par l'Enigmatique LB
2017 - Page 7
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Caricature Jean-Luc Mélenchon
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Revue de presse BD (238)
Illu. de Fanny Michaelis, exposée à la Maison de la culture d'Amiens.
+ Paradoxe : tandis qu'elle est en cours de reconnaissance officielle, la BD traverse une crise économique ; l'effet pervers des recettes technico-commerciales appliquées à la BD commence à se faire sentir. Cette situation évoque celle des étudiants qui sortent de l'université bardés de diplômes, mais ne parviennent cependant pas à trouver un emploi.
Deuxième incohérence : alors qu'il est de bon ton de vanter la BD comme "un art à part entière", simultanément le fait pour un auteur de "sortir des cases", c'est-à-dire de la syntaxe propre à la BD, est présenté comme la panacée par les mêmes thuriféraires.
Ainsi la Maison de la culture d'Amiens propose, du 3 juin au 15 octobre, une expo. intitulée "Hors Cases, le 9e art contemporain", présentant les créations de neuf bédéastes européens (F. Michaelis, L. Debeurme, L. Mattotti, S. Blanquet...)
L'histoire de l'art ou de la littérature montre que l'obsession du style et des questions stylistiques est proche de la mort de l'art. La BD ne serait-elle pas un "art fantôme" ?
+ Le prix de la BD "décloisonnée" (sic) a été remis à la revue "Topo" (destinée aux moins de 20 ans) par les organisateurs du Festival "Lyon-BD" à venir (9 juin). La jeune revue bimestrielle "Topo" (2016) traite des questions d'actualité en BD. Chacun de ses exemplaires se vend entre 8.000 et 10.000 ex.
Son rédacteur en chef Franck Bourgeron dévoile sa stratégie éditoriale : "S’adresser directement aux ados supposerait de passer par les réseaux qu’ils maîtrisent, ce qui n’est pas forcément notre cas. Par défaut, nous visons donc plutôt les prescripteurs, autrement dit leurs parents, avec le risque de faire passer Topo comme un outil pédagogique, donc ennuyeux."
Cette stratégie part d'un préjugé : les sujets sérieux n'intéressent pas les ados ; pourtant, quand on voit le nombre d'adultes qui s'adonnent au jeu ou au calcul politique, il semble qu'il y a là une idée préconçue.
De plus l'industrialisation croissante de la presse, son organisation monopolistique pose un problème qui n'est pas abordé de front par F. Bourgeron : dans quelle mesure une entreprise de presse indépendante n'est pas condamnée par avance par les modalités économiques qui lui sont imposées ?
! La convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (Cnuld) organise un concours international de dessins de presse (date de clôture, le 12 juin) doté de 1000 euros ; thème : "Désertification des terres et climat : l'Europe et le monde face aux ultimes frontières."
+ Dans "Le Journal des Présidents", recueil de caricatures de Cabu paru chez Michel Lafon, Philippe Val s'emploie à redorer l'image de de Gaulle écornée par les dessins de Cabu. Cabu, qui défendit son ami P. Val en raison de ses efforts pour maintenir "Charlie-Hebdo" à flots, aurait-il approuvé une telle réhabilitation ? Celle-ci n'est pas exclusive, puisqu'elle s'étend à N. Sarkozy.
Il n'est pas inutile de rappeler ici les explications du Pr Choron, qui imagina la fameuse "Une" antigaulliste qui valut à "Hara-Kiri" d'être censuré par le ministère de l'Intérieur. Cette "Une" ("Bal tragique à Colombey : 1 mort") n'était pas si antigaulliste, puisqu'il s'agissait avant tout de souligner la flagornerie des principaux éditorialistes de la presse française et la servilité de leur office. En effet, le décès dans sa retraite de Colombey-les-deux-Eglises de l'ex-chef de l'Etat constituait un non-événement.
La rupture entre le "Charlie-Hebdo" du Pr Choron et Cavanna et celui de Val et Cabu n'est donc pas tant au sujet du culte rendu à la figure paternaliste de de Gaulle qu'à propos de la presse française, méprisée par le Pr Choron et Cavanna, tandis que P. Val aspirait au contraire à la reconnaissance de ses pairs journalistes.
+ Les bibliophiles parisiens connaissent bien le square Georges Brassens à Paris (M°Vanves/Convention), où se tient un marché du livre ancien et d'occasion, suppléant les faibles stocks des libraires qui travaillent désormais à "flux tendu".
