire de la place dans ma bibliothèque).
par Antistyle
+ Jusqu'au 27 avril, le festival de BD d'Aix-en-Provence permet de découvrir l'illustrateur Chas Laborde (1886-1941), grâce à une expo. qui lui est consacrée. Le critique d'art E. Pollaud-Dulian a largement contribué à exhumer Chas Laborde de l'oubli, comme il a fait avec Gus Bofa. Le style de Chas Laborde évoque celui de Georges Grosz ; cependant, au contraire de Bofa, se voulant illustrateur à part entière, Chas Laborde assumait mal son statut de dessinateur de presse et guignait une meilleure reconnaissance artistique ; sur le plan technique et sans doute au-delà, cette hésitation se ressent dans son art.
+ La ministre de la Culture Aurélie Filippetti (maintenue dans ses fonctions) continue de draguer le milieu de la BD et a convié cette semaine une brochette d'auteurs de BD de sexe féminin à déjeuner. Dans ce cas de récupération politique, l'argument démocratique a bon dos, qui a déjà servi de caution à plusieurs régimes totalitaires. L'autre nom de l'art militant, c'est la propagande ; sans doute accuse-t-on l'Eglise catholique d'un tel procédé pour pouvoir mieux en répéter la formule, ni vu ni connu. A quoi bon condamner le totalitarisme, si c'est pour continuer de témoigner en faveur de l'arnaque de l'art engagé ?
+ Le site du magazine Bodoï mentionne deux guides touristiques sur Paris récemment parus, illustrés par des auteurs de BD. Charles Berberian illustre le guide américain "Lonely Planet" dans son style un peu désuet, rappelant certains guides parus dans les années 50, dont la rédaction était parfois confiée à des écrivains parisiens. Fred Bernard, quant à lui, illustre un guide sur le Paris libertin, dont le titre "Paris-couche-toi-là" suggère la satire autant que le tourisme sexuel. On remarque que la rédactrice, Camille Emmanuelle, tient en outre à signaler qu'elle n'a pas la bourse assez bien garnie pour fréquenter les lupanars "bling-bling" de Paname. Comme quoi le golf n'est pas le seul sport d'élite.
+ A l'occasion de l'expo. au musée du Quai Branly, dédiée aux Indiens des plaines, Jean-Christophe Ogier a recueilli au micro de "France-Info" les impressions de plusieurs auteurs de BD spécialisés dans la représentation des Indiens d'Amérique (Derib, Boucq...) ; le cheval fait partie de cette esthétique de l'Indien, qui en dit peut-être plus long sur l'Occident que sur les Indiens eux-mêmes. Dans son salon de 1845, Baudelaire faisait déjà l'éloge, entre deux artistes français, de George Catlin, portraitiste et peintre de scènes de la vie des Amérindiens qu'il étudia au plus près.
+ Ressemblant à des bois gravés, les paysages hivernaux de Michel Hellman sont en fait découpés dans des sacs-poubelle. Ce jeune auteur québécois vient de publier le "Petit guide du plan Nord".
+ Le choix du caricaturiste d'origine flamande Willem comme président du jury du 41e FIBD colle avec la volonté de nombreux auteurs de s'émanciper du registre puéril où la culture de la seconde moitié du XXe siècle l'a cantonnée (auparavant ce n'était pas forcément le cas) ; pour autant il ne faudrait pas confondre thème politique et maturité. L'idéologie est une maladie infantile, et si les oeuvres littéraires ou artistiques étaient toutes "engagées", on crèverait d'ennui.
+ Le festival-off d'Angoulême, via le site de crowdfunding Ulule (qui croule décidément sous les projets BD), réclame 2.000 euros pour louer une salle et des musiciens.
+ Sans le scénariste wallon Jean-Michel Charlier (1924-1989), un dessinateur tel que Moebius serait peut-être inconnu aujourd'hui, puisque Charlier l'employa sur la série à succès "Blueberry" (sous le pseudo de Giraud). Charlier était un conteur prolifique, capable de travailler simultanément sur 13 séries différentes, qui fut pour cette raison surnommé "tape dur". Un ouvrage vient de paraître au Castor Astral, signé Gilles Ratier, consacré à ce personnage haut en couleur, dont François Cano rend compte pour L'Express.
+ Xavier Guilbert, du site "du9" dédié à l'analyse du phénomène BD, tire en cette fin d'année le bilan d'une année de production, comme à son habitude. Son compte-rendu est émaillé de remarques acerbes, dont : "(...) au moins, les choses sont claires, et il ne fait aucun doute qu'entre le "petit événement culturel" et "l'événement économique", le coeur du journaliste [des Echos] ne balance guère."
