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kritik - Page 7

  • La Légèreté*

    Ne vous fiez pas à son titre, "La Légèreté" de Catherine Meurisse est la BD la plus lourdingue de l'année.webzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,catherine meurisse,légèreté,philippe lançon,libé,dargaud Lourdingue, c'est-à-dire conventionnelle.

    A la télé, une journaliste a déclaré à propos de "La Légèreté" cette chose extravagante : "S'il n'était pas obligatoire de dire du bien de "La Légèreté", j'en aurais quand même dit du bien, car cette BD est magnifique, etc." (je n'ai pas gardé le souvenir de tous les superlatifs utilisés).

    Ou bien cette journaliste est complètement idiote, ou bien elle est très maligne, au contraire. Elle suggère en effet que nous vivons dans un monde où il est obligatoire de dire du bien en public de certains bouquins, indépendamment de leur contenu !? Pourquoi ne pourrait-on pas dire du mal d'un bouquin qu'on a trouvé creux ? Quel sorte de décret tacite l'interdit ?

    En résumé, Catherine Meurisse a perdu ses confrères dessinateurs de "Charlie-Hebdo", abattus presque sous ses yeux par les frères Kouachi. Il y avait de quoi devenir dingue, d'autant plus que les journaux et la télé n'ont pas cessé d'en parler 24h/24. Comment reprendre son souffle après une telle épreuve ? Catherine Meurisse part faire une retraite à Rome, à la Villa Médicis (résidence luxueuse mise à la disposition des artistes français) ; elle peint des aquarelles (bof) ; elle lit Proust et d'autres auteurs moins bourgeois, conseillés peut-être par Philippe Lançon, critique littéraire à "Libé" et à "Charlie" ? P. Lançon a rédigé une préface très confraternelle et assez barbante à "La Légèreté". Du coup, petit à petit, Catherine Meurisse se sent mieux ; son confrère Luz publie une BD sur comment il a vécu les mois suivant l'attentat, et C. Meurisse décide de faire la même chose.

    La morale de l'histoire, c'est : - L'art m'a sauvée. Si Catherine Meurisse avait préféré cuisiner plutôt que lire "La Recherche", on aurait eu le droit à un livre de recettes. Que l'exercice de l'art puisse rendre la condition humaine moins pénible, c'est une certitude en même temps qu'un propos d'une grande banalité.

    Ce qui m'a le moins rasé, ce sont les passages concernant Catherine Meurisse, que je connaissais mal, en comparaison des "piliers" de "Charlie-Hebdo". On apprend par exemple que Catherine Meurisse a été recrutée par Philippe Val. Par souci de parité, je suppose, étant donné que "Charlie-Hebdo" était jusque-là aussi fermé à la gent féminine qu'une assemblée de franc-maçons ou d'évêques catholiques.

    A l'exception de quelques infos, glanées ici ou là, propres à satisfaire ma curiosité, j'ai dans l'ensemble été surpris et déçu par la BD de C. Meurisse ; surpris par son côté "sulpicien", mélange d'académisme et de bondieuseries, pas très éloigné de "Tintin & Milou". Venant d'une humoriste, je m'attendais à autre chose que l'apologie un peu plate de la rêverie artistique. De la part des rescapés de "Charlie-Hebdo", réagir comme ils l'ont fait à la fusillade, en publiant malgré tout le plus vite possible un nouveau numéro, c'était faire preuve d'un sang-froid plus conforme à l'esprit de "Charlie-Hebdo" (même s'ils n'ont pas pu échapper à la récupération politicienne que l'on sait, visant à faire des victimes de cette fusillade des martyrs de la cause et des valeurs occidentales).

    Quelques écrivains ou artistes ont tiré de drames l'inspiration pour écrire des chef-d'oeuvre marquants. Par exemple, le tremblement de terre meurtrier de Lisbonne en 1755 a assez bouleversé Voltaire pour lui inspirer un pamphlet humoristique contre la philosophie "zen" de Leibnitz ; mais il manque à "La Légèreté" l'ingrédient que les grands bouquins écrits pour tenter de sonder la violence de la nature ou de l'homme, à savoir le recul. Probablement y a-t-il une difficulté supplémentaire à se remettre en cause quand on vient de subir une violence quelconque, d'ordre physique ou psychologique, mais dans ce cas pourquoi Luz et C. Meurisse n'ont-ils par attendu avant de publier ce qui ressemble à des confessions intimes ?

