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par Antistyle
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par Antistyle
+ Ce tableau de Franz Marc faisait partie de la collection du mystérieux trafiquant allemand Hildebrand Gurlitt, constituée semble-t-il en partie du pillage de biens privés et publics, et d'autre part d'acquisitions personnelles, comme un picasso acheté directement au peintre en 1942. L'affaire est sans doute très compliquée, comme le suggère "Le Figaro", ainsi que le commerce de l'art en général, où les enfants de choeur sont rares. Les Allemands ne sont pas les seuls pillards notoires, puisque la France et le Royaume-Uni sont aussi sommés de restituer certaines rapines effectuées au cours d'autres guerres. A. Hitler ne fut pas, hélas, le seul chef d'Etat cultivé et amoureux des arts.
+ Puisque la guerre de 14-18 sera à l'honneur l'année prochaine, rappelons qu'on trouve le minimum de triomphalisme et de lyrisme chez ceux qui l'ont faite en première ligne ; L.-F. Céline ramène ainsi la bravoure du soldat à un défaut d'imagination. Gus Bofa, grièvement blessé également au cours de ce conflit dantesque, plutôt que l'appeler la "Grande Guerre", préfère l'appeler la "Grande Garce". Certains dessins de Bofa sur la guerre seront exposés au prochain festival d'Angoulême, et l'ouvrage d'Emmanuel Pollaud-Dulian, destiné à mieux faire connaître cet artiste, paraîtra aussi prochainement, sous un titre éloquent : "L'Enchanteur désenchanté".
+ Le blogueur-BD Adrien Nil, alias Vertron, a dû délaisser son blog quand sa thèse originale sur les dessins ornant les grottes préhistoriques a trouvé un éditeur d'envergure nationale. Néanmoins il n'oublie pas les lecteurs de son blog et rediffuse une petite série, entre dessin-animé et BD -Les aventures de Valentin Boismoreau- prétexte à dessiner des paysages à la manière des paysagistes français du XVIIe siècle (sans doute parmi les plus expressifs).
+ "4 histoires chaudes comme la braise" de Karine Bernadou et son héroïne Hystéria, lisibles sur le site Télérama, prouvent que l'humour peut sauver la BD érotique de la banalité, et que le culte américain des poupées gonflables façon Marvel-Comics n'est pas une fatalité.
+ Adapté de la BD de Christophe Blain, qui a fait couler beaucoup d'encre, "Quai d'Orsay", le film de Bertrand Tavernier est accueilli froidement par la critique. En réalité cette BD était tombée au bon moment, c'est-à-dire juste au moment où la mode bat son plein dans la presse généraliste de s'intéresser à la BD, mais comme la plupart des journalistes ne connaissent pas grand-chose à la BD en dehors d'Astérix, ils se sont précipité sur un sujet qu'ils connaissaient un peu mieux, D. de Villepin. Un conseil, si vous voulez voir des grands fauves, rendez-vous plutôt au zoo.
+ Le doodle de Google d'aujourd'hui célèbre les cent ans de la naissance de Camus et fait référence à son essai sur le mythe de Sisyphe, figuration antique de l'absurdité de la condition humaine (comme le mythe de Prométhée) : "Je disais que le monde est absurde et j'allais trop vite. Ce monde en lui-même n'est pas raisonnable, c'est tout ce qu'on peut en dire. Mais ce qui est absurde, c'est la confrontation de cet irrationnel et de ce désir éperdu de clarté dont l'appel résonne au plus profond de l'homme. L'absurde dépend autant de l'homme que du monde. Il est pour le moment leur seul lien. Il les scelle l'un à l'autre comme la haine peut river les êtres." A. Camus, in. "Le Mythe de Sisyphe", 1942.
+ Le mouvement des bonnets rouges bretons désarçonne la gauche qui a l'habitude de contrôler les mouvements sociaux, et la droite peu habituée à battre le pavé. Frank K. May, lui, choisit le parti de la dérision.
+ Le dessin du jour est Jean-Bernard, un monstre de la série des Jean-Machinchouette imaginée par l'illustrateur Philgref. En se rendant sur son blog, on découvrira aussi un Corto Balèze et un Graspoutine assez réussis (De fait si Hugo Pratt a cherché à se représenter dans le personnage de Corto Maltese, il s'est aminci.)
Autant le dire d’emblée, l’humour à base de galipettes et de shopping de Margaux Motin me laisse plutôt froid. J’ai déjà eu l’occasion d’y goûter sur son blog avant que la «Tectonique des plaques» ne fasse un carton. Il faudrait que je puisse me glisser dans la peau d’une femme pour apprécier, de même que l’humour d’un joueur de foot ou de rugby ne passera pas forcément auprès du public féminin, du genre : - Quel est le point commun entre un pack de bière et une femme ? (aucune loi morale selon moi, même assortie d’une peine de prison à vie, ne pourra abolir cet humour couillon, du moins tant qu’il y aura des femmes et des packs de bière).
