La Semaine de Suzette Zombi. Mardi : Et si nos physiciens qui s'amusent depuis un siècle à modeler et remodeler l'univers comme on malaxe de la pâte à modeler étaient aussi "compétents" que nos économistes ?
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La Semaine de Suzette Zombi. Mardi : Et si nos physiciens qui s'amusent depuis un siècle à modeler et remodeler l'univers comme on malaxe de la pâte à modeler étaient aussi "compétents" que nos économistes ?
L'édition française de "C'est la Jungle" de Harvey Kurtzman, cofondateur du magazine "Mad", tenu pour le principal organe de la contre-culture américaine, a surtout une valeur documentaire.
Pour deux raisons : d'abord, sorti de son contexte américain, l’humour de Kurtzman perd beaucoup de sa spontanéité ; en France, Gotlib et « Fluide-Glacial » ont largement exploité le filon de la dérision façon H. Kurtzman, en l’adaptant au public français.
D’autre part, la culture de masse n’est pas en France un phénomène de la même ampleur qu’aux Etats-Unis. L’américanisation de la culture française est en cours depuis plus d’un demi-siècle, mais elle s’est heurtée à la résistance d’une partie des élites intellectuelles, pour de plus ou moins bonnes raisons, dont la meilleure est l’hostilité à l’égard de ce qui relève du pur divertissement.
L’humour de Kurtzman fonctionne à plein quand il s’agit de montrer les rouages et brocarder les codes d’une culture qui semble concourir à l’abrutissement du public et mobiliser le citoyen américain contre tout ce qui n’est pas de son goût.
« C’est la Jungle » se compose de plusieurs chapitres, ciblant chacun un genre ou un thème de la culture de masse, tel que le western ou le polar ; le western selon Kurtzman ressemble plus à "Lucky Luke" qu’à John Wayne (bien que Lucky-Luke ne soit pas une simple parodie de western, car Goscinny y a injecté une dose de réalisme).
Kurtzman a travaillé pour la presse : il connaît les recettes et les coulisses du journalisme et lève le voile sur cette cuisine peu avouable dans l’un des chapitres.
L’album est préfacé par Art Spiegelman et précédé d’une vieille interview de Kurtzman par Wolinski, qui décrit un Kurtzman à la retraite, quelque peu amer.
Kurtzman avait largement contribué à développer Mad, dont il était rédacteur en chef, mais en fut évincé à la suite d’un différend avec son propriétaire. Les albums de BD produits par Kurtzman ne rencontrèrent que peu de succès. D’où la conclusion que le public américain est peu réceptif à la contre-culture… à moins que "Hara-Kiri"/"Charlie-Hebdo" n’ait bénéficié en France de circonstances un peu plus favorables, ou encore que son équipe rédactionnelle se soit entêtée un peu plus.
(Ce site publie un large extrait de "C'est la Jungle")
"C'est la Jungle", par Harvey Kurtzman, ed. française Wombat 2017.
par l'Enigmatique LB (à lire aussi dans "Siné-Mensuel")
La Semaine de Suzette Zombi. Mercredi : Le freak, c'est chic !
(22 oct. 1921-29 oct. 1981)
La Semaine de Suzette Zombi. Dimanche.
+ BD-Zoom signale la publication d'un album d'Harvey Kurtzman (1924-1993) (aux éds Wombat), cofondateur de la revue satirique américaine "Mad", qui exerça une certaine influence sur les humoristes français ("Fluide-Glacial", "Pilote"...).
L'auteur de l'article mentionne au passage le lancement par Kurtzman d'un (éphémère) magazine baptisé... "Trump", et financé par le patron de presse pornographique Hugh Hefner ("Play-Boy").
Commentant l'article de Franck Guigue, un lecteur de BD-Zoom fait remarquer la difficulté de traduire l'humour d'Harvey Kurtzman en français.
+ Une récente dépêche AFP mentionnant la hausse des profits des éditeurs de BD au cours de la décennie écoulée a déclenché le mécontentement d'une partie des auteurs, dont le nombre s'est multiplié et les revenus sont, en moyenne, très bas (inférieurs au smic dans plus de 50% des cas).
L'industrialisation de la production est en cause ici ; elle ne date pas d'aujourd'hui et l'on peut s'étonner que ses conséquences suscitent la désapprobation d'une corporation restée globalement muette et passive devant ses causes. Toute la question est de savoir si la production et le marketing finiront par nuire aux éditeurs eux-mêmes.