    "La Légèreté", par Catherine Meurisse, Dargaud, 2016.

     

     

  • Une Mystérieuse Mélodie***

    M. Mouse est scénariste pour le cinéma et, à son grand désarroi, son patron lui demande d'écrire un grandwebzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,cosey,mickey,glénat,mystérieuse mélodie,william shakespeare,disney,oswald,lapin scénario à la manière de William Shakespeare. Il faudra qu'il y ait des larmes, de l'infamie, des trahisons, et, le pire de tout... de l'amour. Comment Mickey va-t-il s'y prendre, lui qui ne connaît rien de tout cela ?

    Et voilà qu'il tombe sur un manuscrit original du grand homme...

    Au cours de son parcours, qui commence en 1927 (Mickey est créé en 1928 pour remplacer Oswald le lapin chanceux, qui joue aussi un rôle dans l'aventure), Mickey se déplace, cherche et finit par rencontrer certains personnages-clefs qui vont peupler son univers et accompagner les lecteurs dans les films et les bandes-dessinées qui vont être créés ensuite.

    La bande-dessinée de Cosey (qui a repris le personnage de Mickey) commence d'ailleurs par une tragédie, ou par ce qui aurait pu l'être. Un petit chat est sauvé de la noyade, mais c'est une tragi-comédie cinématographique. Et ensuite c'est à une naissance à laquelle nous assistons, celle de l'univers Disney, qui va considérablement évoluer jusqu'à nos jours.

    Et puis le voyage... les voyages à pied, en train, en bateau (jusqu'à Cythère ?).

    Ensuite la quête, celle de Mickey, qui finit par trouver son chemin.

    L'histoire sera-t-elle "un roman à l'eau de rose"... ou "un conte moderne et novateur" ? Peu importe, elle se termine par un rêve. Et elle est servie par une narration efficace et des dialogues inventifs.

    Florent pour Zébra

    Disney - Une mystérieuse mélodie, par Cosey, eds Glénat, 2016.

  • Pandora*

    La BD franco-belge tira son dynamisme d'hebdomadaires -"Spirou", "Tintin", etc.-, dans lesquels émergèrent leswebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,kritik,critique,bande-dessinée,revue,pandora,benoît mouchart,bastien vivès,casterman meilleurs artisans du genre, ainsi que les meilleures idées éditoriales ; les adultes pouvaient même parfois y trouver leur compte ; par exemple avec les "Idées noires" de Franquin, antidote aux aventures édifiantes de "Tintin & Milou", dont la publication commença dans "Spirou".

    La BD franco-belge s'est enlisée depuis dans des recettes commerciales juteuses et une quête de reconnaissance qui n'est qu'un attrape-couillons. De solennels cacouacs ont inventé "l'art séquentiel" ou "l'art silencieux", en même temps que la spontanéité disparaissait.

    La nouvelle revue de BD "Pandora", dirigée par Benoît Mouchart, traduit parfaitement le niveau d'incompétence actuel ; bien que son rédacteur en chef a sous la main une vingtaine d'auteurs, parmi les plus réputés et prometteurs (Blutch, B. Evens, Harambat, Vivès, Loustal, Spiegelman, etc.), "Pandora" n'est pas autre chose qu'un catalogue insipide, sous une couverture ratée (B. Vivès n'est pas le meilleur illustrateur qui soit) ; on pourra apprécier tel ou tel chapitre, isolément (celui de Vivès n'est pas mal), mais le minimum vital requis pour faire une revue manque. En comparaison, la revue "Lapin", vitrine de "L'Association", assez creuse elle aussi et qui contribua au snobisme, avait du moins le mérite de publier et mettre en avant de jeunes auteurs inconnus.

    Casterman et B. Mouchart ont pris tellement peu de risques avec "Pandora" que cette revue ressemble à un musée ou à l'académie française de bande-dessinée.

    Pandora n°1, Casterman, mai 2016.

     

  • Zélium n°8

    "Sport, bizness et jeux de dope"webzine,bd,zébra,bande-dessinée,critique,kritik,zélium,sport,dopage,rousso,decressac,lb,gab,lerouge,cambon

    Avec ce numéro consacré à l'abrutissement par le sport, et qui tombe donc à pic, "Zélium" semble avoir trouvé son rythme, et surtout son format de croisière. Pour ma part j'ai fini par m'habituer au titre, et le logotype hideux du départ, représentant un zeppelin (?) a heureusement fait place nette.

