Caricature par ZOMBI
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Caricature par ZOMBI
+ En proclamant l'année 2020 "année de la bande dessinée", le ministre de la Culture Franck Riester ne se doutait pas qu'elle serait aussi celle de l'épidémie de coronavirus.
Cette épidémie n'est pas tant une menace sanitaire qu'une menace pour la cohésion sociale, dont l'effondrement du système bancaire en 2008 a mis en lumière la fragilité.
Le conseiller du Président de la République, Jacques Attali, a appelé aujourd'hui à un véritable effort de guerre, nécessaire selon lui pour enrayer la progression de l'épidémie.
Volontiers philosophe, ce philanthrope ajoute sur son blog : "La pandémie permettra peut-être de comprendre que seul vaut le temps."
Réflexion étonnante puisque la société capitaliste et technocratique, mise en défaut ici, voue au temps un véritable culte, tandis qu'il est perçu comme une condition ou une contrainte dans des cultures plus scientifiques.
L'épidémie de bouddhisme en Occident (J. Attali, mais aussi "Tintin") s'explique parce qu'il est la religion la plus adaptée à un Etat technocratique. L'hypothèse de la mondialisation heureuse, non moins totalitaire et démentie par les faits que le "rêve américain", est servie dans les magazines accompagnée du préchi précha bouddhiste.
La religion du beauf de Cabu.
+ On attend la diffusion en "replay" du documentaire consacré à Chaval par Madeleine Debras et Marc Large (caricaturiste à "Sud-Ouest").
Chaval était tout sauf "bouddhiste" puisqu'il a été vaincu par l'ennui.
Dans cette présentation, Marc Large répète le poncif des caricaturistes ou des auteurs satiriques "dépressifs et alcooliques". Van Gogh n'avait rien de satirique ; ni Hergé, dépressif chronique. La bande d'"Hara-Kiri" n'était pas spécialement une bande de "dépressifs". Si Choron picolait beaucoup, c'était surtout pour oublier ses déboires financiers et à cause d'une mauvaise habitude contractée à l'armée.
On prête ici aux auteurs satiriques et aux caricaturistes un trait de caractère répandu chez les clowns ou les "amuseurs publics", contraints de porter le masque du sourire, ce qui revient à confondre Louis de Funès ou Cyril Hanouna avec Molière.
+ Extraits d'un entretien accordé par C. Bretécher à Gabriella Bosco (1990) :
- Et le féminisme ? Qu’en reste-t-il dans vos BD ?”, lui dis-je, moi qui, née dans le post-féminisme n’avais qu’une connaissance livresque du mouvement.
- Il ne faut pas généraliser, me répondit-elle. - Le féminisme est passé par mes BD à un moment. Aujourd’hui il n’y a plus personne qui s’en occupe, ni moi. Ç’était en 1972, à peu près, quand j’ai commencé à travailler pour le "Nouvel Observateur". C’était l’époque du gauchisme, on vivait plongés dans des comportements sociaux hystériques. C’était la folie intellectuelle. Je ne pouvais pas éviter d’en faire état dans mes BD. Et puis bien sûr moi aussi j’étais féministe. Mais j’ai toujours été anti-militante, parce que le fait d’être militant, dans n’importe quel domaine, comporte un manque absolu de sens de la mesure, fait ignorer les nuances (...).
- Une BD doit toujours faire rire ? demandai-je encore.
- Pour que je l’apprécie, oui. Il y a aussi les BD réalistes, qui ne font pas rire. Moi, je ne les lis pas. Il y a beaucoup de BD américaines qui sont de ce genre là. Histoires d’hommes, d’aviateurs, de pilotes… Ou alors de filles pulpeuses. Je les déteste. Pour moi, la BD n’a de sens que si elle est humoristique et le dessin en est amusant.
- Et tirez-vous inspiration de l’actualité, pour vos histoires ?
- Non. Sur la Guerre du Golfe par exemple je n’ai fait aucun dessin. Nous étions submergés pas ceux des autres. Et de toute manière, tout ce qui a à voir avec le quotidien, j’ai tendance à l’éliminer, quand je travaille. La rude épreuve du quotidien, je la fuis dès que je peux.
