+ Aux éditions "Ici-même" (août 2019), Elisa Menini propose quelques contes du folklore japonais, superbement illustrés, dont le raffinement tranche avec la production en série de mangas.
La mort, sous les traits d'une sorcière ou encore de la neige, joue un rôle important dans les contes japonais comme dans toutes les cultures paysannes animistes. On ne peut s'empêcher en feuilletant ces belles pages, soigneusement imprimées, à la vitesse à laquelle le Japon s'est modernisé sous l'influence occidentale, comme s'il n'attendait que ça.
Les démons auxquels le Japon se soumet désormais sont surtout technologiques. La mort n'a plus les traits d'une sorcière mais plutôt d'une centrale nucléaire ou d'une moto de course vrombissante.
La série "Le Goulag" et le personnage d'Eugène Krampon créés par Dimitri pour "Charlie-Mensuel" (1975).
+ Le ministère de la Défense a dévoilé la liste des BD nominées aux "Galons de la BD", prix qui sera décerné au printemps dans le cadre de "L'Année de la bande dessinée" 2020-21 à des BD traitant de sujets militaires. Trente-sept maisons d'édition ont postulé.
La culture a toujours une dimension guerrière ; les événements politiques récents ont montré que la démocratie n'est pas moins guerrière que d'autres cultures et que ce ne sont pas les prétextes "humanistes" qui manquent pour faire la guerre.
Le cinéma idéalise systématiquement la guerre : les combats ressemblent à des opéras de Wagner, les combattants ont presque toujours des motifs nobles et une jolie fiancée qui les attend. Hollywood est passé maître dans l'exaltation de la guerre et la production de films de propagande assez subtils. On sait d'ailleurs le rôle ou l'usage des actrices de cinéma pour redonner le moral aux troupes.
Moins industrielle que le cinéma, la bande dessinée qui sert souvent aussi la propagande de tel ou tel régime, est parfois antimilitariste. On peut citer Jacques Tardi, qui critique le nationalisme de son père dans "Stalag IIB". Certaines BD de Hugo Pratt sont aussi antimilitaristes, qui n'hésitent pas à passer au crible l'héroïsme des soldats et à faire ressortir des motifs moins nobles.
Mais le cas de bédéaste-soldat le plus frappant est sans doute Guy Sajer ; de père français et de mère allemande, Sajer s'engagea à 17 ans dans la Wehrmacht, fit toute la campagne de Russie jusqu'à la défaite allemande, y survécut avant de revenir vivre incognito chez ses parents en Alsace (cf. "Le Soldat oublié").
Par la suite Guy Sajer entama une (longue) carrière d'auteur de BD, sous le pseudonyme de Dimitri ou Mouminoux, travaillant à la fois pour "Hara-Kiri" , "Charlie-Mensuel", "Pilote" et "Spirou", dessinant à la fois pour les adultes et pour les enfants. La guerre est surtout présente dans les BD de Dimitri-Mouminoux à travers la famine, puisqu'au terme de leur guerre fanatique, dans le froid glacial, les soldats allemands ne parvenaient plus à se nourrir décemment.
+ Retiré de la vie politique depuis l'attentat auquel il échappa, le caricaturiste Luz n'a pas cessé de dessiner et de publier des BD. Dernièrement il illustre "Vernon Subutex" (Albin Michel) de la romancière Virginie Despentes, récit de la descente aux enfers d'un disquaire parisien privé d'emploi.
Luz et V. Despentes en repérage pour le besoin de l'adaptation de "Vernon Subutex".
Voici ce qu'en dit le critique de "Télérama" (Stéphane Jarno) : "(...) L'ancien pilier de "Charlie-Hebdo" n'a rien perdu de son mordant coutumier et son dessin tire naturellement vers la caricature et le grotesque. Avec la tentation de donner parfois de donner le coup de pouce à la balance, d'en faire trop, de surligner un texte dense, très présent et déjà explicite. (...) S'il y a des planches éblouissantes, tant dans la construction que l'expressivité, on a souvent l'impression d'assister à une compétition, une empoignade entre les mots et les dessins, comme si, au lieu de faire des quarts, de se répartir les rôles, les auteurs s'étaient disputés la barre."
On connaît la réponse des caricaturistes quand on leur reproche de surligner et "d'en faire trop" ; dans ce cas-là ils répliquent que ce n'est pas la caricature mais l'époque qui a dépassé toutes les bornes de la décence.