Caricature par ZOMBI
louis xvi
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Lendemains qui chantent
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Revue de presse BD (302)
(Dessin de Coco dans le n° spécial "Retour de l'obscurantisme")
+ De façon surprenante on a pu voir le 21 janvier dernier sur les réseaux sociaux un certain nombre de Français exprimer leur nostalgie de l'Ancien régime à l'occasion de l'anniversaire de l'exécution du roi Louis XVI en 1793. Précisons : un roi idéalisé, dont les erreurs n'auraient pas entraîné la chute, suivie d'un demi-siècle de violences politiques extrêmes.
Cela dit la culture laïque et républicaine n'est guère moins nostalgique. "Charlie-Hebdo" vient de publier un numéro spécial sur le retour de l'obscurantisme et des "antilumières" : il ignore apparemment que la France a connu, depuis les "Lumières" du XVIIIe siècle, un épisode dictatorial qui a anéanti l'espoir des Philosophes dans l'avènement d'une monarchie constitutionnelle sur le modèle britannique.
L'invocation des Lumières par "Charlie-Hebdo" se situe donc aussi au niveau de l'incantation nostalgique. Même le principe laïc cher à "Charlie-Hebdo" est étranger à la laïcité souhaitée par Voltaire (elle aussi empruntée au modèle anglo-saxon). Voltaire et Diderot voulaient défaire le monopole des Jésuites dans le domaine scientifique, dont l'Education nationale a hérité, usant de méthodes similaires pour le préserver.
- Il y a sans doute là une des clefs pour comprendre le soulèvement des Gilets jaunes ; cette nostalgie très française, que de nombreux courants idéologiques véhiculent, s'accommode mal des valeurs technocratiques de la caste dirigeante qui sont, elles, a contrario, "futuristes" - un futurisme qui a fait "krach" en 2008 au terme d'un nouvel épisode de spéculation capitaliste intense.
La compétence technique, sur laquelle repose la légitimité de la caste dirigeante, a été remise en cause de la même façon que la compétence des commandants du "Titanic" quand ce navire heurta un iceberg.
+ Le magazine "Beaux-Arts" (janvier 2019) a enquêté sur la restitution aux pays africains des objets d'art accumulés dans les musées français, notamment
celui construit sur le Quai Branly à Paris. Cette restitution est au coeur de la diplomatie africaine du président Macron. D'autres puissances ont offert des musées (vides) à des pays africains, comme le Sénégal (Chine) et le Congo (Corée).Les pays d'Afrique subsaharienne sont ici concernés. La France détient la majeure partie du patrimoine artistique de ces régions avec le "British Museum" et "l'Africa Museum" de Tervuren en Belgique, qui caracole loin en tête.
Les conservateurs de ces musées européens, hostiles à ces restitutions diplomatiques, invoquent plusieurs arguments dont le plus convaincant est le caractère éphémère d'une bonne partie des objets religieux collectés, qui n'étaient donc pas faits pour être conservés (ni profanés).
Les potentats africains souhaitent quant à eux remplir leurs musées vides. On ne peut manquer d'observer que cette façon d'admirer et célébrer l'art, dans l'écrin des musées, édifices laïcs mais néanmoins religieux, est typiquement moderne et occidentale. On fait parfois remonter cette mode aux Lumières et à Diderot, pionnier de la critique d'art. En réalité le culte moderne de l'art doit beaucoup à l'Eglise romaine ; sur ce point encore la République perpétue l'Ancien régime.
(Ci-contre statuette béninoise figurant un guerrier-léopard conservée au Musée Chirac du Quai Branly.)
(Fanzine "Men-Only" en lice au concours de fanzines du festival d'Angoulême.)
+ Le 46e Festival de BD d'Angoulême s'est ouvert dans un contexte de bénéfices commerciaux en trompe-l'oeil. En effet la vente de mangas et de quelques vieilles séries usées jusqu'à la corde dope les ventes. "L'Arabe du Futur" de Riad Sattouf est quasiment la seule création originale qui cartonne sans le renfort du matraquage publicitaire.