    La meilleure chance de "Zélium" de durer, outre les améliorations apportées, c'est la belle brochette d'excellents dessinateurs à son service -une vingtaine-, dont Rousso (couverture), Decressac, Cambon, Berth, Sergio, Lerouge, Gab, mes préférés.

    "Zélium" a été en outre bien avisé de recruter notre collaborateur LB, et de publier plusieurs de ses dessins (inédits dans "Zébra" pour la plupart).

    Les dessinateurs de "Zélium" sont bénévoles, et ce bénévolat est à double tranchant ; l'argent est un frein considérable à la liberté d'expression, si important qu'on ne peut s'empêcher de sourire en entendant invoquer cette liberté dans les pays occidentaux excessivement riches ; le sport-spectacle, avatar des jeux du cirque, parfaitement contradictoire avec les idéaux des Lumières, reflète lui-même le règne de l'argent.

    C'est aussi en se professionnalisant que "Charlie-Hebdo" a perdu son âme et ses lecteurs petit à petit, s'est normalisé, non seulement parce que Philippe Val se croyait "éthiquement pur". Cependant les dessinateurs doivent tirer un minimum de revenus de leur travail pour pouvoir continuer à dessiner, et c'est ce qui pousse le rédacteur en chef à chercher la meilleure formule éditoriale. On s'en rapproche avec ce numéro spécialisé dans la satire du sport, au stade où celui-ci est devenu exemplaire du développement hasardeux de la société.

    Je suis plus réservé en ce qui concerne les chroniques et les chroniqueurs. L'hommage à Siné, dont beaucoup de dessinateurs de Zélium se réclament, ne pouvait être que minimaliste, bien que ce ne soit pas pour les mêmes raisons que "Charlie-Hebdo". Quant aux papiers humoristiques, ils souffrent de la comparaison avec les dessins satiriques. On ne peut qu'être d'accord avec Etienne Liebig lorsqu'il souligne l'aberration et l'hypocrisie de la part des pouvoirs publics qui consiste à prôner le sport comme un exemple pour les gosses : mais on appréciera davantage un dessin humoristique qui résume efficacement cette hypocrisie.

    Sous la forme d'un QCM (pp. 22-24), la chronique des aberrations du sport moderne est plus "digeste" et amusante. Les bons auteurs humoristiques se font rares ; nombreux sont les comiques de cabaret qui "tournent" pendant vingt ans avec le même sketch. L'école républicaine forme plus les élèves au calcul mental qu'à la gaudriole.

    Zélium n°8, spécial été 2016, www.zelium.info, 5 euros.

  • Prud'hon***

    Le musée Condé à Chantilly expose jusqu'au 26 juin son fonds de dessins de Pierre-Paul Prud'hon (1758-1823). A cettewebzine,bd,fanzine,zébra,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,pierre-paul prud'hon,sylvain laveissière,stendhal,baudelaire,delacroix,duc d'aumale,chantilly,faton occasion les éditions Faton publient un catalogue raisonné des dessins de la collection exceptionnelle (26 dessins) constituée par le duc d'Aumale, fameux mécène descendant des Condé et fils du roi Louis-Philippe.

    Ce catalogue, plutôt technique, nous renseigne sur la manière dont fut constituée la collection de Prud'hon pour le compte du duc, ainsi que sur les travaux d'entretien minutieux de dessins particulièrement fragiles - la religion de l'art a ses reliques, elle aussi.

    Cette collection a beaucoup contribué à la gloire posthume de Prud'hon, artiste discret en comparaison de personnalités saillantes comme Jacques-Louis David ou Théodore Géricault.

    Les effets de lumière crayeux de Prud'hon confèrent à ses dessins un aspect d'outre-tombe, qui a sans doute pas mal contribué à entretenir la réputation de pionnier du romantisme de l'artiste bourguignon (natif de Cluny). Sylvain Laveissière, spécialiste de Prud'hon, mentionne surtout les critiques élogieuses de Delacroix, Baudelaire, Stendhal, comme motif principal pour classer Prud'hon parmi les romantiques; étiquette fragile, démentie par l'admiration de Prud'hon lui-même pour l'art de Léonard de Vinci. La tendance de Stendhal était d'ailleurs à revendiquer "romantique" tout ce qui lui plaisait, jusqu'au théâtre de Shakespeare, en un temps où "romantique" voulait dire "neuf".

