par l'Enigmatique LB
bande-dessinéé - Page 297
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Epidémie de voeux
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Alexandre Jacob***
Journal d'un anarchiste cambrioleur
Qu'ils soient chrétiens, ou au contraire athées, les penseurs anarchistes ont toujours dénoncé le caractère arbitraire de la propriété, suivant la formule lapidaire célèbre : - La propriété, c'est le vol !
Plus qu'une biographie circonstanciée, Vincent et Gaël Henry avec "Alexandre Jacob, Journal d'un anarchiste cambrioleur", paru en 2016 chez Sarbacane, proposent d'aborder le thème de l'anarchie et de ses limites à travers le récit des tribulations d'Alexandre Marius Jacob (1879-1954).
Le Marseillais Alexandre Jacob, en effet, fut un authentique cambrioleur, aussi rusé qu'habile, n'hésitant cependant pas à faire feu sur les représentants de l'ordre public ; certes, Alexandre Jacob mit à profit ses procès pour dénoncer l'exploitation dont les milieux ouvriers étaient victimes ; certes, le butin de ses cambriolages servit à financer des publications anarchistes désintéressées... mais les bourgeois aussi ont leurs "bonnes oeuvres", qui les rachètent à leurs propres yeux et aux yeux du monde.
Le vol est, bien sûr, une première limite de l'anarchie telle qu'Alexandre Jacob l'envisage ; une limite comparable à l'usage du terrorisme : cambriolage et terrorisme justifient en effet les moyens de répression mis en oeuvre par l'Etat bourgeois autant qu'ils servent à le combattre.
Cette limite est facile à cerner ; les origines modestes d'Alexandre Jacob constituent-elles une excuse ? Non, car son goût pour l'aventure, pour l'indépendance, son tempérament audacieux, l'ont probablement poussé dans cette voie, plus que la nécessité. Les origines modestes d'Alexandre expliquent plutôt pourquoi il est devenu un marginal, pourquoi il a fui sa condition, sans pour autant la trahir en s'embourgeoisant. Alexandre Jacob n'était pas né pour être esclave, mais il s'est refusé à faire partie de l'espèce des maîtres, en quoi sa ruse et son audace auraient pu l'aider à se transformer.
- Ce qui oppose l'anarchie au socialisme est peut-être plus difficile à cerner aujourd'hui ?
L'anarchie souligne l'iniquité sociale, la férocité de l'espèce humaine ; en prétendant que l'on peut remédier à cette férocité légalement, le socialisme s'avère un nouvel opium du peuple, succédant ainsi aux religions inclinant à l'optimisme, à la passivité et à la confiance dans l'Etat. Le socialiste revendique son appartenance à l'espèce humaine, tandis que l'anarchiste, lui, est un individualiste.
Comme la propriété demeure, et que les moyens mis en oeuvre pour la protéger de la convoitise de ceux qui ne possèdent rien n'ont jamais été aussi sophistiqués et puissants, l'iniquité, qui est le point de départ de l'anarchie, est toujours aussi forte. Quant à l'utopie socialiste, sa promesse de lendemains qui chantent finit par paraître un mirage à ses paroissiens les plus dévots.
Les auteurs de cette BD (basée principalement sur un ouvrage de Jean-Marc Delpech) soulignent à juste titre que l'anarchie joue un rôle crucial dans les temps modernes, aussi difficile soit-il à cerner précisément. Le socialisme, qui est selon K. Marx la meilleure ruse inventée par la bourgeoisie afin de contenir l'anarchisme - le socialisme est-il une digue solide, à l'épreuve du temps ? On serait tenté de croire, si on examine la presse française, aussi muette aujourd'hui qu'elle fut éloquente au XIXe siècle, que l'anarchie est morte. Mais, a contrario, l'avenir du monde n'a jamais paru aussi incertain.
Alexandre Jacob, Journal d'un anarchiste cambrioleur, par Vincent Henry et Gaël Henry, Eds Sarbacane, 2016.