On pourrait presque définir un humour de droite (Bigard, Vuillemin), et un humour de gauche (Margaux
Motin, Florence Foresti) ; de même il y a une manière virile de se fendre la poire, qui rend un son caverneux, tandis que les femmes « rient sous cape », hi, hi, hi, à propos d’une sombre histoire de paire de chaussures surnuméraire. Or, le principal mérite de l’humour n’est-il pas d’être transsexuel et de nous lâcher un peu la grappe dans un monde de compétition hypersexué ? Comme dirait Cabu, on n’est pas au Japon ici.
Cependant il y a des bouquins qui sont des phénomènes de société et, à ce titre, on peut être amené à les feuilleter. Non pas pour les critiquer, vu que le point de vue social est imperméable à la critique, comme tout ce qui relève de la foi, mais plutôt histoire de prendre la température.
Je m'arrête à cet aphorisme de M. Motin : « La femme est un homme comme les autres. » Il permet de cerner plus précisément les goûts sexuels de l’auteur, selon la méthode freudienne qui a fait franchir à la critique d’art un pallier (surtout quand on l’applique à l’art de Freud lui-même).
Cette méthode permet d’affiner la «cible-marketing». Ainsi les féministes tendance «émasculatrice» plus traditionnelles ne devraient pas tellement trouver leur compte dans le mot d’ordre de M. Motin, prônant l’alignement sur l’organe viril. Pas plus que les hommes qui ne se retrouvent pas dans l’idée que M. Motin se fait du sexe opposé au sien. A cet égard, j’avoue ne pas bien piger à quoi servent les codes-barres des bouquins s’ils ne permettent pas de se cultiver en fonction de son identité sexuelle ou politique ? Le système est, j'imagine, encore balbutiant.
Un tel succès public devrait pousser Margaux Motin, qui n’est sans doute pas une idiote, à se remettre sérieusement en question. Sinon, autant faire actrice de cinéma.
Philippe Becquelin, alias Mix & Remix, est un des humoristes les plus talentueux de la presse européenne. Il est Suisse est exerce son talent principalement dans son pays natal. Le dernier florilège de ses gags, publié par les « Cahiers dessinés », permet de s’en apercevoir d’autant mieux qu’il y a souvent beaucoup de déchet dans le travail d’un humoriste. En effet, au contraire d’un professeur d’université qui touche une rente confortable pour écrire des ouvrages ennuyeux, l’humoriste exerce un métier de faible rapport ; cela l’oblige parfois à se disperser ou à faire le pitre.
Si l’on ne fait pas le tri parmi les centaines de contes d’Alphonse Allais pour en isoler la trentaine de perles, comment reconnaître qu’il est un des prosateurs majeurs de son temps, pratiquement le seul à ne pas communier au culte moderne socialiste (dont le chapelet de conséquences funestes n’a pas fini de surprendre), conservant ainsi grâce à l’humour son mâle sang-froid.
L’humour est d’ailleurs lié au dessin, car le progrès social et les lendemains qui chantent sont les choses les moins observables du monde.
On pourrait croire que Mix & Remix excelle surtout dans les dialogues et l’humour « non sense », à l’instar d’A. Allais, au vu d’un dessin très schématique. Il n’en est rien, tous deux ont un regard exercé, qui leur permet de discerner l’absurdité des mœurs modernes, dont le ridicule n’a fait qu’augmenter depuis que l’homme a choisi de faire de la Science son dieu, ce qui ne fait qu’ajouter un air de grave prétention à ses pirouettes traditionnelles.
Le choix de dessins uniques par l’éditeur est bon. Bien que Mix & Remix fasse l’éloge du strip, mieux adapté à la presse américaine, il ne s’y montre pas aussi percutant.
« Mix », par Mix & Remix, Buchet-Chastel, 2013.
"Verlaine prenant Rimbaud", portrait double par Marc-Edouard Nabe
+ Marc-Edouard Nabe est surtout connu pour sa défense de l'écrivain maudit Louis-Ferdinand Céline, envers et contre tout le gratin parisien. Mais il est aussi peintre, illustrateur et portraitiste, admirateur de Chaïm Soutine.
Il est trop tard pour se rendre à l'expo-vente de ses portraits qui se tenait il y a quelques semaines à Aix-en-Provence. Mais certains portraits sont toujours disponibles à la vente. Les goûts de Nabe (Alain Zannini de son vrai nom) sont particulièrement éclectiques, puisqu'ils vont de sainte Thérèse de Lisieux à Jimi Hendrix en passant par Céline, Joyce, Charles Mingus, Sade, Che Guevara, Ghandi, etc.