Quant aux éditeurs et aux auteurs les plus indépendants, ils auraient peut-être plus à gagner qu'à perdre dans la faillite de cette petite industrie du divertissement (faillite ou absorption par l'industrie du divertissement).
On discerne ici également l'arnaque de la reconnaissance par les pouvoirs publics de la BD comme "un art à part entière" (à coup de médailles et de discours creux). Cet argument essentiellement commercial a l'inconvénient d'unifier artificiellement des pratiques parfois aux antipodes. Cette opération de "gentrification" de la BD rappelle l'histoire plus ancienne du droit de la propriété intellectuelle, systématiquement présenté comme une avancée et un progrès pour les auteurs, mais dans lequel les moins naïfs d'entre eux ont souligné un gain pour les éditeurs, principalement.
+ Guillaume Doisy ("Caricatures & Caricature") aborde le problème de la caricature et de l'antisémitisme dans un long article truffé de références portant sur la presse illustrée de la fin du XIXe siècle. L'auteur pose la question de savoir si la caricature fut une figure majeure du discours antisémite ? Son étude est focalisée sur la gazette "La Libre Parole illustrée" du pamphlétaire antisémite Edouard Drumont.
Comme la caricature a servi au cours des derniers siècles à la promotion des idéologies occidentales les plus sinistres et meurtrières (nationalisme, communisme, nazisme, etc.), la question posée par G. Doisy revient à se demander s'il y a un lien spécial entre l'antisémitisme et la caricature. G. Doisy conclut que "S’il ne faut pas minorer l’extrême violence de certaines caricatures diffusées par "La Libre parole illustrée", il faut souligner néanmoins leur rareté."
Précis et bien documenté, l'article entretient néanmoins le préjugé qu'il y a, entre le discours antisémite et le massacre des Juifs au cours de la seconde guerre mondiale, un lien de cause à effet. L'étude historique approfondie de cette période consiste en effet à élucider la ou les causes véritables du conflit ayant entraîné les massacres, par-delà le(s) prétexte(s) invoqué(s) par les élites politiques pour mobiliser les masses.
En se limitant au prétexte, on déduirait que la haine du riche, sur quoi repose largement la démagogie communiste, est la principale cause des massacres perpétrés par le régime soviétique (on passerait ainsi complètement à côté du mobile nationaliste très puissant, sous-jacent au communisme d'Etat...).
Une autre source de confusion consiste à présenter l'antisémitisme comme une sorte de "golem" puissant et unifié, alors même que l'antisémitisme se présente plutôt comme une nébuleuse idéologique, dont certaines tendances se combattent parfois entre elles. On mesure par exemple l'écart entre l'antisémitisme contemporain de l'affaire Dreyfus et l'antisémitisme plus tardif du régime nazi au fait que, du point de vue antidreyfusard, "Juif" et "Allemand" sont quasiment synonymes.
Il est assez évident que l'émergence récente du nationalisme juif a nettement modifié la perspective de l'antisémitisme, mais aussi de ses détracteurs, qui ont tendance à minimiser dangereusement l'importance du mobile nationaliste sous-jacent, auquel l'antisémitisme fournit un argument démagogique supplémentaire, populiste ou moderniste (dans le cas de l'antisémitisme nazi, appuyé sur un darwinisme racial pseudo-scientifique).
En affirmant que "(...) la caricature politique en cette fin de XIXe siècle fait généralement preuve d’une violence extrême, intégrée dans les mentalités collectives", G. Doisy ne fait que répéter le poncif qui assimile l'outrance de la caricature à la violence, poncif véhiculé afin de stigmatiser un genre populaire et incriminer a posteriori le "populisme". Si l'on songe aux manifestations à la fois les plus extrêmes et les plus modernes de la violence, on constate qu'elles sont souvent conçues et élaborées dans des ambiances feutrées, avec beaucoup de précautions de langage. Le "politiquement correct", en traquant la violence des mots, n'a pas effectivement aboli la violence.
(Ci-dessus : portrait d'E. Drumont en "Une" de "La Libre Parole illustrée" en guise d'autopromotion - l'hebdo se vante ici d'avoir épinglé le traître Dreyfus huit ans à l'avance.)