En réalité la presse spécialisée d'où provient la recette et le succès de la BD franco-belge est à l'agonie. En jouant habilement avec la nostalgie de ses lecteurs, l'hebdomadaire "Spirou" parvenait à jouer les prolongations, mais Florence Mixhel, rédactrice en chef chargée de renouveler la formule, a vite été démise de ses fonctions.
Suivant une direction dont les Etats-Unis offrent l'exemple, la presse écrite est en passe de disparaître au profit des divertissements et médias audio-visuels.
Le fanzine Zébra figure cette année encore parmi une trentaine de titres choisis pour participer au petit concours international organisé en marge du festival officiel.
(Portrait de Cavanna par Philgreff.)
+ La Sorbonne, amphi Richelieu (!) : drôle d'endroit pour honorer la mémoire de François Cavanna, fondateur de "Charlie-Hebo" disparu il y a cinq ans, choisi par une brochette de ses amis (29 janvier).
Si Cavanna nourrissait quelque complexe d'infériorité vis-à-vis de la chose intellectuelle ou universitaire, cela se voyait moins que chez son successeur Philippe Val, d'abord chansonnier pour finir auteur d'essais pompeux.
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Revue de presse BD (174)
Image extraite de la série débile "Pr Moustache", diffusée par "Arte".
+ Comme je le disais la semaine dernière, en matière de féminisme les hommes en font parfois un peu trop. Ainsi, pour voler au secours des auteures de BD opprimées, Yan Lindingre ("Fluide Glacial") a cru opportun de créer le prix "Couilles au cul", destiné à récompenser au prochain festival d'Angoulême une auteure pour son courage. Ce n'est même pas un gag : un sculpteur, Denis Hilt, a été chargé d'exécuter le trophée saugrenu (même pas une sculptrice). Comme c'était à prévoir, la réaction des ligues de vertu féministe à cet hommage a été rien moins qu'unanime.
+ Après pas mal de tergiversations et un "mea culpa" de son directeur F. Bondoux, le FIBD a désigné trois auteurs parmi lesquels sera désigné le gagnant du "grand prix" de la foire internationale : Hermann, Alan Moore et Claire Wendling. Le premier, Hermann, est un auteur actif depuis longtemps et réputé pour son dessin énergique, inspiré des comics américains ; cependant le dessin d'Hermann n'a jamais été mis au service d'un scénario mémorable ; le britannique Alan Moore revendique un propos et une BD destinés aux adultes, mais il ne s'élève guère au-dessus du niveau puéril des comics américains et d'un érotisme racoleur ; quant à Claire Wendling... ce n'est pas vraiment une auteure de BD.
+ La chaîne franco-allemande "Arte" diffuse depuis quelques semaines le "Pr Moustache", un petit dessin-animé de vulgarisation scientifique, dessiné par Marion Montaigne (et lu par François Morel). Ce feuilleton, qui se veut désopilant, est complètement débile ; mais avant de dire pourquoi, disons deux mots des obstacles auxquels se heurte la "vulgarisation scientifique".
L'histoire de la science est négligée dans l'enseignement scolaire ; celui-ci se situe souvent au niveau de la légende dorée - le récit de la pomme de Newton, par exemple, donnée pour cause de l'intuition géniale du savant anglais. De ce point de vue, l'effort de vulgarisation et de démystification paraît donc justifié. Néanmoins les difficultés sont nombreuses : la science actuelle est faite de raisonnements et de démonstrations imbriqués les uns dans les autres, à la manière de poupées russes ou d'un film dont il faudrait comprendre le sens global en n'ayant vu seulement quelques images.
De surcroît la science actuelle est en perpétuel mouvement ; dominante encore il y a une quinzaine d'années, la théorie physique dite "des cordes" est déjà en train de se démoder. De même la théorie du "Big-bang" ne fait plus l'unanimité depuis quelques années - ses nombreuses lacunes ont ouvert de nouvelles voies de recherche. Cette instabilité rend la tâche du vulgarisateur ardue. Ajoutons encore un dernier obstacle - les lois mathématiques sont paradoxales et heurtent le sens commun ; comment expliquer que les lois de la gravitation de s'appliquent pas aux "composants" des particules élémentaires, électrons, protons et neutrons ? La loi de gravitation de Newton elle-même est loin de permettre tous les calculs. Les suiveurs de Newton (le Français d'Alembert) ont dû lui appliquer bon nombre de correctifs complexes.
