Caricature par ZOMBI
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Caricature Samuel Paty
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Revue de presse BD (248)
+ Dans son blog, "Ma Vie de Réac", Morgan Navarro égratigne certains idéaux "de gauche". Il se moque ainsi dans un strip de "l'écriture inclusive", tentative d'éradiquer certaines inégalités entre les sexes par le biais de l'enseignement de l'orthographe et de la grammaire à l'école.
Cet auteur de BD explique d'ailleurs qu'il n'est pas vraiment "réac" (sous-entendu : il fait de la provocation). De fait, l'humoriste anar Alphonse Allais ironisait déjà au XIXe siècle à propos de cette volonté de militantes féministes de rendre la langue française "plus égale" ("Une défaite du féminisme").
Croire que le langage peut contribuer à transformer la réalité est sans doute une idée très féminine. Le décalage du langage avec la réalité est tel que le "féminisme", contrairement à ce que le mot semble indiquer, ne recueille même pas l'adhésion d'une majorité de femmes, mais seulement d'une petite -soi-disant- élite d'entre elles.
+ La bédéaste contestataire Tanx trouve dans le propos de Morgan Navarro l'occasion de monter sur ses grands chevaux et vitupérer les "réacs de gauche" : "Aujourd’hui on aurait beaucoup de mal à dire si un dessin est publié dans "Charlie" ou dans "Minute".
La dessinatrice tient à préciser que le "Hara-Kiri" de Choron et Cavanna ne trouve pas grâce à ses yeux ; et elle refusa naguère une proposition de collaboration de Siné, en le traitant de "phallocrate".
Il faudra donc lire ou relire les vieux numéros de "Hara-Kiri" pour vérifier si, oui ou non, comme nous le disons et répétons dans cette revue de presse, "Hara-Kiri" était nettement plus subversif que "Charlie-Hebdo" ne l'est aujourd'hui.
+ Le magazine "L'Incorrect" publiera-t-il les strips de Morgan Navarro ? Ce nouveau magazine, surfant sur les succès d'Eric Zemmour et Donald Trump, prétend tenir un discours incorrect "de droite". Quel auteur satirique peut sérieusement se dire "de droite" ou "de gauche", sans devenir à son tour une cible de choix pour la satire ?
Charles Beigbeder (frère du romancier à succès), principal actionnaire de ce nouveau titre, a fait carrière dans la banque. Or la principale fonction du "politiquement correct" est de servir de masque bienveillant aux élites libérales : trente années de gouvernement de gauche en sont la meilleure preuve.
Quant au rédacteur en chef de cet organe, Jacques de Guillebon, c'est un "catholique anarchiste" (sic), qui confond apparemment "paradoxe" et "incorrection".
En somme l'incorrection de droite est du niveau des "Grosses têtes" de Philippe Bouvard, et "L'Incorrect" n'est qu'un épisode supplémentaire du bras-de-fer idéologique sans intérêt que se livrent les partis de gauche et de droite.
Ce magazine publie très peu de dessins, et semble plutôt chercher à démontrer que la gauche n'a pas le monopole des digressions sociologiques.
+ Banale affaire de harcèlement sexuel dans le milieu du cinéma (l'histoire du cinéma est celle d'un harcèlement sexuel ininterrompu), l'affaire Harvey Weinstein illustre l'ampleur du brouhaha médiatique, c'est-à-dire d'un flot continu d'informations déversées sur nos têtes, quasiment en temps réel et suivant une hiérarchie hasardeuse. Le caricaturiste britannique Banx (ci-contre) illustre la capacité du système à digérer cette faille et s'en renforcer, à la manière d'un cyclone.
+ L'Association "Cartooning for Peace" (Plantu) et le fabriquant de papiers Clairefontaine organisent un concours de dessin de presse (ouvert aux 11-25 ans). La formulation du thème a tendance à exclure l'ironie et assigner au dessin de presse le rôle de promotion d'une société idéale.
La prétention à instaurer une paix mondiale n'est-elle pas le point commun de tous les régimes totalitaires ?
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Revue de presse BD (245)
Caricature de Churchill/Goscinny (vers 1950)
+ Des esprits laïcs chagrins risquent de protester contre la prise en otage de René Goscinny par le musée d'art et d'histoire du judaïsme (Mahj)...
