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romantique

  • Qui a peur de Shakespeare ? (4)

    Petit feuilleton littéraire estival

    Le mystère de la fable

    Le halo de mystère qui entoure Shakespeare est donc, pour une part, le résultat d'un malentendu ou de contresens manifestes, disions-nous dans le précédent épisode de ce feuilleton. Quelques dizaines de milliers d'ouvrages ont été rédigés afin de défricher le terrain et permettre une meilleure compréhension du théâtre de Shakespeare ; pourtant, c'est comme si on patinait au lieu d'avancer.

    Qui a peur de Shakespeare ? Est-il comme un spectre, hantant notre culture au crépuscule, effrayant commewebzine,zébra,bd,feuilleton,shakespeare,estival,littéraire,hamlet,claudius,freud,shagspere,claudel,nietzsche,voltaire,racine,homère,chassériau,othello,desdémone,fussli,lady mcbeth,romantique le diable, et dissuasif pour certains d'entendre son message ?

    Si l'on estime, tout comme Freud, que Hamlet est sans doute le portrait de l'auteur des pièces signées "Shakespeare", ne peut-on en déduire que Shakespeare a, comme son héros, beaucoup d'ennemis plus ou moins rusés, et qu'il a pris certaines précautions pour se garder d'eux ?

    Parmi les lecteurs et critiques qui, au cours des XVIIIe, XIXe et XXe siècles, ont éprouvé de l'admiration pour Shakespeare et son oeuvre, certains ont tourné leur veste, tels Voltaire (dénigrant "Hamlet" : "On croirait que cet ouvrage est le fruit de l’imagination d’un sauvage ivre."), Nietzsche (qui finira par avouer sa perplexité, après s'être dit la réincarnation de Francis Bacon, alias Shakespeare), ou encore Claudel (qui préfère Racine, en définitive). La fascination de Polonius pour Hamlet, mêlée de crainte et de ruse machiavélique, n'est pas sans faire penser à l'attitude de tel ou tel commentateur.

    *

    La violence de Hamlet a beaucoup fait jaser : certains l'ont trouvé excessive, à l'encontre de sa mère notamment (Gertrude) ; cette colère a paru incohérente avec l'hésitation de Hamlet à se venger du traître Claudius. Freud s'est perdu en conjectures pour tenter d'élucider le tempérament de Hamlet ; mais le schéma de l'oedipisme nous laisse sur notre faim. Cette incohérence psychologique incite à voir plutôt dans "Hamlet" une pièce tragique, dont le ressort n'est pas principalement psychologique. La violence de Hamlet, ses coups d'épée, sont une violence symbolique, comme celle de nombreux mythes antiques qu'il ne faut pas prendre au pied de la lettre. La mère de Hamlet est comparable à la méchante reine du conte de fée, qui empoisonna Blanche-Neige.

    Il est sans doute plus pertinent de prendre Shakespeare pour un auteur de fables ou de contes. Une part du mystère est donc intentionnelle, liée au caractère allégorique de la pièce. Les pièces de Shakespeare sont un peu comme les fables d'Esope, qu'il nous faudrait déchiffrer si elles n'étaient pas suivies ou précédées par une petite explication.

    Le choix d'une forme allégorique peut s'expliquer par diverses raisons : le succès de Homère à travers leswebzine,zébra,bd,feuilleton,shakespeare,estival,littéraire,hamlet,claudius,freud,shagspere,claudel,nietzsche,voltaire,racine,homère,chassériau,othello,desdémone,fussli,lady mcbeth,romantique âges illustre le goût du public le plus large pour la mythologie. Shakespeare comme Homère est apprécié aussi bien par un public lettré que par un public plus fruste. Combien de dramaturges peuvent en dire autant ?

    Le parfum de mystère est aussi une incitation pour le public à plonger plus avant dans l'oeuvre, une fois sa curiosité piquée à vif...

    Le fossé qui sépare le public contemporain de Shakespeare est sans doute plus difficile à franchir pour ceux qui ne croient pas aux contes de fées, mais plutôt dans le triomphe de la raison sur les mythes du passé.

    - Avides de sujets nouveaux, les peintres romantiques se sont emparés des pièces de Shakespeare, qui commencent alors d'être en vogue dans toute l'Europe, et les ont illustrées. Ci-contre, le peintre français Théodore Chassériau a représenté Othello et Desdémone ; le littérateur et peintre britannique J. H. Füssli peint, lui, la démoniaque Lady MacBeth en pleine crise de somnambulisme.

