(dessin de Carali)
+ Le n° de juin de "Psikopat", "résistant et satirique" consacre sa Une et la plupart de ses pages à ce qu'il est convenu d'appeler les "tensions sociales" qui agitent la France. Ce mensuel fait preuve d'un cynisme de bon aloi, dans une époque dégoulinante de bons sentiments, largement mis au service d'un maintien de l'ordre arbitraire.
Le "Psikopat" se montre plutôt sceptique sur les chances de freiner la marche en avant du capitalisme, mais suggère qu'il est possible de lutter contre la culture bourgeoise (télévision et gadgets technologiques). La culture fait bien partie de l'arsenal bourgeois. Elle s'avère une arme bien plus efficace que coups de matraques que l'on distribue dans des régimes moins sophistiqués. Pourquoi contraindre quand on a les moyens de subjuguer ?
On remarque par exemple l'habileté des promoteurs de la culture bourgeoise à faire passer pour "populaire" (la culture de masse), ce qui est en réalité populiste et démagogique. La substitution du rire gras à la satire ne doit rien au hasard non plus.
+ Plantu n'est pas un caricaturiste ordinaire, car "Le Monde" où il officie depuis des lustres n'est pas un journal ordinaire.
"Le Monde" incarne le sérieux et la modération politiques aux yeux d'une majorité de Français (d'un certain âge). Avant que les médias audio-visuels ne prennent le dessus sur la presse écrite, les politiciens de premier plan recherchaient l'onction de "Le Monde", comme les rois autrefois guignaient l'onction papale.
C'est sans doute cette "odeur de sainteté" qui a valu à Plantu d'être fréquemment la cible de ses confrères, Cabu en tête, suivant une tradition de la presse satirique française qui ne rechigne pas devant les polémiques et les pamphlets.
Au cours de sa longue et plantureuse carrière, les oreilles du caricaturiste des élites européistes ont souvent dû siffler. Plantu s'est consolé en s'entourant au sein de son association "Cartooning for Peace" de caricaturistes étrangers ; ou en prenant parfois des positions politiquement plus incorrectes que ses détracteurs (défendant le pamphlétaire Dieudonné contre la censure du premier Ministre Valls).
Signe qu'il est proche de la retraite, à 67 ans, Plantu vient de faire don don de ses dessins à la BNF et a recommandé un successeur à sa direction : son confrère au "Monde" Aurel (qui dessine en outre pour "Politis" et "Le Canard Enchaîné"). Aurel est fils de menuisier comme Jésus-Christ, mais contrairement à son illustre prédécesseur, Aurel n'a pas déclaré la guerre au monde.
+ Appel au boycott par un groupuscule indépendantiste breton, Dispac'h, de l'adaptation cinématographique des aventures de "Bécassine" par l'acteur et metteur en scène D. Podalydès. Le statut de Bécassine en Bretagne est en effet comparable à celui de Tintin au Congo.
Cette réaction étonnera sans doute ceux qui ignorent ou sous-estiment la violence de l'intégration de la Bretagne à la République française (on parle bien de violences physiques, et non seulement de soumission culturelle).
On peut s'amuser aussi à comparer le destin de Bécassine et celui de Marine Le Pen, raillée par la bourgeoisie parisienne, mais néanmoins bien utile pour canaliser le mécontentement des chômeurs et des ouvriers.
L'acteur D. Podalydès plaide l'innocence de Bécassine et ses aventures contre l'appel au boycott. De fait, conçue au départ pour faire rire à ses dépends les jeunes lectrices de "La Semaine de Suzette", le personnage de Bécassine a connu une évolution semblable au capitaine Haddock de Hergé, crétin alcoolique de plus en plus attachant au fil des épisodes, pour faire plaisir aux jeunes lecteurs du "Journal de Tintin".
+ Le Festival Fumetti 2018 se tient à la "Maison Fumetti" à Nantes, ancienne manufacture de tabac restaurée et mise à la disposition de graphistes et bédéastes par la municipalité. La "Maison Fumetti" s'est dotée d'un site internet qui permet de consulter l'agenda des expositions et activités.
Les politiciens ont appris depuis longtemps à intégrer l'art et la culture à leur propagande, y compris la contre-culture, en particulier lorsque l'art est assimilable à un spectacle, comme le montre l'essayiste marxiste Guy Debord.
Au programme de la Maison Fumetti ces jours-ci, une exposition autour de la dernière BD d'Olivier Josso, et une exposition autour de l'animatrice Céline Devaux, primée à Cannes en 2016. Extrait ci-dessous de "Le Repas dominical".
LE REPAS DOMINICAL - TRAILER from Céline Devaux on Vimeo.