Un reproche, quand même : l'en-tête du site de Nabe est franchement hideux, et un autoportrait de l'auteur aurait mieux fait l'affaire.
+ Le co-créateur des "Simpson" Sam Simon, qui selon son médecin n'en a plus pour longtemps à vivre, a décidé de léguer ses biens à des associations de défense des animaux et des banques alimentaires... de banques alimentaires, je suppose, strictement réservées aux végétariens.
+ Je profite de cette revue de presse pour féliciter le jeune humoriste allemand (eh oui, c'est possible) Wschinski, dont le premier recueil de gags vient de paraître. Zébra a publié régulièrement ses vignettes sarcastiques, traduites de l'allemand, ainsi qu'un polar décalé avec la complicité de son pote Sébastien Weissborn. Avis aux éditeurs français.
+ Le 5e salon du "Fais-le-toi-même", inventé par Albert Foolmoon, se tiendra à Lille au mois de septembre prochain. Ledit Foolmoon est un des promoteurs les plus actifs de l'édition "underground", grâce à son site web qui fournit une foule d'informations et permet aux adeptes du "do-it-yourself" de diffuser leurs ouvrages. Pour les Parisiens qui souhaiteraient se rendre à ce salon lillois, il faut compter quand même une petite semaine à pinces.
+ L'illustration de la semaine est de Marcus Oakley, repéré par Yassine du blog Lezinfo, dédié à l'illustration.
"L'imagination a été donnée à l'homme pour compenser ce qu'il n'est pas. L'humour pour le consoler de ce qu'il est."
Saki
Portrait de l'écrivain britannique H.H. Munro, alias Saki (1870-1916), par Aurélie Dekeyser, pour illustrer un conte sarcastique dans le n° spécial été de Zébra.
L’humour de Kamagurka ne résiste pas au format long qu’il s’est imposé dans ce «Cow-Boy Henk», luxueusement édité chez Frémok. Ses vignettes ou ses strips publiés ici ou là sont des clins-d’œil qui pointent légèrement l’absurdité de l’existence, tandis que j’ai les paupières lourdes après trois pages du «Cow-Boy», en dépit de ses couleurs vives, ou à cause d’elles.
De la même façon, le court roman de Camus récemment adapté par Ferrandez, «L’Etranger», qui tire de l’absurdité de la condition humaine une humeur froide, à la limite du suicide, aurait versé s’il s’était étiré sur des centaines de pages, dans le récit mélancolique ennuyeux.
Les pédagogues ou les enseignants prétendent parfois que non, non, Camus n’incite pas au suicide, mais c’est probablement pour pouvoir se justifier de l’enseigner aux jeunes lycéens. Le héros de Camus, Meursault, fait bien l’expérience du meurtre, un peu par hasard, mais aussi parce que, privée de sens à ses yeux, la vie humaine perd le prix que lui accorde la morale publique : celle d’autrui, la sienne. Le principal mérite de Camus est de mettre en lumière le relais de la religion traditionnelle par l’idéologie socialiste, dont la principale fonction est de donner un sens à peu près crédible à l’existence.
La mort ou le coma (éthylique) dans lequel sont plongées les idéologies socialistes à leur tour, après les religions traditionnelles, nous vaut peut-être d’ailleurs ce regain de littérature ou d’art plus ou moins cocasse, fondé sur l’absurde. Les grands auteurs comiques puisent déjà leur faculté de faire rire des paradoxes et des conséquences auxquels s’exposent les hommes qui s’efforcent de vivre sans penser à rien d’autre : les hommes à qui la volonté seule fait office de colonne vertébrale. Si l’on veut bien relire Molière, on verra que les portraits qu’il brosse sont tous de types sociaux dans ce cas, non seulement l’Avare ou Scapin. On peut songer aussi au parti que Molière aurait tiré de l’affaire Strauss-Kahn : certainement une comédie plutôt qu’un drame.
Mais l’absurdité peut aussi prendre la forme du divertissement, en particulier dans les sociétés oisives, et il me semble que c’est le travers dans lequel, par la répétition des gags, Kamagurka tombe. Ainsi, rien de plus absurde qu’un match de football, ou un tournoi de poker, avec ses gagnants et ses perdants, parfaitement conformes en cela à l’existence, et compensant par la multiplication des règles l’absence de sens.
Il est vrai que Kamagurka ne dissimule rien, dans sa BD, de la contention sexuelle explosive qui pousse le grand supporter blond aryen à s’adonner à ce type de spectacle, faute de pouvoir déployer autrement (en temps de paix) son énergie. J’aurais préféré qu’il brocardât plutôt les intellectuels qui se masturbent sur le football ou le rubgy.
Zombi (leloublan@gmx.fr)
Cow-Boy Henk, Kamagurka et Herr Seele, Fremok, 2013 (pour l’édition française traduite du flamand)