    L'art de Prud'hon ramène à la question plus sérieuse de l'influence de l'Antiquité sur l'art moderne, voire plus largement la civilisation (question controversée : rupture ou continuité?) que ce catalogue raisonné n'aborde pas directement. Cette question est pourtant l'un des enjeux de l'art moderne, motivant le mécénat ou "l'investissement culturel" comme on dit aujourd'hui.

    Laugel, négociateur pour le compte du duc d'Aumale, pour consoler son maître de l'importante dépense qu'il venait de faire, lui écrivit : "(...) Prud'hon est Prud'hon - je crois que c'est un des maîtres de notre époque qui peuvent le mieux braver l'avenir." On comprend ici que c'est un mélange d'intérêt pour l'art et de placement financier plus trivial qui préside au destin de l'art. Le duc n'avait pour l'art de Prud'hon qu'un intérêt limité.

    - La collection de Chantilly est faite d'un mélange d'académies d'hommes et de femmes, plus ou moinswebzine,bd,fanzine,zébra,gratuit,bande-dessinée,critique,kritik,pierre-paul prud'hon,sylvain laveissière,stendhal,baudelaire,delacroix,duc d'aumale,chantilly,faton achevées, illustrant la maîtrise du dessinateur ; d'esquisses préparatoires pour des tableaux sur des thèmes mythologiques ou allégoriques antiques ; ou encore de sujets plus érotiques. Ne figure malheureusement pas dans la collection de Chantilly le saisissant portrait de la maîtresse de Prud'hon, Constance Mayer (ci-contre, le portrait conservé au Louvre) ; celle-ci fit carrière de peintre dans l'ombre de son amant, son statut ambigu l'empêchant d'accéder à la notoriété.

    Pierre-Paul Prud'hon, Les Carnets de Chantilly, Faton, 2016.

     

  • Rimbaud, l'Explorateur maudit***

    D'Arthur Rimbaud nous connaissons tous au moins un poème, le plus souvent appris par coeur au collège ; etwebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,arthur rimbaud,explorateur,maudit,philippe thiraut,thomas verguet,glénat,carjat cette photographie par Carjat du jeune poète génial, devenu le symbole de l'adolescence ; ainsi que quelques bribes de sa biographie ; la relation tumultueuse avec Paul Verlaine, en particulier, est célèbre, avec ses coups de revolver tirés par Verlaine pour y mettre un point final, presque un cliché.

    Certains en savent un peu plus : que Rimbaud a renoncé brusquement et définitivement à la poésie avant de s'expatrier, de voyager un peu partout, en Europe d'abord, puis au-delà de la Méditerranée. « L'air marin brûlera mes poumons, les climats perdus me tanneront. » ("Une Saison en Enfer"). La fin pitoyable d'Arthur Rimbaud dans un hôpital marseillais, torturé par la maladie, implorant par courrier sa mère de lui expédier des bas de contention pour soulager ses varices, est également connue grâce aux éditions scolaires abrégées qui reproduisent parfois ces lettres, très prosaïques mais néanmoins émouvantes.

    "Rimbaud, l'Explorateur maudit", par Philippe Thiraut (scénario) et Thomas Verguet (dessin), publié par Glénat, met en scène un pan moins connu de la brève existence du poète : ses séjours et périples en Afrique, entre 1883 et 1890 environ, motivés par l'appât du gain et l'attrait de l'aventure. L.-F. Céline, qui a quelques points communs avec Rimbaud (l'origine sociale modeste, le goût de la littérature, celui de l'aventure), proposait cette explication au dégoût soudain du jeune poète pour la poésie : il y voyait la volonté d'un jeune garçon d'expérimenter enfin des choses concrètes, de sortir de l'adolescence et ses rêves théoriques. Rimbaud a en effet envisagé cet exil aventureux en Afrique comme un but plus sérieux que les poèmes que le public a retenus. Il ne pouvait pas savoir que cette expédition se solderait par un échec, suivi de la mort.

    Si la mise en couleur de cet album est insipide et fait presque mal aux yeux, en revanche le choix est assez judicieux d'un dessinateur plutôt "académique" pour illustrer ce séjour cauchemardesque de Rimbaud en Afrique. En effet le scénariste a décidé de situer l'épopée de Rimbaud entre rêve et réalité ; on ne distingue pas toujours clairement si ce sont les fantasmes de Rimbaud ou la réalité de ses expéditions qui est décrite ; on pourrait se plaindre d'une telle incertitude, cependant Rimbaud a bel et bien vécu toute sa vie une sorte de rêve éveillé, parfois heureux, souvent cauchemardesque, teinté de mysticisme.

