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américain - Page 2

  • Revue de presse BD (87)

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    + On reconnaît dans la parodie ci-dessus du peintre américain Hopper la patte de Willem, qui préside et est exposé au 41e FIBD.

    + Peut-on être antimilitariste et républicain ? C'est la question qui est indirectement posée par l'exposition Tardi et 14-18 au Festival d'Angoulême. "Pensez-vous que le gars qui se prenait des éclats de shrapnel sur la tronche adhérait à ce principe de "sacrifice librement consenti" qu'on a inventé par la suite ? Tardi souligne ainsi le grand écart entre l'enseignement de l'histoire et l'instruction civique, de nature religieuse. "Le Monde", en des termes choisis pour ménager la chèvre et le chou, rappelle que le partenariat entre Tardi et la nébuleuse "Mission du Centenaire" a fait long feu, c'est le cas de le dire. Et le directeur de cette mission, Joseph Zimet, de préciser : "Il est certain que notre vocation n'est pas de faire l'éloge de la désobéissance et des mutineries." La position tranchée de Tardi a le mérite de faire pièce aux thèses plutôt floues de ceux qui prétendent concilier humanisme et "valeurs républicaines".

    Un autre détail attire l'attention dans l'article du "Monde", c'est la précision que Tardi est "artiste" et non "historien", afin de relativiser la portée de son propos. D'une part ce sont les guerres modernes qui sont affaire de spécialistes, et non l'histoire ; d'autre part, il y a des tas d'ouvrages d'histoire rédigés par des artistes à côté desquels l'art du journalisme peut passer pour relativement futile.

    + Est-que les "24h de la BD", qui se tenaient de mercredi-jeudi dernier en marge du Festival d'Angoulême ne seraient pas en train de connaître une dérive sectaire ? Pour les profanes, précisons qu'il s'agit de dessiner vingt-quatre planches de BD en vingt-quatre heures ; jusqu'ici, on peut dire que les limites de la folie ordinaire ne sont pas dépassées, et que tout ça se passe "entre adultes consentants". Certes, mais les organisateurs semblent prendre un malin plaisir à ajouter de nouvelles contraintes à cet exercice. Les quelques six-cent participants cette année devaient en outre intégrer à leur bande quatre-vingt-dix photos de l'albums personnel de Boulet (célèbre blogueur-bd) ; comme dans toute pratique masochiste, on peut craindre l'escalade, et la Milivudes ferait peut-être bien de diligenter une enquête.

    + "Jean-Gédéon court invincible, sur sa peau d'écailles de lézard, le soleil vient et puis repart et sur son crâne parapluie, le nuage déverse sa rage, l'averse, l'éclair et l'orage..." : "The PylGreff Project" de notre complice Philgreff (Zébra n°7) et un pote à lui troubadour, Pyl, combine illustration, musique et blog-bd. Chaque semaine, les deux artistes font fusionner leurs talents. Le duo a déjà publié quatre poèmes-illustrés-en-musique, non pas disponibles dans les bacs, mais sur le blog de l'un ou l'autre.

    + Mécontents de leurs conditions de travail et désireux de se venger, deux sculpteurs sud-africains, André Prinsloo et Ruhan Janse van Vuuren, à qui une statue de Nelson Mandela avait été commandée, ont glissé, non pas une quenelle, mais un petit lapin en bronze impertinent dans l'oreille de Mandela. "Courrier international" ajoute que ce type de vengeance fut pratiqué par Michel-Ange. Certains historiens d'art soupçonnent le même type de procédé dans la fameuse "Ronde de nuit" de Rembrandt. 

    + Lerapideduweb, tel un scout d'agence en quête de nouveaux talents pour poser dans les magazines, est sans cesse en quête de nouveaux blogs-BD ; ce coup-ci il a découvert et recommande "Les folles aventures", qui met en scène un poney plutôt débridé.

    + Huit parlementaires viennent de créer une asso. pour la promo. de la BD, le "cercle Philémon", du nom du célèbre héros platonicien créé par Fred. Si ça se trouve au lieu de députés et sénateurs piquant un petit roupillon en séance, on les verra lire des BD (patriotiques), donnant ainsi une meilleure image de la nation.

    + Le dessin de la semaine est de Joann Sfar ; c'est un euphémisme de dire qu'il compte plusieurs cordes à son arc ; après le roman, dernièrement, voici qu'il fait un détour par le dessin de presse. Fervent supporter de François Hollande au début de son mandat, Sfar s'amuse à le dessiner désormais dans toutes les positions du kamasoutra. Après tout la croissance promise par les élus est surtout une question de désir...

