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KRITIK - Page 39

  • Somm au Chat noir

    Y a-t-il un lien entre les humoristes du "Chat noir" et les auteurs de BD plus récents ? Il y en a plusieurs, aussi bien sur la forme que sur le fond. Je citais l'exemple, dans une précédente note, de l'influence du style de Caran d'Ache sur l'illustrateur Gus Bofa, ainsi que sur Maurice de Bevère, alias Morris, père de Lucky Luke. Il ne manque aux personnages de Caran d'Ache que la manière de s'exprimer dans des bulles.

    De même le dessin d'humour n'entre dans aucune nomenclature officielle, et déroute le législateur, qui voudrait tous les arts au garde-à-vous en rang d'oignon, bien définis, comme les corps de métier. Ainsi de la bande-dessinée, qui mêle aussi le dessin et le texte.

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    François Clément Sommier, alias Henry Somm (1844-1907) est aussi peintre de formation, comme Willette. Il a exposé avec les impressionnistes. Mais Somm sait mieux adapter son style au format de la presse et de la caricature, se montrant en noir et blanc bien plus expressionniste.

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  • Au Chat noir

    Je m'en voudrais de ne pas signaler, au musée de Montmartre actuellement, une expo. dédiée au "Chat noir", célèbre cabaret parisien (doublé d'un journal satirique), fondé par le peintre Rodolphe Salis (1881). Le cabaret draina jusqu'à la Butte tout ce que le Quartier latin comptait alors d'artistes ou d'anarchistes, anciens membres du club des "Hydropathes" ou des "Hirsutes".

    Je m'en voudrais, à cause de l'admiration sans bornes que j'ai pour Alphonse Allais (que je situe au-dessus de ce que tout le XXe siècle a donné ensuite comme poètes ou philosophes, même L.-F. Céline ; je dispose de quelques arguments solides, mais pas assez de place pour les étaler ici...)

    D'ailleurs l'influence du "Chat noir" sur l'art français est, aussi, largement sous-estimée. Pourtant, la rupture de Céline avec le style académique a été préparée par les auteurs de ce cabaret ; la rupture de Picasso lui doit plus encore. Ce qui a nui à la réputation publique de la clique de Salis et Allais n'est autre que leur modeste fantaisie ; le surréalisme d'Alphonse Allais ne se prend pas au sérieux : il est donc inutilisable par les instituteurs ou les conservateurs (de musée), qui réclament l'onction.

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    - Adolphe Willette (1857-1926), présenté aujourd'hui, avant d'aborder Henry Somm et Caran d'Ache une autre fois, est un peintre converti à la caricature de moeurs/politique. Willette ne révolutionne pas le dessin, comme on peut le constater, contrairement à Daumier auparavant. Willette se contente d'en perpétuer l'humour. Celui-ci va de la plus légère gaudriole aux sujets les plus graves, voire tragiques ; et il n'épargne aucun milieu, même si le bourgeois constitue une cible de choix. Cette palette, la plus large, est une des marques de fabrique du "Chat Noir".

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  • Les 12 Travaux d'Hercule

    Aux amateurs de fables mythologiques comme moi, je conseille cet album souple illustré par Pascal Leforestier dans le style de Marc Chagall (une illustration pour chaque travail, éd. "Recoins et Cie").

    L'éditeur nous avertit que ces dessins ont été exécutés dans le cadre d'une association (La Passerelle - Cherbourg) dévouée aux adultes déficients intellectuels. On comprend qu'il s'agit-là d'une nomenclature : quel adulte peut prétendre n'accuser aucun "déficit intellectuel" ?

    Apparemment, le choix du thème s'est fait au hasard ; à la suite d'une livraison de papier peint, et de la notice d'un dictionnaire de l'Antiquité (ci-dessous : le Jardin des Hespérides).

    A propos, en parlant d'intelligence et d'art, la simplicité des récits mythologiques -grec en l'occurence-, ou biblique en ce qui concerne Chagall, fait dire à certains qu'ils sont forcément surnaturels, tant le génie humain, son intelligence, paraissent au contraire complexes ; ne dit-on pas, par exemple, que les enfants ont plus de génie ou de spontanéité que les adultes ?

    Bon, faites simple et on en reparle...

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    Les pommes d'or des Hespérides ("filles de la nuit"). Il s'agissait des pommes données par Gaia à Héra comme cadeau de noces, et conservées dans un jardin aux confins du monde. Héraclès, qui était chargé de rapporter les pommes, eut beaucoup de mal à trouver son chemin et obligea Nérée à lui indiquer la direction du jardin. Après avoir tué Ladon, le dragon qui le gardait, il emporta les pommes. Selon une autre version, il incita Atlas à aller chercher les pommes et soutint le ciel à sa place pendant qu'il s'exécutait.

