FANZINE ZEBRA BANDE-DESSINEE ET CARICATURE
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Signé Naumasq
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Signé Naumasq
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Plume ou Pinceau ?
That is the question, en matière d'encrage de planches de BD, surtout pour ceux qui aiment travailler
en noir & blanc. La plupart des dessinateurs de presse opte désormais pour des marqueurs plus ou moins épais, voire la tablette graphique, quand la qualité du papier journal ne permet pas vraiment de faire la différence. Mais laissons parler André Franquin, expert en la matière :"Le pinceau est plus difficile. Au début du moins. On travaille avec un outil plus fuyant que la plume. Mais il faut aller au-delà de ce stade pour découvrir les grandes possibilités du pinceau dans le trait. On pourrait penser que le pinceau donne forcément un trait peu précis, lourd. C'est vrai si on utilise les pinceaux du commerce non spécialisé, ceux qu'on achète pour les enfants qui veulent colorier les livres d'images. Il existe de très bons pinceaux dont les soies ont du ressort.
Le pinceau ne donne pas nécessairement un trait mou. Il donne surtout un trait bien délié, souple. Et quand on a passé les premières difficultés, c'est un outil très aisé à manier.
(...) Il faut soigner le pinceau très minutieusement. Si on oublie de l'encre dedans, il va se mettre à faire deux pointes, ce qui est extrêmement énervant. Donc, il faut constamment nettoyer son pinceau, avoir un pot d'eau sur la table, le rincer soigneusement, le sucer même, quitte à bouffer de l'encre de Chine.
(...) Au studio Gillain, j'étais entouré de gens qui dessinaient à la plume, et rien ne m'exaspérait plus que le bruit de la plume grattant le papier !"
A. Franquin (cours complet sur le site du maestro)
- Michel Tamer (conseiller technique Zébra), ajoute le conseil d'utiliser de l'encre de Chine Pélikan "spécial stylos techniques", qui ne contient pas de pigments et permet ainsi d'éviter d'encrasser son pinceau (même si, gustativement, il doit y avoir une différence que les fans de Franquin regretteront).
D'ailleurs il existe de bons feutres-pinceaux rechargeables pour la calligraphie japonaise, dont le maniement s'apprend plus vite que celui du pinceau, et dont le seul inconvénient est d'avoir une pointe moins chargée en encre, ne permettant donc pas d'encrer aussi rapidement.
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La semaine de Zombi
Lundi : Le scénariste Maurice Rosy, pilier de l'âge d'or de "Spirou" est décédé le 23 février. Maintenant que la BD est officiellement reconnue par le ministère de la Culture, les auteurs célèbres de bande-dessinée auront droit à un enterrement en grandes pompes, cercueil porté par quatre employés en costume de Spirou...
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Ouvrier***
(Mémoires sous l’Occupation, vol. 1)
Je reprochais récemment au dernier album de Tardi d’après son père, cet antihéros, le mélange des genres («Moi, René Tardi»). Il n’est pas interdit, comme Louis-Ferdinand Céline, de mêler le drame personnel à la peinture d’histoire, bien au contraire. Mais le drame, Céline l’a vécu, et le péché atroce qu’il a commis, de partir à la guerre la fleur au fusil, et tout ce qui s'ensuit à quoi la légalité n'enlève rien, il s’en accuse d’abord au premier chef ; ça permet à ses meilleurs romans de ne pas verser dans la morale édifiante, voire d’atteindre l’humour humble du cocu qui sait qu’il est cocu et s’en moque autant que possible (Les soldats sont des cocus qui reviennent avec des blessures plus profondes que les blessures d’amour).
Le drame de Tardi Jr est seulement d’avoir eu un père, ancien prisonnier de guerre aigri et radoteur, s’accusant d’un péché bien différent: celui d’avoir connu la défaite.
Céline est d’ailleurs un auteur pleinement populaire, et non populiste. Il n’accuse pas seulement les élites «judéo-maçonniques» et cléricales du péché de la Grande Guerre, mais aussi les prolos et les paysans, les employés de son rang, de se laisser conduire systématiquement au néant par le joueur de flûte –de préférer le bar-PMU à l’histoire.
De populisme on ne trouve pas trace non plus, ou presque pas, dans la BD-témoignage de Bruno Loth d’après son père, et donc pas le «pathos» psychologique sur la relation père-fils. «Mon père avait entre 20 et 25 ans, c’est un témoin direct, et ses souvenirs d’homme ordinaire m’apparaissent aujourd’hui comme une véritable aventure.» C’est assez malin, plutôt que de s’inventer un drame, de tirer de celui, réel, vécu par son père, matière au récit. Mais l’auteur exagère un peu, car ce n’est pas exactement ici un récit d’aventure.
Jacques Loth, illustré par son fils, nous narre les conditions de la collaboration forcée des ouvriers des chantiers navals de Bordeaux, ô combien stratégiques en temps de guerre. La résistance? Bien peu s’y risquent. Jeunes, sans famille, jugés inconséquents par leurs parents le plus souvent. Travail et nécessité de gagner sa croûte, bien que l’Allemagne porte ces valeurs au pinacle, font loi bien au-delà des frontières de ce pays, et notamment parmi les ouvriers qui, pour ainsi dire, n’en connaissent pas d’autres. La résistance est un luxe. On s’étonne de l’ampleur des représailles, après qu'un officier allemand a été abattu. Lorsqu’un de ses potes est fusillé, Jacques est stupéfait, lui qui est si doux, au point que sa fiancée le largue en cinq sec, si gentil qu’il ne ferait pas de mal à un Allemand. Tout l’intérêt de ce témoignage réside dans la douceur du personnage, selon moi, qui promène un regard étonné parmi ses contemporains plus vifs, occupés dans tous les sens du terme, et rend donc un témoignage moins militant ou moins passionné de cet épisode d’Occupation.