     

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  • Mon ami Dahmer***

    Les monstres ont le don de fasciner. Cette fascination touche tous les milieux sociaux. Non seulement webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,kritik,critique,backderf,mon ami dahmer,jeffrey dahmer,cannibale de milwaukee,psychiatrie,sociopathe,nietzsche,profiler,bourgoin,ça et làla presse dite « de caniveau » et le cinéma n’hésitent pas à faire leur miel des affaires criminelles les plus sordides, exploitant ainsi l’érotisme de la violence, mais aussi, dans des milieux plus raffinés, des ouvrages plus ou moins érudits véhiculent la passion pour les grands monstres de l’histoire: Napoléon, Staline, le marquis de Sade, etc., qui ont dominé la société de leur temps en violant ses codes (Précisons tout de même que les meurtres réels du marquis de Sade ont été accomplis dans le cadre légal, militaire, et que sur le plan civil il n’a commis qu’un attentat à la pudeur sur la personne d’une prostituée, lourdement sanctionné. L’activité de tortionnaire de Sade relève du fantasme sexuel, excité probablement par la frustration due à un long embastillement.)

    Les monstres historiques sont blanchis par la démonstration de leur fécondité politique (démonstration fallacieuse dans le cas de Napoléon, par exemple) ; mais on pourrait aussi déduire, concernant l’assassin «de droit commun», une forme d'utilité, sur le plan moral ; il fait figure de repoussoir ou de démon.

    Le point de vue social moderne présente donc ce paradoxe de définir une norme et des limites en principe infranchissables, tout en cautionnant une culture largement fondée sur la fascination macabre de personnages capables de s’affranchir des lois auxquelles le commun des mortels se soumet – des «surhommes» en quelque sorte, non pas au sens donné par Nietzsche à ce terme, mais au sens moderne. Il paraît intéressant de noter ici que le point de vue moderne tend nécessairement à considérer la morale de Nietzsche comme celle d’un sociopathe, c’est-à-dire d’un aliéné si l’on se réfère aux dernières nomenclatures psychiatriques, ce qui explique que le satanisme de Nietzsche n’est pas pris au sérieux par les analystes, et que les études savantes de son œuvre ont souvent un aspect clinique.

    Tel est le cas de cette bande-dessinée de l’américain Derf Backderf, qui traite du cas de Jeffrey Dahmer (1960-1994), surnommé «le cannibale de Milwaukee» pour avoir assassiné près d’une vingtaine d’hommes en leur faisant subir un certain nombre de sévices ante et post-mortem. Derf Backderf évite de tomber au niveau du «porno-chic» à la manière de David Lynch ou Quentin Tarantino, pour tenter, si ce n’est de comprendre, du moins de décrire froidement la dérive de J. Dahmer. Pas d’usage cynique de la part de Backderf d’une imagerie érotico-sadique du type de celle qui attire les voyeurs comme une flaque de sang attire les mouches ; le succès de cette BD, traduite en français et préfacée par l’inévitable «profiler» S. Bourgoin, tient à ce que l’auteur fut un condisciple du tueur en série, ignorant l’appétit meurtrier de son pote de lycée, dont l’alcoolisme précoce et invétéré lui avait paru banal, et qui ne découvrit son activité meurtrière que lorsque Dahmer finit par être appréhendé tardivement par la police.

    Les épisodes de violence meurtrière qui éclatent assez régulièrement sur les campus américains expliquent sans doute aussi le succès de « Mon ami Dahmer », vu le déni de responsabilité des autorités politiques et morales face à ces événements ; un déni de responsabilité qui passe par la mise en cause hypocrite du commerce des armes à feu, qui reviendrait à peu près à inculper les automobiles dans le cas de la violence de la routière. Backderf tranche quelque peu avec cette tartufferie. Sans doute d’abord parce qu’il se sent coupable de n’avoir rien fait pour essayer de soulager Dahmer des affres préliminaires à son passage à l’acte. Mais le cadre bucolique où se déroula leur enfance et leur adolescence lui paraissait complètement à l'opposé du faubourg sinistre où évolua Jack l’Eventreur. Jeffrey Dahmer avait bien une mère épileptique, et les rapports entre ses parents étaient conflictuels, mais l’auteur note que les cas de mères au foyer dépressives étaient nombreux dans les années soixante-dix.

    Backderf se dédouane en arguant qu’il n’était alors qu’un lycéen lambda, préoccupé surtout par les filles et somme toute trop jeune et imbécile pour se douter de quoi que ce soit, ou pouvoir rompre l’isolement de Dahmer et l’aider à vaincre ses démons. Certaines habitudes et comportements burlesques de Dahmer en faisaient une sorte de mascotte, avec un fan-club dans son bahut, présidé par Backderf. Cette forme d’intérêt malsain pour sa personne ne déplaisait pas à Dahmer, comme il était le seul intérêt qu’on lui manifestait. Backderf est moins indulgent avec le système scolaire, qu’il accuse de laxisme pour n’avoir pas décelé l’alcoolisme de l’élève Dahmer, manifeste pour tout le monde sauf ses parents et le corps enseignant. L’auteur pose cette question, en forme d’accusation : - Mais où étaient les adultes ?