+ Petite anthologie de (bonnes) BD parues en 2019, dont vous pouvez retrouver les critiques dans l'onglet "kritik" de ce blog, ou bien "actualité".
Dans l'ordre : "La Tournée", par Andi Watson ; ed. çà & là.
- "L'amusant Musée", par Jean-Luc Coudray & Isabelle Merlet ; éd. Wombat.
- "A bord de l'Aquarius", par Marco Rizzo & Lelio Bonaccorso ; éd. Futuropolis.
- "Orwell", par Christin & Verdier ; éd. Dargaud.
+ Les autorités culturelles, le ministre de la Culture Franck Riester en tête, ont décrété l'année prochaine 2020 "année de la bande dessinée". Cette mesure destinée à soutenir les auteurs de bande dessinée laisse une partie d'entre eux sceptiques, qui réclament des mesures plus concrètes.
Quelques auteurs et scénaristes ont même signé il y a quelques mois la pétition "Nous ne sommes pas dupes" de soutien au mouvement des Gilets jaunes, mouvement de défiance vis-à-vis des élites politiques, mais aussi culturelles, regroupées à Paris.
+ Xavier Bureau alias Burlingue, est un dessinateur de presse et un peintre méconnu. De petites expositions de ses dessins et gouaches sont régulièrement organisées à Paris.
Caricature par l'Enigmatique LB
(Sous-bock signé Placid)
+ Le "sous-bockisme" ou l'art de dessiner sur des sous-bocks, lancé par le bédéaste Lolmède au début du XXIe siècle, énième avatar de l'effort de certains artistes modernes pour désacraliser l'art (Magritte, Duchamp, Ben...).
Paradoxalement la désacralisation revêt parfois à son tour un caractère sacré, un peu comme certains pratiquent le doute avec une foi inébranlable.
+ Gilles Rochier lit "Ta mère la pute" dans "La BD à voix haute", websérie vidéo produite par "Lyon BD" (festival) et "Québec BD".
A partir de croquis et de témoignages recueillis dans les "quartiers" où il a grandi, G. Rochier les raconte avec une sincérité qui tranche singulièrement avec la dramaturgie médiatique.
+ Pierre Lungheretti (directeur de la Cité internationale de la Bande dessinée et de l'Image) a publié en janvier 2019 un rapport commandé par le ministère de la Culture sur l'état de la bande dessinée et ses acteurs.
Le rapport pointe du doigt le mercantilisme des producteurs de bande dessinées, annoncé et dénoncé par certains auteurs... depuis 40 ans déjà. C'est ce qui s'appelle enfoncer une porte ouverte.
Plus nettement que ce rapport, il faut dire à ceux qui gobent le slogan de "l'ouverture culturelle" que la mode des mangas japonais découle entièrement de cette stratégie mercantile stupide que les éditeurs belges plus intelligents n'adoptèrent pas dans les années soixante face aux comics américains et à Disney.
- Les auteurs et regroupements d'auteurs (impuissants) à qui le rapport donne la parole accusent plus franchement les éditeurs et les organisateurs de festivals d'avoir contribué à appauvrir les auteurs. On peut se demander pourquoi les auteurs de BD se sont laissé tondre aussi facilement, ou pourquoi ils se laissent berner par "l'artification" (sic) en cours de la BD, récupération qui ne profite qu'à quelques-uns, et dont le lecteur (lui aussi maltraité par ces stratégies éditoriales) n'a cure ?
- Les remèdes proposés par le rapporteur sont plus symboliques qu'efficaces ; parmi ces mesures on note la création d'un musée de la BD à Paris, sur le modèle bruxellois. Le nouveau ministre Franck Riester en réceptionnant le rapport a prononcé un joli discours, osant même parler de "nouvel âge d'or de la BD" ; entre les grandes phrases on devine que le mercantilisme ne risque pas de se heurter au ministère de la Culture. Il serait bien naïf d'espérer obtenir du ministère de la Culture ce que l'on n'obtient pas du ministère de l'Agriculture ou de l'Industrie.
- Mieux qu'un long rapport, le témoignage sarcastique de l'ex-bédéaste Adrien Fournier révèle l'état de la bande dessinée.