Waner, qui publie des dessins dans "Zébra" et "Siné-Mensuel", y vendra ses originaux en compagnie de quelques confrères (Pakman, Lardon...) les 17 et 18 juin prochains.
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Revue de presse BD (237)
Une des nombreuses têtes de Balzac exécutées par Rodin, à la recherche de l'expression du grand romancier réaliste.
+ L'acteur Vincent Lindon a coproduit un film qui retrace une partie de la vie de Rodin, dans lequel il joue le rôle du sculpteur. Le scénario est focalisé sur la statue de Balzac, qui joue un rôle important dans la carrière de Rodin ; en effet cette statue en pied, qui ressemble à une caricature de Daumier, ne fut pas du goût de la Société des gens de lettres qui l'avait commandée (et qui réclama même son remboursement), ni du public qui se moqua du sculpteur et cette oeuvre originale. En revanche Rodin était satisfait du résultat et de ses efforts pour saisir l'expression du modèle d'après des documents et des témoignages.
- On s'est beaucoup moqué de lui. Mais on s'accorde à dire aujourd'hui que c'est le point de départ de la sculpture moderne. Avant Rodin, les écrivains étaient systématiquement sculptés dans un fauteuil avec une plume et un encrier dans les mains... Et voilà son Balzac représenté nu, sans aucun de ces attributs.
V. Lindon oublie le Voltaire nu de Pigalle (1714-1785), meilleur portraitiste que Rodin au demeurant, qui fit scandale auparavant. D'ailleurs, après avoir représenté Balzac nu, la bedaine en avant, Rodin le recouvrit de la grande robe dans laquelle Balzac aimait s'envelopper pour écrire selon le témoignage de son ami Th. Gautier.
+ Dans son édition de la semaine dernière (17 mai), le "Canard Enchaîné" (Frédéric Pagès) révèle que le président sortant François Hollande a reçu, comme cadeau de départ, remis par J.-C. Cambadélis au nom du Parti socialiste, une toile de la jeune artiste avignonnaise Catherine Duchêne, intitulé "La bonne étoile". F. Mitterrand était reparti, au terme d'un règne beaucoup plus long, avec une Renault Twingo. L'hebdo se montre ironique avec la jeune artiste qui a peint la toile ; mais, après tout, le PS n'est-il pas le parti de la culture ?
+ S'ils jugent le cadeau du PS à François Hollande insuffisant, les journalistes du "Canard" peuvent toujours se cotiser pour lui offrir le dernier album des meilleurs dessins de Cabu ("Le Journal des Présidents"), dont François Forcadell dit ici tout le bien qu'il pense.
Après avoir souligné l'étendue du talent de Cabu, non seulement caricaturiste mais aussi "paysagiste" ("Revoir Paris") et auteur [inégalé] de reportages satiriques, F. Forcadell émet le voeu que Cabu rejoigne Daumier au Panthéon des caricaturistes. H. Daumier se distinguait aussi par une palette étendue, plus étendue encore que celle de Cabu puisqu'il pratiquait aussi la sculpture et la peinture, en plus des arts maîtrisés par Cabu.
L'histoire de l'art, souvent élitiste et méprisante vis-à-vis de l'art populaire, a fini par reconnaître l'influence de Daumier sur l'art moderne du XXe siècle. Le rayonnement de Cabu sur les arts voisins n'est pas équivalent, loin s'en faut.
On peut craindre par ailleurs que Cabu ne soit transformé en martyr de la cause républicaine laïque (chauvinisme déguisé en humanisme), bien qu'il n'a pas ménagé tout au long de sa carrière ces trois piliers de la République que sont l'Education nationale, la police et l'armée. Ce ne serait pas le premier cas de dessinateur pacifiste réquisitionné pour le compte de la guerre des idées.
Le légendaire café "Procope", Voltaire et Guillotin vus par Cabu (In : "Tout Cabu").
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Revue de presse BD (236)
+ "Libération" a interrogé quelques caricaturistes sur la façon de caricaturer le nouveau président Macron... sauf que trois d'entre eux -Mathieu Sapin, Johan Sfar et Terreur graphique- sont des spécialistes de la BD et non des caricaturistes à part entière. J. Sfar admet son incompétence, mais elle ne l'a pas empêché de s'immiscer dernièrement dans la campagne des "Insoumis" de J.-L. Mélenchon, pour ce qui ressemblait à une tentative de sabotage.