    (Dico. de l'Antiquité R. Laffont, coll. Bouquins)

  • Expo. Albert Dürer

    Caricature d'Albrecht Dürer par Zombi.

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    Si la mode de la peinture "musicale" des XIXe et XXe siècles a quelque peu contribué à reléguer Albrecht Dürer, l'admiration des collectionneurs ou des amateurs de dessin pour l'artiste franconien ne s'est jamais démentie.

    Outre sa célèbre interprétation de l'apocalypse, défiant l'Eglise romaine comme celle de Lucas Cranach (bien qu'A.D. ne jugea pas opportun de se convertir au luthéranisme), Dürer a donné des portraits dessinés d'une vivacité extraordinaire, profitant de la souplesse du dessin par comparaison avec des techniques plus sophistiquées.

    L'Ecole des Beaux-Arts de Paris, détentrice d'une importante collection de dessins et gravures, expose jusqu'au 13 janvier 2013 une centaine de dessins autour du maître allemand (du XVe au XVIIe s.), ainsi que des ouvrages illustrés. Larges extraits du catalogue de l'expo. ci-dessous :

     
  • En route pour le Goncourt***

     

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    Cette petite BD sarcastique publiée par les éditions Cornélius, bien que d’un humour inégal, contribue à la tradition bien française (ou britannique) qui consiste à tourner en dérision les écrivains, les philosophes ou les littérateurs en général.

    Devenu "professionnel" désormais, l’écrivain est une cible d’autant plus facile pour l’humoriste. En effet ce ne sont pas les moins prudents des écrivains qui prétendent se limiter au divertissement, car le métier d’écrivain "sérieux" est parmi les plus excentriques. On trouvera une raison sociale à la prostitution plus facilement qu’à la littérature professionnelle.

    Les strips de J.-F. Kierzkowski et Mathieu Ephrem mettent en scène un quidam (comme vous et moi) qui veut devenir écrivain, et vise conséquemment le prix Goncourt, et exploitent tous les ressorts comiques d’une telle vocation. Cette BD m’a fait penser à un petit traité tout aussi humoristique de Fernand Divoire, un manuel de stratégie littéraire (réédité par les Mille-et-une-Nuits) qui fournit tous les conseils utiles sur les moyens de parvenir en littérature : comment paraître original ; comment éliminer la concurrence ; comment amadouer les critiques littéraires professionnels, etc., fournis par un fin connaisseur des milieux littéraires parisiens.

    Kierzkowski et Ephrem ont adapté leurs plaisanteries au nouveau média internet, qui permet démocratiquement à chaque Français de nourrir les ambitions littéraires réservées autrefois aux seuls bohêmes parisiens. Les moyens sont là, il ne manque plus que la formule magique...

     

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    Ed. Cornélius, 2011.

  • Thoreau ou la vie sublime***

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    (Gravure d'après un bas-relief de Walton Riketson - critique BD à paraître dans Zébra n°4 - octobre 2012)

    Henry David Thoreau (prononcer « soro ») est un précurseur des hippies, à la veille de la guerre de sécession des Etats-Unis. Injustement méconnu au profit de moralistes parfois tout à fait creux.

    L’esclavagisme fonde le dégoût de la société et de la politique de cet anarchiste qui trouva refuge dans la forêt (mais s’abstînt en raison de son pacifisme de lutter physiquement contre l’esclavage). Comme il n’y a pas d’esclavage sans argent, ni d’argent sans esclavage, celui-là révulsait Thoreau autant que celui-ci, et il l’a exprimé dans de nombreux aphorismes : « Si je n’avais qu’à lever le petit doigt pour posséder toutes les richesses du monde, je trouverais encore que c’est trop cher payé. » Thoreau considère l’argent comme la peste ou le choléra, un agent infectieux qui finit nécessairement par avoir raison du corps social.

    (Un autre anarchiste, Marx, aurait répliqué qu’il n’y a rien de plus naturel que l’argent, ou bien encore que la violence est dans la nature, à l’état pur ; où Thoreau voit une solution ou bien une parade à la corruption sociale (dans la nature vierge), Marx voit plutôt la cause du problème.

    *

    Pas facile d’adapter en bande-dessinée la vie d’un tel type, qui a fait l’effort toute sa vie pour penser autrement, au lieu de chercher à conquérir quelque partie du monde.

