Extraits de la revue de presse illustrée publiée chaque semaine en intégralité dans l'hebdo Zébra.
+ Depuis 1980, l’affiche des Internationaux de tennis de Roland-Garros est dessinée par un artiste contemporain. L’œuvre du Chinois Du Zhenjun, représentant un joueur au service, a été retenue pour l’édition en cours du tournoi où se presse chaque année le gratin parisien. Pour la première fois un artiste chinois a pu illustrer l’événement. D’après lui, la grande virgule au milieu de la composition est un élément de l’esthétique « zen » (le tournoi de tennis, sur la terre rouge de Roland-Garros, évoque plutôt une corrida-sans taureau).
Chaque année, Cabu proposait dans « Charlie-Hebdo » un ou plusieurs dessins pour illustrer l’événement, dans un goût moins chinois.
+ Victor Hugo, superstar des lettres françaises est décédé un 22 mai, il y a 130 ans (1885). Ses obsèques donnèrent lieu à des manifestations d’une ferveur et ampleur comparables à l’émotion causée par le massacre des caricaturistes de « Charlie-Hebdo ». Rares sont les écrivains ou les poètes qui font autant l’unanimité des Français. En effet, Hugo n’a quasiment pas de détracteur, sauf certain journaliste catholique (son contemporain Louis Veuillot), ainsi que les communistes plus tard, Paul Lafargue et son beau-père K. Marx ; ce dernier reproche à Hugo d’être aussi creux, sur le plan historique, qu’un discours de député.
Le talent de plume de V. Hugo, sa virtuosité s’étendait aussi, aspect moins connu, au dessin. Le site « Gallica » (BNF) permet même à ses admirateurs (dont notre collaborateur Burlingue, auteur de ce portrait), de consulter ses carnets manuscrits. Hugo s’y montre, non seulement paysagiste, mais aussi caricaturiste.
+ Suivant la recommandation de Wikipédia faite à ses rédacteurs, signalons la mort (plutôt que le « décès ») d’Anne Duguël, alias Gudule, qui collabora à « Hara-Kiri », « Charlie-Hebdo » et « L’Echo des Savanes » ; cette écrivaine prolifique donna dans des registres aussi variés que la littérature érotique féministe, la littérature fantastique, policière, pour enfants…
Avec Paul Karali, dit « Carali », elle fonda le fanzine satirique « Psikopat », et eut une famille nombreuse entièrement dévouée à la presse, l’art et/ou la bande-dessinée, formant ainsi l’une des rares dynasties d’auteurs de BD.
Il est probable que les auteurs de BD recommandent désormais à leur progéniture, à l’instar des coureurs cyclistes ou de tous les professionnels exerçant un métier qui requiert une bonne dose de masochisme, de ne « surtout pas se lancer dans la BD ».
+ Dans « Ceci n’est pas qu’un tableau », Bernard Lahire (prof à Normale Sup Lyon), se penche sur la manière dont la cote de « La Fuite en Egypte », célèbre tableau de Poussin, a été fixée par les experts, qui hésitèrent même avant de déclarer cette toile authentique.
Si les querelles d’experts sont fréquentes, leur récit détaillé présente peu d’intérêt ; en revanche, la comparaison entre les œuvres d’art modernes et les anciennes reliques, objets de dévotion, facilite la compréhension du choc des cultures auquel on assiste actuellement. La destruction par l’armée de Daech de vestiges architecturaux en Irak naguère, et peut-être demain en Syrie, a en effet un caractère quasiment blasphématoire du point de vue occidental.
Il est étonnant de constater comment on parvient à oublier les destructions d’œuvres d’art par la République française naissante, l’épisode iconoclaste au nom du culte de la Raison (qui a cédé depuis longtemps devant le culte du hasard et de l’absurdité économique), mais en somme pour un motif analogue à celui des combattants de Daech, consistant à faire table rase d’un passé idéalisé par les classes privilégiées.
« Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage » : la thèse du « choc des cultures » vise à masquer le fait que l’art moderne occidental est susceptible d’entraîner au fanatisme, au même titre que n’importe quelle religion.
Le propos de Bernard Lahire sur l’art, objet de culte, mériterait d’être complété d’un volet sur la valeur religieuse de la science moderne, appliquée ou dite « fondamentale ».
Bien sûr N. Poussin lui-même est étranger à cette propagande et cet usage de l’art comme un moyen de déclencher l’émotion et les passions sociales, mécanisme au cœur de la politique moderne. Dans cette petite vidéo proposée par « L’Obs », Bernard Génies interprète « Pyrame et Thisbé », grande toile de Poussin, dans le sens stoïcien. Il est certain que l’exaltation des émotions, de la passion religieuse ou amoureuse, est caractéristique de la culture bourgeoise et non de Poussin.
+ Nous reproduisons un large extrait des « Souvenirs d’un journaliste » de Clément Vautel (1941), qui dirigea « Le Rire », principal titre de presse humoristique, de la fin du XIXe siècle au milieu du XXe. Ce titre contribua à élever le genre satirique (dessiné) au rang de l’art en publiant les plus grands noms du dessin de presse ; de Steinlein à Bosc, en passant par Forain, Caran d’Ache, etc., pas une « pointure » du dessin satirique n’échappa au « Rire ». Les souvenirs de Vautel sont particulièrement éclairants sur les méthodes éditoriales en vigueur dans cette presse (paiement en « bons de caisse », rapports du rédacteur en chef avec certaines « stars » de la profession...