Toutes ces complications font apparaître la science contemporaine comme un langage d'initiés. L'initiation évoque plutôt la religion, mais on aurait tort de sous-estimer les rapports étroits que la religion et la science entretiennent depuis toujours. D'ailleurs le concept de "science laïque", défendu par certains vulgarisateurs français (C. Allègre) ne pèse pas lourd scientifiquement.
Le feuilleton de Marion Montaigne est débile car il contribue à fait passer la technologie pour la science fondamentale ; le propos de Marion Montaigne est entièrement dépourvu de recul critique ; il présente les dernières données de la science comme sûres, alors que ce ne sont que des hypothèses. Le cas du boson de Higgs est significatif : 4 milliards d'euros ont été dépensés au bas mot afin de construire un accélérateur de particules géant (Large Hadron Collider) ; quelques années après sa mise en service et une panne ayant entraîné un surcoût, le Cern (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) a annoncé la "très forte probabilité" d'avoir découvert ce qu'il cherchait : le fameux boson de Higgs. Une jolie histoire... dont les tenants et aboutissants sont difficile à saisir pour le grand public, voire les instances politiques qui valident l'allocation de crédits.
De plus nous vivons une ère technologique et industrielle aux implications politiques considérables. Ladite "science physique fondamentale" actuelle est-elle si fondamentale que ça, ou un ensemble de démonstrations théoriques brillantes destinées à servir d'alibi à l'industrie ? Compte tenu des milliards brassés et de l'enjeu politique, ne pas se montrer un minimum circonspect, c'est faire preuve d'une grande foi et non d'esprit critique.
Les régimes totalitaires sont des régimes technocratiques, et l'incitation à la méfiance vis-à-vis du jargon scientifique ou intellectuel est le fait de tous les essayistes qui ont étudié la dérive totalitaire de l'Occident : Orwell, Bernanos, Hannah Arendt, Simone Weil, pour n'en citer que quelques-uns. Contre la physique quantique, cette dernière écrivait : "la formule de Planck, faite d'une constante dont on n'imagine pas la provenance et d'un nombre qui ne correspond à aucune probabilité, N'A AUCUN RAPPORT AVEC AUCUNE PENSEE." ; ou encore ceci : "Les quantas d'énergie sont contraires à la raison." ("Réflexions à propos de la théorie des quantas")
+ Le 21 janvier est l'occasion pour de nombreux internautes de célébrer sur les réseaux sociaux la mort de deux despotes : Louis XVI (1793) et Lénine (1924). Curieusement, certains qui regrettent le premier vantent la monarchie comme un obstacle au capitalisme et à la mondialisation ; en réalité, la monarchie française a précédé les Républiques bourgeoises dans la voie du capitalisme. Les historiens qui étudient le capitalisme situent ses débuts au XVIIe siècle, voire au moyen-âge. Le culte de Lénine relève lui aussi de l'idéologie ; le révolutionnaire russe finit par reconnaître son échec (dans des écrits publiés à titre posthume) et compara le régime soviétique à celui de Louis XIV, qui fit accomplir à la France le même progrès technique et politique brutal.
+ Pour la quatrième année consécutive, le fanzine Zébra concourt au prix du fanzine ("BD alternative") d'Angoulême, avec 28 autres petites publications venues du monde entier (Taïwan, Japon, Espagne, Ukraine, Allemagne, Russie, etc.). L'année dernière le fanzine "Dérive urbaine" (Paris) s'était vu décerner le prix, et son rédac-chef Boris Hurtel avait répondu à une petite interview pour présenter "Dérive urbaine".
Couverture du fanzine "Maidan" n°1 dans le style soviétique (concours fanzines du FIBD)
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La semaine de Zombi
Mardi : L'incapacité de Louis XVI et ses ministres à réformer le gouvernement de la France est connue. Il faut se rappeler aussi que ses expéditions coloniales lui ont coûté très cher, grevant son budget dangereusement. La comparaison s'arrête là, puisque ce grand monarque (par la taille), fut un des moins volages (un esprit freudien fera cependant la remarque que la serrurerie, passion de Louis XVI, correspond sans doute à ce qu'on appelle aujourd'hui "sexe virtuel").