C'est la logique même de l'outil statistique d'examiner les grands nombres et d'en déduire des lois, sans se préoccuper des comportements plus libres. L'abus des statistiques empêche ainsi les journalistes économiques de rien prévoir qui ne soit entièrement prédéterminé. Quant au "petit événement culturel", le plus souvent il est "contre-culturel". La "bande-dessinée" n'est qu'une étiquette commode qui recouvre des volontés très différentes, dont il est très difficile de tirer un bilan unique.
+ "Je ne déteste pas internet, mais je suis très vieux-jeu. Je dessine sur papier. Cette semaine, j'ai vu des gens qui s'y connaissent vraiment avec des ordinateurs : ils dessinent, puis ils -jeuscannent tout ça et retouchent sous Photoshop et déplacent des trucs - je ne sais pas trop. Je suis un peu envieux de ça, et en même temps, c'est... C'est déjà suffisamment difficile comme ça. (...)"
Encore dans "du9", le fanzineux yankee John Porcellino fait part dans une interview-fleuve du sentiment d'indépendance que lui procure la production d'un petit fanzine depuis 25 ans. "King-Cat" est tiré à 2000 ex., dont la moitié est écoulée en Europe. John Porcellino tient aussi un blog.
+ En cette fin d'année, les anthologies en tous genres fleurissent sur le net, récapitulant l'année 2013 ; celle-ci est consacrée au "street-art" au sens large, du plus décoratif au plus revendicatif, dont la fresque ci-dessous est tirée, (signée toxicomano 686).
...que j'ai pour toi***
Le dessinateur portugais Paulo Monteiro donne dans cet album une suite de petits textes lyriques illustrés, principalement sur le thème de l’amour et de la mort, qui d’une certaine manière sont deux états voisins.
Shakespeare, le plus sceptique quant à la possibilité d’un amour humain désintéressé, déverse sa pensée corrosive sur ce plan, et il ne reste plus après ce bain d’acide que quelques vagues traits aussi indécis qu’un dessin de Bonnard. Shakespeare illustre que l’amour n’est qu’un remède au vague à l’âme bourgeois, qui par ce moyen refoule la mort en dehors du cercle de ses préoccupations. La mort est une borne, que la spéculation amoureuse a le don de repousser à l’infini, de façon artificielle. L'espoir fou que l'amour fait naître chez certains s'accommode mal de la trivialité de l'acte sexuel.
L’intérêt du bouquin de Monteiro, qui de façon judicieuse a placé un bouc en couverture, est qu'il traite surtout de l’amour filial, où le sublime amoureux réside, bien plus que dans le coït conjugal banal, bien trop terre-à-terre.
Paulo Monteiro évoque son amour pour son père, sa puissante vertu tutélaire jusqu’à la mort de celui-ci, précédée par l’étiolement de ses forces dû à l’âge. Il dessine un rapport amoureux qui repose d’abord sur la force physique d'exister que son père et créateur lui procure, avant de devenir "infini", quand celui qu’on croyait immortel ne peut plus servir d’appui. Dès lors nostalgie et mémoire deviennent le fondement, moins net, de l’espoir de bonheur, à l’instar des civilisations à bout de souffle.
Les rayons des librairies sont pas mal envahis par des niaiseries sentimentales (dont les mangas japonais se font souvent une spécialité), ou des histoires de couple répétitives, cet auteur portugais publié par les éditions «6 pieds sous terre» (!) a choisi d’aborder la foi amoureuse sous un angle moins commun.
Même s’il ne suggère pas précisément comme Shakespeare que l’infini, en amour, prouve qu’il n’y a pas d’amour, mais une réflexion narcissique exacerbée, Paulo Monteiro permet au lecteur de s’interroger sur la sincérité de son éthique personnelle, en partant de l’amour familial primitif, qui détermine les amours secondaires au cours de l'existence.
A travers l’idée du "père de la nation", ce mysticisme religieux perdure d'ailleurs au niveau politique, et l’espérance des citoyens dans les pouvoirs quasiment surnaturels de l’élu. Mais le pape aussi prend la place du père, contrevenant même ainsi à l'interdiction expresse des écritures saintes d'appeler quiconque n'est dieu son "père". Le seul fait de cette interdiction indique que l'enjeu amoureux de la paternité n'est pas des moindres.
L'Amour infini que j'ai pour toi, par Paulo Monteiro, éds 6 pieds sous terre, juin 2013.
Dimanche : pour le couturier Ralph Lauren, Paris est une femme ; il fait sans doute référence à sa forme en escargot ; c'est oublier l'appendice géant dont Paris est affublé en son centre, alors disons une maîtresse femme.