    Jeffrey Damer a fini tabassé à mort en prison, où règne sans doute la justice la plus naturelle. Un psy un peu plus subtil que la moyenne indique qu’on peut peut-être soigner les troubles mentaux, dans certains cas, mais non les guérir complètement, le problème de la condition humaine demeurant insoluble par l’abord psychiatrique. La société fournit des moyens plus ou moins utiles pour vivre, mais non de but véritable ; cela peut contribuer à rendre certains ados plus exigeants «sociopathes».

    Mon ami Dahmer, Derf Backderf, éd. "ça et là", 2013.

  • Recette

    Dessin tiré du carnet de croquis de Louise Asherson :

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  • Culturisme 2013

    « L’essentiel pour une cervelle moderne, c’est de paraître musclée. »

    Le peintre américain John Currin (1962-), natif du Colorado, est un des rares artistes contemporains de webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,culturisme,john currin,colorado,américain,liseuse,boticelli,degas,picasso,hegel,romantique,edgar poe,ezra pound,bukowski,thoreau,musée pompidourenom à se réclamer d’une démarche artistique guidée par l’histoire. Ce motif diverge du motif moral ou religieux habituel. J’ai d’ailleurs été longtemps persuadé que Currin était britannique, tant la culture américaine ignore systématiquement l’histoire. Il y a bien quelques poètes réactionnaires, foncièrement hostiles à la modernité ou la démocratie tels Edgar Poe, Ezra Pound, H.D. Thoreau, voire C. Bukowski sur le mode comique; mais des artistes américains inspirés par l’histoire, je ne n’en vois aucun…

    L’art américain peut se résumer à un panneau indicateur : le voyage dans le temps. Tout tourne pratiquement dans l’art américain autour de cette notion religieuse. Au contraire, les artistes européens s'efforcent souvent de détruire l’office religieux ou social de l’art, son incitation au sacrifice.

    John Currin fait aussi exception dans la mesure où il a n’a pas négligé d’apprendre à dessiner. Ses compatriotes confondent souvent le dessin avec la photographie*.

    Bien des artistes se mettent en quête de l’Idée, sans paraître se douter que toutes les idées sont contenues dans la nature, à qui reviennent tous les droits d'auteur. La faculté d’observation d’un excellent dessinateur comme Michel-Ange lui permet ainsi d’être aussi idéal que possible ; on pourrait dire autrement que Michel-Ange recèle à lui seul tous les produits dérivés de l’art abstrait ; ces derniers ne font que se déterminer en creux ou en négatif par rapport à lui. Peu d’hommes s’enorgueillissent, en vieillissant, de s’approcher plus de la mort que leurs contemporains moins âgés. Beaucoup d’artistes se contentent, par leur art, de faire résonner ce son de cloche mélancolique, comme si l'art moderne était fait pour sonner le glas de la civilisation.

    La «liseuse» de Currin exposée ici n’est pas dans la manière habituelle du peintre, qui préfère le pastiche, notamment de Cranac’h, Botticelli, voire Degas, qu’il admire. La notion de pastiche évoque directement l’esthétique du philosophe romantique allemand G.W.F. Hegel, inventeur d'une idée du progrès artistique (qui, bien qu'elle soit simpliste, a beaucoup servi de critérium de jugement au XXe siècle).

    Currin ne peut pas se contenter d’imiter l’art des artistes qu’il admire; il doit y ajouter la touche personnelle du pastiche, qui le fait paraître de son temps. Il s'approprie ainsi ce qu'il imite. Il contribue aussi à la démonstration selon laquelle il appartient à une époque plus avancée. A la manière de Picasso, bon dessinateur lui aussi, qui éprouve le besoin de recomposer les œuvres primitives ou antiques qu’il imite - Picasso sans doute plus vivant par sa manière de recomposer, et non d’altérer, de diviser ou de pasticher.

    On reconnaît dans le pastiche la même détermination macabre, c’est-à-dire la présentation de l’altération de l’art le plus vital comme le sens de l’évolution. La mort est ce que l’artiste possède en propre, bien plus que la vitalité qui émane de la nature.

    C’est en réalité à l’histoire de l’art que Currin est attaché, ce qui revient à peu près au motif religieux ou anthropologique. Pratiquement, la thèse hégélienne de "la fin de l'histoire" est une théorie du mouvement artistique. L’histoire de l’art est moderne, au sens où elle démontre le progrès. L’histoire tout court n’est pas moderne, qui prouve que cette démonstration est purement rhétorique.

    Se prévaloir de ses erreurs et de ses tares pour définir un style, n’entraîne pour l’homme aucun progrès, mais une illusion et un artifice grandissants.

    FLR

    *Le musée d'art moderne Pompidou détient une toile de J. Currin.