Déjà défenseur de la veuve et de l'orphelin, Lucky-Luke l'est aussi des noirs dans "Un Cow-boy dans le coton", par Achdé & Jul.
+ Une pleine page accordée au bédéaste Jul dans "Le Monde - Campus" (17 novembre) pour parler de sa scolarité et de ses études. Fils de profs, Jul est bardé de diplômes mais n'a pas enseigné longtemps, par dégoût, dit-il, des rapports hiérarchiques.
Son passage par l'Ecole alsacienne lui a permis de découvrir que "son racisme antiriches n'était pas entièrement fondé et qu'il y en avait même de sympas." Jul ne va pas jusqu'à préciser s'il est encore plus sympa depuis qu'il est devenu riche.
Tous ces diplômes expliquent peut-être son humour intello., plein de références à une culture assez délimitée socialement. L'humour de Goscinny & Morris dans "Lucky Luke" était plutôt le fruit de l'observation sociale (dégoût des hommes pour le mariage, duplicité des avocats, poltronnerie des élus locaux...) renforcée par la lecture de Mark Twain et d'autres témoins de l'Amérique en construction.
Détournement par Gabriela Manzoni.
+ La dernière grosse production politiquement correcte de Jul & Achdé, "Un Cow-boy dans le coton", fait écho au célèbre roman de Margaret Mitchell qui a la guerre de Sécession et ses prémices pour cadre : "Autant en emporte le Vent" ("Gone with the wind", 1936). Cet ouvrage a récemment été déclaré infâme et raciste par la police de la pensée.
Disons d'emblée que si la police de la pensée avait une quelconque cohérence littéraire, on pourrait procéder devant la bibliothèque nationale de France au plus grand autodafé de tous les temps. Très peu d'auteurs s'accordent en effet parfaitement avec les décrets de la police de la pensée en 2020 ; même chez le très lisse Proust, on trouve des piques contre le fléau de la presse quotidienne et les journalistes (traits empruntés à Balzac et Baudelaire, mais on pourrait au moins inculper Proust pour "recel").
Comme le fait observer George Orwell, le but de la police de la pensée est l'incitation à la haine, de sorte que la culture totalitaire a pour seule fonction de satisfaire le besoin de défoulement.
Bien entendu les planteurs de coton "sudistes" décrits par M. Mitchell sont "paternalistes" puisque les planteurs de coton sudistes se montraient souvent tels. Les industriels nordistes par la suite ont pu se comporter ainsi avec leurs ouvriers, noirs ou blancs, et l'écrire dans un roman ne serait pas infamant pour la classe ouvrière.
De même l'auteure s'est inspirée pour le personnage principal (Scarlett O'Hara) de sa grand-mère féministe. Que ce personnage déplaise à telle ou telle féministe autoproclamée n'est pas un motif de censure valable. Ce portrait traduit bien la réalité du pouvoir croissant des femmes dans la société nord-américaine de plus en plus industrielle.
De plus, contrairement à "Tintin au Congo", "Autant en emporte le Vent" n'est pas un ouvrage de propagande, un plaidoyer "pro domo" pour l'esclavagisme. Le roman ne dissimule pas que la victoire des Etats du Nord sur ceux du Sud est avant tout une victoire économique. Quel historien prétendra le contraire ? Le roman ne cache pas non plus, ce qui est moins net dans la fameuse adaptation cinématographique, la sclérose de la petite aristocratie sudiste dont M. Mitchell était issue.
Encore un mérite de "Autant en emporte le Vent" : on ne devine pas le sexe de son auteur, qui importe peu.