    La biographie de M. Leroy et A. Dan fait penser à ces vies de saints catholiques illustrées ou en BD, produites en grand nombre dans les années 50-60, dans le but d’édifier la jeunesse, genre auquel le Belge Jijé prêta son savoir-faire, lui évitant de rester entièrement au niveau de l’imagerie d’Epinal ou « sulpicienne ».

    Saint laïc, Thoreau ? La BD nous apprend qu’il n’était pas tant fâché avec dieu qu’avec la façon dont les hommes en parlent, au point d’en faire souvent une arme de destruction massive… comme l’argent.

    Maximilien Leroy n’a sans doute pas le talent de Jijé, et il est trop jeune pour ça, mais l’absence de virtuosité s’accorde bien avec le sujet choisi, puisque Thoreau est tout sauf élégant.

    « Thoreau » ou « La Vie sublime », par A. Dan et M. Leroy, 2012, éd. Le Lombard, 20 euros.

  • Chroniques de Jérusalem**

    Je sais, je suis pas mal en retard pour parler de cette BD de Guy Delisle. J'avais trois bonnes raisons de ne pas le faire avant : d'abord j'ai lu la précédente chronique sur la Corée du Nord il y a quelques années, et elle m'avait rasé ; ensuite, "Chroniques de Jérusalem" est un volume assez épais ; tertio, je devais d'abord me débarrasser de l'agent du Mossad qui me collait au train.fanzine,bd,zébra,critique,bd,guy delisle,chroniques de jerusalem,delcourt

    Blague à part, le fait que cet album continue de caracoler en tête des ventes d'albums a fini par me décider. Je ne ferai pas de commentaire sur le dessin de Delisle ; sur un sujet aussi grave que Jérusalem et les territoires occupés/pas occupés, ce serait inutile, comme de reprocher à un reporter qui filme des bombardements de ne pas faire de beaux travellings ou des ralentis bouleversants.

    Maintenant, essayons de nous situer dans le "no man's land" de la critique, dernier territoire sans drapeau, de ne pas faire de commentaire qui paraisse trop "pro" (ni pro-palestinien, ni pro-israélien). Il est évident que ce bouquin devait provoquer des réactions d'hostilité parmi les sympathisants de la cause israélienne, et son auteur devait bien s'en douter.

    G. Delisle suit sa femme en mission humanitaire en Israël, et garde leurs enfants pendant que sa femme va au turbin. Ce statut de conjoint d'une employée d'une ONG (dont G. Delisle montre qu'il lui a causé pas mal de problèmes lors de ses déplacements en avion pour se rendre à des congrès de BD, rendant la police des frontières plus méfiante que nature), entame quelque peu la crédibilité du reportage. Dans les pays sur le pied de guerre ou carrément en guerre, et pas seulement en Israël, les ONG sont souvent regardées comme des officines de renseignement ou de propagande occidentales, à l'instar des grandes chaînes de télé étrangères. Dans la vie, bien sûr G. Delisle fait ce qu'il veut, mais en tant que lecteur ça me gêne qu'il voyage dans les valises de sa femme. Est-ce que ce fait ne provoque pas automatiquement des réactions d'irritation de certains Juifs nationalistes ?

    Le mieux serait qu'un auteur de BD israélien vienne faire une chronique de la France pour constater, par exemple, s'il n'y aurait pas aussi un mur périphérique, entre le Paris "bobo" et la banlieue parisienne ? Dans quelle mesure les Français sont prêts à partager leur territoire ?

    J'aime mieux, dans ces "Chroniques de Jérusalem", l'idée rendue par G. Delisle d'un téléscopage dans Jérusalem des principales religions du monde, en même temps que ça semble le lieu le moins spirituel du monde, d'où dieu serait complètement absent. Cette idée a surtout de quoi offusquer dieu, et comme G. Delisle, bien que baptisé dans la religion catholique, est incroyant, eh bien personne ne se sent visé...

    Cette BD vient aussi renforcer une impression assez désagréable, et c'est sa principale qualité à mes yeux : l'impression que, plus on est informé, moins en sait sur ce qui se passe au-delà de nos frontières. Rien ne remplace l'expérience, ce n'est pas nouveau, mais ce qui l'est plus, c'est de trimballer avec soi, en plus de ses bagages, des tas de préjugés ou de clichés. "Chroniques de Jérusalem" envoie un message similaire à celui de "Passage afghan", de l'Américain Ted Rall, exprimé de façon plus brutale par celui-ci, à savoir que l'opinion publique occidentale est maintenue dans l'ignorance des événements tragiques qui se déroulent aux quatre coins du monde.

    Z.