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Meilleurs Voeux 2017
Le fanzine Zébra vous adresse ses meilleurs voeux présidentiels de bonne année 2017 !
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par l'Enigmatique LB
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La Semaine de Zombi. Vendredi : On a bien du mal à imaginer aujourd'hui, en regardant les sketchs de Mélenchon, que le parti communiste fut autrefois la grande peur des bien-pensants.
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Private Joke
par l'Enigmatique LB
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Revue de presse BD (216)
"Au bar", dessin de J. Mammen, publié dans "Simplicissimus" sous le titre "Décadence éthique" (1930).
+ La "Nouvelle Objectivité" est le nom (hideux) donné à un courant artistique actif dans les années 20 en Allemagne, proche de la caricature et du dessin de presse. Les artistes de cette mouvance veulent renouer avec la réalité, contre la tendance de l'art à l'abstraction, c'est-à-dire à une posture esthétisante ; George Grosz, Max Beckmann, Otto Dix, sont les représentants les plus marquants de la Nouvelle Objectivité. On peut encore citer Conrad Félixmüller, Otto Grübel, Ch. Schad, ou encore Jeanne Mammen... Il est encore temps de célébrer les 40 ans de la disparition de Jeanne Mammen, artiste allemande dont la famille émigra en France alors qu'elle n'avait que cinq ans (dessin ci-dessus).
+ Le secrétaire général de l'Association des critiques de BD (ACBD), Gilles Ratier, propose un bilan chiffré détaillé de la production 2016 de bandes-dessinées. On y apprend que "L'Arabe du Futur/T.3" (éd. Allary), par Riad Sattouf, a été tiré à 230.000 ex. : pas mal pour une BD qui explique benoîtement que les dictatures arabes (Assad, Kadhafi) ont été conçues sur le modèle de la République française...
+ Intitulée "La nostalgie Raylambert", "Le Monde" (23 déc.) a consacré une pleine page à l'illustrateur de manuels scolaires Raylambert (1889-1967), mort il y a près de 50 ans. Yves Frémion ("Papiers-Nickelés") commente quelques images de Raylambert. L'enthousiasme de Frémion est exagéré (Raylambert n'est pas Benjamin Rabier). L'imagerie pieuse républicaine -car il s'agit de cela- est décidément à la mode ces derniers temps !
+ Le petit journal satirique "Fakir", "Journal fâché avec tout le monde ou presque", s'est mis une grosse légume à dos en la personne de Bernard Arnault, président du consortium LVHM. "Fakir" raconte comment B. Arnault a payé un ancien patron des services secrets français, Bernard Squarcini, pour espionner la rédaction de "Fakir". Le film satirique de François Ruffin, rédacteur en chef de "Fakir", "Merci patron", a provoqué l'ire du PDG de LVMH, connu par ailleurs pour ses investissements dans l'art (le moins satirique possible).
Cette histoire rocambolesque (les espions français n'ont pas la réputation d'être des "lumières") apporte de l'eau au moulin des complotistes qui prétendent que la liberté d'expression s'arrête là où le véritable pouvoir commence.
+ Paul Karali, rédacteur en chef du magazine satirique "Psikopat", petit frère de "Fluide-Glacial", publie une BD autobiographique dans laquelle il relate notamment son enfance en Egypte ("Odeur de Brûlé", compilation de planches parues dans "Siné-Hebdo").
Moins ambigu et plus anecdotique que le récit par R. Sattouf de son enfance au Moyen-Orient, Carali relate le parcours d'un immigré qui s'est acclimaté en France au point d'y fonder une petite entreprise spécialisée dans l'humour. A certains égards, le recul de Carali est un atout. Il est moins prisonnier des réflexes et des stéréotypes français, comme le clivage gauche-droite ; son athéisme et son anticléricalisme sont moins militants : il reçut une éducation religieuse chrétienne, mais la désinvolture de son père en face de la religion -père qu'il ne dénigre pas comme R. Sattouf le sien-, l'a rendu lui-même désinvolte.
Gag signé Carali.