    Le poète se voulait "moderne", à la suite de son maître Baudelaire ; or l'art moderne fait la part belle au rêve. Si Rimbaud a voulu "passer à autre chose", effectuer sa mue de l'adolescence à l'âge adulte, s'il a effectué des comptes-rendus d'exploration et des relevés topographiques publiés par la société de géographie française, il est probable que sa seconde vie reste marquée par l'idéalisme.

    De plus cette BD contribue à défaire la légende dorée d'Arthur Rimbaud, en le montrant comme la plupart des colons français, cherchant à s'enrichir sur le dos de l'Afrique, d'une façon qu'il serait hypocrite de condamner aujourd'hui puisqu'elle persiste bien au-delà de la période de colonisation officielle, de façon plus discrète.

    Rimbaud, l'Explorateur maudit, par Philippe Thiraut et Thomas Verguet, Glénat, 2016.

     

  • Literary Life***

    Les libraires doivent rire jaune en lisant la satire du milieu littéraire anglais par Posy Simmonds ; enwebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,kritik,critique,posy simmonds,literary life,denoël graphic,bretécher effet "Literary Life", BD traduite de l'anglais et publiée par Denoël Graphic (2014) est transposable au milieu littéraire français, à quelques détails près.

    Posy Simmonds crève la baudruche de la culture en peignant un tableau peu flatteur de l'homme de lettres moderne (la femme de lettres n'est pas épargnée non plus).

    On ne peut s'empêcher de penser à Claire Bretécher en lisant les planches de Posy Simmonds, dessinatrice au "Guardian Review" outre-manche depuis des lustres, dans lequel ses tranches de "vie littéraire" sont parues. Si Bretécher a croqué le milieu "bobo" d'une façon aussi réaliste, c'est -à l'en croire-, parce qu'elle l'éprouva de l'intérieur ; de même on a l'impression que Posy Simmonds (de cinq ans la cadette de Claire Bretécher), sait bien de quoi elle parle quand elle parle de librairies, de salons du livre, de dédicaces, d'éditeurs, de critique littéraire... Il est plus juste de parler d'ironie que de satire, pour qualifier la démarche de P. Simmonds ; son cynisme et sa franchise l'inclinent à ne pas embellir la réalité.

    Sans doute certains gags sont un peu "attendus" ; ce n'est pas la première fois que le milieu littéraire est la cible de sarcasmes ; souligner le narcissisme de l'écrivain, son désir de plaire et de se rassurer, ce n'est pas un scoop.

    Cependant Posy Simmonds se rattrape en proposant des angles variés, qui permettent de cerner le métier; le métier, tout est dans ce mot car le ridicule de l'homme de lettres moderne tient largement à ce qu'il est devenu un "professionnel", l'écriture un travail, et les librairies des étals de plus en plus banals. Du décalage entre la littérature, qui peut sembler parfois une échappatoire à la condition humaine, et le carriérisme de l'homme de lettres moderne, Posy Simmonds extrait la plupart des situations comiques. On pourrait traduire cette évolution autrement : on a affaire aujourd'hui à une littérature produite d'abord par des éditeurs, assisté par des écrivains. Le rapport des prérogatives s'est peu à peu inversé. Cette évolution est particulièrement visible dans le domaine de la bande-dessinée où les recettes technico-commerciales se sont vites imposées sur des méthodes plus artisanales.

    - Entre autres observations pertinentes, P. Simmonds suggère l'effet délétère de la psychanalyse sur la critique littéraire. Cet effet avait d'ailleurs été anticipé par le journaliste et critique viennois Karl Kraus, contemporain de Freud et auteur d'aphorismes cinglants à l'encontre de son compatriote et de la psychanalyse (Freud s'est notamment ridiculisé en tentant de réduire les personnages de Shakespeare à des symptômes).

    P. Simmonds illustre aussi le complexe d'infériorité grandissant de l'écrivain vis-à-vis du cinéma et de la télévision ; au point que les plus serviles se rêvent scénaristes de cinéma, c'est-à-dire au service d'un art beaucoup plus rémunérateur, mais presque entièrement fait de contraintes. Indirectement, P. Simmonds pointe du doigt le rôle que joue la culture afin d'emprisonner l'homme moderne dans la fiction.

    Literary life - scènes de la vie littéraire ; Posy Simmonds, Denoël Graphic, 2014.