A noter que nos caricaturistes "maison" ont décelé très tôt le potentiel comique et érotique d'E. Macron, alors qu'il n'avait pas encore séduit complètement les banquiers et le peuple de France. La caricature ci-dessus est signée du caricaturiste Mykolas, d'origine lituanienne.
+ Riss, directeur et copropriétaire de "Charlie-Hebdo" a signé consécutivement deux Unes (10 et 17 mai) brocardant le nouveau président de la République E. Macron ; sans doute pour faire oublier qu'il a appelé à voter Macron au second tour de la présidentielle ? L'implication d'un hebdo satirique dans le jeu politique ne va pas de soi et ressemble en l'occurrence à du panurgisme. Cet engagement contribue-t-il à endiguer la montée du FN ? Rien n'est moins sûr. Le plus probable, c'est que l'engagement politique de "Charlie-Hebdo" l'a conduit auparavant à la faillite.
La "Une" montrant Brigitte Macron enceinte a fait débat, certains la jugeant misogyne ou obscène. L'ex-leader écologiste Daniel Cohn-Bendit a consacré son billet d'humeur sur "Europe 1" à absoudre Riss. Cette défense occulte que le double jeu de "Charlie-Hebdo", à cheval entre la satire et l'implication politique, l'expose à ce type de polémique.
+ Lundi dernier, la radio & télévision suisse (RTS) rediffusait une interview de l'humoriste originaire du Valais suisse, Mix & Remix, emporté par la maladie en décembre 2016, à l'occasion de la publication aux "Cahiers dessinés" d'un album de ses derniers dessins ; confrère (V. Kucholl) et éditeur (F. Pajak) rendent aussi un hommage (dithyrambique) à ce dessinateur modeste, comparant son talent à celui de Chaval (?) voire Daumier (??) ; mais le minimalisme de Mix & Remix fait la part belle aux dialogues, tandis que l'impact de Chaval est bien visuel ; Mix & Remix peut faire rire un aveugle.
F. Pajak souhaite que les dessins de Mix & Remix soient accrochés dans un musée, ce qui serait à entendre cet éditeur une consécration ultime, comme si les musées ne recelaient que des chefs-d'oeuvre et non une proportion de croûtes au moins équivalente.
+ La revue de bande-dessinée "Aaaarg", après plusieurs tentatives pour s'adapter à la rigueur des circuits de distribution de la presse (très coûteux et "verrouillés"), a mis définitivement la clef sous la porte.
En abordant le sujet de la culture de masse, à l'instar de "Fluide-Glacial", "Aaaarg" abordait un sujet primordial, bien plus que le terrorisme, le féminisme, Donald Trump, et tous les thèmes repris en boucle par les "mass-médias", en réalité secondaires au regard de la censure par le divertissement ; cette vieille ruse des empereurs romains est devenue, au stade de la mondialisation, un outil politique dont les dirigeants des nations ne peuvent plus se passer, bien qu'il soit aussi dangereux que la bombe A.
+ L'Institut du monde arabe propose actuellement une exposition, "The Enemy", de Karim Ben Khelifa, pour explorer sur le mode ludique le phénomène de la violence. L'exposition-jeu met aux prises des "combattants virtuels" sur des terrains exotiques : Salvador, Congo...
La méthode de cette exposition pose plusieurs questions : - pourquoi ne pas situer le combat au coeur d'une violence que les Occidentaux connaissent bien, à savoir le terrain de la concurrence économique ultra-violente qui sévit sous nos latitudes, concurrence meurtrière à des degrés divers, y compris celui de la violence pure ? L'intérêt de la violence capitaliste est qu'elle trouve sa justification dans l'argumentaire le plus sophistiqué, à savoir le fameux "Arbeit macht frei" nazi, tacitement adopté par les régimes communiste et démocrate-chrétien/libéral (cf. ladite "doctrine sociale de l'Eglise").
De la violence physique banale du soudard, on sait déjà tout ce qu'il faut savoir depuis Homère.
- Deuxième remarque : pourquoi une exposition "ludique", alors même que le jeu est le procédé le plus courant d'entraînement à la violence ? Citons l'exemple du football, des jeux olympiques, mais aussi l'exemple des paris boursiers, et enfin l'exemple du "jeu de l'amour et du hasard".
La manière la plus sournoise de ne pas lutter contre la violence est de lui opposer la culture.
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Caricature F. Hollande
dessin par WANER
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Caricature Eurovision
par l'Enigmatique LB
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Caricature Président Macron
par l'Enigmatique LB (à lire aussi dans "Siné-Mensuel")