     

  • Culturisme 2013

    « L’essentiel pour une cervelle moderne, c’est de paraître musclée. »

    Le peintre américain John Currin (1962-), natif du Colorado, est un des rares artistes contemporains de webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,culturisme,john currin,colorado,américain,liseuse,boticelli,degas,picasso,hegel,romantique,edgar poe,ezra pound,bukowski,thoreau,musée pompidourenom à se réclamer d’une démarche artistique guidée par l’histoire. Ce motif diverge du motif moral ou religieux habituel. J’ai d’ailleurs été longtemps persuadé que Currin était britannique, tant la culture américaine ignore systématiquement l’histoire. Il y a bien quelques poètes réactionnaires, foncièrement hostiles à la modernité ou la démocratie tels Edgar Poe, Ezra Pound, H.D. Thoreau, voire C. Bukowski sur le mode comique; mais des artistes américains inspirés par l’histoire, je ne n’en vois aucun…

    L’art américain peut se résumer à un panneau indicateur : le voyage dans le temps. Tout tourne pratiquement dans l’art américain autour de cette notion religieuse. Au contraire, les artistes européens s'efforcent souvent de détruire l’office religieux ou social de l’art, son incitation au sacrifice.

    John Currin fait aussi exception dans la mesure où il a n’a pas négligé d’apprendre à dessiner. Ses compatriotes confondent souvent le dessin avec la photographie*.

    Bien des artistes se mettent en quête de l’Idée, sans paraître se douter que toutes les idées sont contenues dans la nature, à qui reviennent tous les droits d'auteur. La faculté d’observation d’un excellent dessinateur comme Michel-Ange lui permet ainsi d’être aussi idéal que possible ; on pourrait dire autrement que Michel-Ange recèle à lui seul tous les produits dérivés de l’art abstrait ; ces derniers ne font que se déterminer en creux ou en négatif par rapport à lui. Peu d’hommes s’enorgueillissent, en vieillissant, de s’approcher plus de la mort que leurs contemporains moins âgés. Beaucoup d’artistes se contentent, par leur art, de faire résonner ce son de cloche mélancolique, comme si l'art moderne était fait pour sonner le glas de la civilisation.

    La «liseuse» de Currin exposée ici n’est pas dans la manière habituelle du peintre, qui préfère le pastiche, notamment de Cranac’h, Botticelli, voire Degas, qu’il admire. La notion de pastiche évoque directement l’esthétique du philosophe romantique allemand G.W.F. Hegel, inventeur d'une idée du progrès artistique (qui, bien qu'elle soit simpliste, a beaucoup servi de critérium de jugement au XXe siècle).

    Currin ne peut pas se contenter d’imiter l’art des artistes qu’il admire; il doit y ajouter la touche personnelle du pastiche, qui le fait paraître de son temps. Il s'approprie ainsi ce qu'il imite. Il contribue aussi à la démonstration selon laquelle il appartient à une époque plus avancée. A la manière de Picasso, bon dessinateur lui aussi, qui éprouve le besoin de recomposer les œuvres primitives ou antiques qu’il imite - Picasso sans doute plus vivant par sa manière de recomposer, et non d’altérer, de diviser ou de pasticher.

    On reconnaît dans le pastiche la même détermination macabre, c’est-à-dire la présentation de l’altération de l’art le plus vital comme le sens de l’évolution. La mort est ce que l’artiste possède en propre, bien plus que la vitalité qui émane de la nature.

    C’est en réalité à l’histoire de l’art que Currin est attaché, ce qui revient à peu près au motif religieux ou anthropologique. Pratiquement, la thèse hégélienne de "la fin de l'histoire" est une théorie du mouvement artistique. L’histoire de l’art est moderne, au sens où elle démontre le progrès. L’histoire tout court n’est pas moderne, qui prouve que cette démonstration est purement rhétorique.

    Se prévaloir de ses erreurs et de ses tares pour définir un style, n’entraîne pour l’homme aucun progrès, mais une illusion et un artifice grandissants.

    FLR

    *Le musée d'art moderne Pompidou détient une toile de J. Currin.