Le défaut est, a contrario, d’une vision un peu idyllique du monde ouvrier, lisant des bandes-dessinées et partant jouer aux trappeurs l’été au bord de l’eau (au cours du Front populaire), tels des boy-scouts. Pour un peu on pourrait penser que, «si tous les ouvriers du monde se donnaient la main, ce serait la fête à l’humanité, etc., etc .»… suggestion qui aurait certainement fait ricaner Céline, comme les images d’Epinal stalinienne. On sent peu la dureté de la mécanique, imprimée le plus souvent sur l'ouvrier.
De même on peut supposer que le jeune homme Céline, plutôt agité, s’il avait connu l’Occupation et non joué les héros en 14-18 précédemment, se serait lancé dans quelque coup de résistance saignant, contrairement au héros de la BD. Pourquoi ? Eh bien pour connaître l’aventure, pardi, celle que le destin dicte d’en-haut aux hommes, et contre laquelle ceux qui préfèrent cultiver leur jardin ou astiquer leur moto ne peuvent rien.
Ouvrier, par Bruno Loth, éd. La Boîte à Bulles, 2012.
(par Zombi - leloublan@gmx.fr)
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La semaine de Zombi
Dimanche : Extinction la semaine passée du chanteur Daniel Darc. Le public bourgeois adore ce type de rebelle masochiste. Il le conforte dans l'idée que la rébellion est inutile. Pourquoi Rimbaud arrête soudain d'écrire des vers ? Il a compris qu'il s'était fait baiser.
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Guerre aux Ténèbres !
[Poe, Barbey, Villiers, Allais... Les conteurs du XIXe siècle sont doublement modernes. Pour une bonne et une mauvaise raison. La mauvaise, c'est qu'ils ont fourni au cinéma toute la matière, et la manière de la traiter, coupant l'herbe sous les pieds de nos inventeurs, condamnés à la répétition ; la bonne, c'est qu'ils démontrent que le temps est à double sens, comme le métro. Ils ont fait machine arrière, avant qu'elle ne s'emballe. Dans cette voie ils nous précèdent.]
Les plus que modestes fonctions dans une humble baraque de la Foire aux pains d'épice qu'un implacable sort me contraignit récemment à accepter - et encore bien content, moi - m'initièrent à ce mode de locomotion bien à tort baptisé "Métropolitain", comme si le mot "Métropolitain" venait de deux mots grecs qui signifient "sous terre", ainsi que se l'imagine aisément la tourbe des illettrés.
Fertile en avantages de toutes sortes, rapidité de la course, odeur de créosote excellente aux bronches, exigüité des voitures permettant aux voyageurs d'instructifs contacts avec leurs contemporaines, etc., etc., le Métropolitain, le "Métro" comme disent les gens pressés, ne présente, d'après moi, qu'un seul inconvénient, celui du manque de lumière pendant les neuf dixièmes du trajet.
L'intérieur des voitures est somptueusement éclairé, je n'en disconviens pas, mais dehors ?
Cet admirable tunnel aurait été exécuté par l'ingénieur Taupin lui-même qu'il n'y ferait certainement pas plus noir !
Pour les gens comme vous qui se rendent de la station Concorde à la station St-Florentin, ces courtes ténèbres, parbleu ! ne présentent qu'un faible dommage ; mais, je vous prie, mettez-vous à ma place, pauvre moi, forcé chaque matin d'égrener le chapelet de Neuilly-Place du Trône et chaque soir Place du Trône-Neuilly, réfléchissez à ce que vous prendrez !
Les esprits superficiels avec lesquels je me rencontre journellement au cours de ces sombres voyages ne manquent pas. "La Compagnie, s'indignent-ils, ne gagne-t-elle donc pas assez d'argent pour se permettre d'éclairer d'un bout à l'autre son céramique boudin ?"
Et moi de hausser mes sages épaules. Un tunnel, en effet, un tunnel au sein duquel ruisselleraient des torrents de lumière ne serait jamais et malgré tout qu'un tunnel, un attristant tunnel.
Le tunnel, mes chers amis, et en général tous les souterrains vers la création de quoi nous devons tous, ingénieurs et artistes, tendre nos efforts, c'est le tunnel, ce sont les souterrains aux creux desquels nous sera loisible d'admirer le libre ciel et les alentouresques paysages.
Alors, m'objecterez-vous avec un sourire niais, ce tunnel ne sera plus un tunnel, et rien ne signalera la différence pouvant exister entre ce travail d'art et une simple ligne ferrée sillonnant à l'air libre les plus vertes campagnes ?
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Peu désireux de perdre mon temps à discuter avec vous de telles pauvretés, je vous demanderai simplement si vous savez ce que c'est qu'un panorama ?
Savez-vous, oui, ce que c'est qu'un panorama ? Connaissez-vous le principe du panorama ? Etes-vous au courant des trucs infiniment simples et peu coûteux grâce auxquels, collé sur un mur opaque, un tableau transparent, par derrière éclairé, peut nous fournir l'adorable illusion des éperdus lointains, des ciels de vertige... Songez...
...J'allais continuer, d'une voix d'apôtre, à clamer le bon verbe, quand une jeune femme, plutôt jolie, m'interrompit :
- Et vous, qui faites votre malin, savez-vous quelle différence entre notre époque et celle de Henri IV ?
- ???
- Du temps de Henri IV, on parlait de mettre la poule au pot... De notre époque, on ne parle que de mettre au pot l'itain.
- Mon Dieu ! Mon Dieu !...
Ah ! Nous vivons dans de bien sombres laps !
ALPHONSE ALLAIS
(11 avril 1901) (Illustration Zombi + Robida)