Ce musée parisien expose le travail et la biographie du scénariste de "Lucky-Luke", "Astérix", "Iznogoud", "Le Petit Nicolas" ("Goscinny, Au-delà du rire", jusqu'au 4 mars), 40 ans après sa mort, et publie un volumineux bouquin-panorama de l'oeuvre de Goscinny. Les préfaciers de cet ouvrage ont l'honnêteté de reconnaître que Goscinny n'a pas grand-chose à voir avec le judaïsme, comme beaucoup de juifs "laïcisés" soucieux d'intégration plus que de religion.
En revanche les mêmes préfaciers ne peuvent s'empêcher de nous bassiner avec le concept de "judéité", de façon assez anachronique car le nationalisme israélien qui détermine aujourd'hui surtout l'identité juive n'avait pas la même force il y a cinquante ans. Les documents d'archives présentés montrent que Goscinny était d'une famille de Juifs ukrainiens, marquée par la diaspora puisqu'elle émigra en Argentine, plus accueillante que la Russie pour les Juifs.
Au demeurant la littérature identitaire ne présente pas plus d'intérêt que la littérature régionaliste ou la littérature spécialisée.
L'originalité du scénariste Goscinny tient à ce qu'il fut un exilé (accessoirement juif ukrainien), ce qui lui procurait un certain recul par rapport à la société et la culture françaises, à quoi tient son ironie. Le village gaulois fait penser au chauvinisme laïc, typiquement français, qui pousse les Français à croire qu'ils sont exceptionnels. Sur l'institution scolaire, véritable "vache sacrée" française, Goscinny porte aussi un regard légèrement ironique et décalé dans "Le Petit Nicolas".
On découvre grâce au catalogue que Goscinny était un dessinateur plus doué que Uderzo ou Sempé, le catalogue reproduisant de bonnes caricatures (Churchill et Hitler) de sa main.
+ La ville de Montreuil a rebaptisé son centre d'art contemporain "Tignous" en hommage au caricaturiste de "Charlie-Hebdo" assassiné, et décerné une bourse Tignous (dotée de 1000 euros) au dessinateur Sylvain Priam, originaire de Martinique (le 1er "prix Tignous" a été remis au caricaturiste Giemsi).
L'ex-Garde des Sceaux Christiane Taubira a remis au lauréat sa bourse. En 2013 le parti politique guyanais de Christiane Taubira avait porté plainte contre un dessin de Miège, dessinateur de l'hebdomadaire d'extrême-droite "Minute", jugé raciste et insultant vis-à-vis de C. Taubira. Saisi également d'une plainte en métropole, le parquet avait requis une lourde amende contre l'hebdo (confirmée en appel).
C. Taubira est le symbole de la politique "progressiste" des gouvernements Ayrault et Valls. Mais, du point de vue satirique, elle représente une certaine forme de "politiquement correct"... dont le moins que l'on peut dire est que ses résultats en termes de lutte contre le racisme et les inégalités se font attendre. Comment croire que la fraternité peut résulter de dispositions légales ?
Redisons-le : le dynamisme de la presse satirique en France a toujours été lié à la capacité de petits entrepreneurs de presse satirique de prendre leur distance avec les représentants du pouvoir politique et leurs idéologies, qui revêtent tantôt un caractère démagogique, tantôt stratégique voire machiavélique.
(Ci-contre illu. de Sylvain Priam représentant une sorte de paysage oecuménique. C'est probablement fortuit si le Manneken Pis urine sur Marianne...)
Dessin de Vuillemin illustrant le processus créatif.
+ Ceux qui ont raté l'expo. Vuillemin ("L'Echo des Savanes") à la galerie Huberty Breyne pourront se rattraper en lisant l'interview qu'il donna à cette occasion, où il explique notamment dans quelles conditions il a accepté de collaborer à "Charlie-Hebdo".
L'affirmation selon laquelle "Vuillemin s'inscrit dans la droite ligne de Reiser" nous semble on ne peut plus superficielle. La ligne de Reiser n'est en effet pas moins claire que celle de Hergé, dans la mesure où le dessin de Reiser est une épure qui va à l'essentiel. Reiser a donné à "Charlie-Hebdo" quelques-unes de ses meilleures Unes grâce à cette ligne sans détours.
Le style de Vuillemin, en comparaison, est baroque et surchargé, à la limite "sulpicien". Le vomi, le caca et les capotes usagées deviennent presque des objets esthétiques sous le crayon de Vuillemin, tandis qu'il y a beaucoup plus de noirceur et de franchise réalistes dans les bandes de Reiser.
Quant à l'humour, Reiser n'avait pas son pareil pour appuyer là où ça fait mal ; les Unes de Vuillemin sont, pour l'instant, plus anecdotiques.
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Trêve express
La Semaine de Suzette Zombi. Lundi.