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Le dernier fanzine Zébra BD & Caricature vient tout juste de paraître ! Avec des caricatures de l'Enigmatique LB, Waner, Zombi, un strip de Lola, et une revue de presse illustrée.
Pour s'abonner (25 euros/an-10 n° franco de port), écrire à zebralefanzine@gmail.com
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(Dessin de "Une" par Zombi)
dessin par WANER
+ Le dispositif légal que certaines féministes et la ministre de l'Egalité entre les sexes souhaitent mettre en place pour encadrer les rapports de séduction entre hommes et femmes existe déjà aux Etats-Unis. C'est le thème d'une BD de Riad Sattouf (2005), "No Sex in New York" (reportage-BD commandé par "Libération").
Sur le mode humoristique, Riad Sattouf décrit l'organisation des rapports amoureux à New York, capitale culturelle des Etats-Unis : les nouvelles règles du "flirt" sont décalquées sur celles de l'entretien d'embauche professionnel; la jeune femme joue le rôle de la recruteuse et le jeune homme celui du candidat. Les sites internet de rencontre, qui ont fait de l'amour un business juteux et proposent aux cadres surchargés de travail de rationaliser le "flirt", ressemblent en effet aux sites des "chasseurs de tête".
On constate que les lois en matière d'amour reflètent les lois économiques : la natalité fut encouragée dans les périodes d'expansion industrielle, puis découragée au cours de la désindustrialisation ; la procréation représente dorénavant un enjeu sentimental.
+ Le bédéaste Blutch dévoile à la galerie Barbier & Mathon (Paris 9e-jusqu'au 9 déc.) quelques planches réinterprétant tel ou tel passage de BD lues pendant son enfance (ci-dessus : Adèle Blanc-sec vue par Blutch).
On peut regretter que Blutch se soit contenté de réinterprétations et n'ait pas proposé des pastiches, genre manié parfois avec brio par les critiques littéraires. Ainsi Paul Reboux (opérant le plus souvent en duo avec Charles Müller) dévoilait dans ce pastiche de la Comtesse de Ségur la connotation sado-masochiste de ses histoires destinées aux petites filles (on comprend mieux leur phénoménal succès).
+ En cours de financement participatif, un nouveau magazine entièrement dédié au dessin et aux dessinateurs devrait voir le jour bientôt. Frédéric Bosser (magazine "dBD") en sera le rédacteur en chef.
Il reste que la notion de dessin est parmi les plus vagues depuis que les images photographiques et cinématographiques sont omniprésentes et que la nature n'est plus la source d'inspiration principale. Il y a des dessinateurs de BD qui ne sont pas dessinateurs du tout. Il est indispensable d'être un bon conteur pour devenir auteur de BD, tandis que l'on peut se contenter d'être un médiocre dessinateur.
+ La mode est au carnet de voyage et Clermont-Ferrand accueillera prochainement (17-19 nov.) un festival dédié à cette nouvelle forme de poésie, mêlant le récit ou description et le dessin ou la photographie.
Ci-dessous, extrait du carnet de voyage de Lorraine Martin (alias Marthe) "Road-Trip en Belgique" : "Certains font la route 66, moi j'aurais fait la N40 dans les Ardennes belges..."
par M.-F. Ochsenbein
par l'Enigmatique LB
- Nous sommes au XXIe siècle, Pétain. L'ambiance en France est... étrange. On dit beaucoup de bêtises sur l'histoire de France. On l'instrumentalise dangereusement. Alors voilà: nous nous sommes dit que vous alliez remettre un peu d'ordre là-dedans.
Cette tirade, placée ici dans la bouche de l'historien Jules Michelet, donne le ton de la BD de Sylvain Venayre et Etienne Davodeau, "La Balade nationale". Une fois passé l'amusement de voir Jeanne d'Arc faire du covoiturage avec Molière, Marie Curie, le général Dumas, Pétain et Michelet, on se lasse du procédé imaginé par le scénariste pour ressusciter le goût de l'Histoire de France, tout en la dépoussiérant des vieux clichés.
"Instrumentalisation" : le mot est lâché- il résume tout. L'instrumentalisation de l'Histoire aurait pu être le sujet de cette fable. Hélas les auteurs se contentent de remplacer de vieux clichés par de nouveaux stéréotypes, l'image d'Epinal par l'image d'Epinal animée. L'image d'Epinal était grossière, naïve, on l'apprenait par coeur - elle servait de support à une sorte de catéchisme laïc ; l'image d'Epinal animée sautille, va dans un sens, puis dans le sens contraire, elle distrait pendant un moment, s'efface vite.
"Le Monde" (F. Potet) parle d'une "BD de qualité" : en réalité "La Balade nationale" est caractéristique du genre de gadget pédagogique qui est en train de transformer inexorablement l'Education nationale en gigantesque cour de récréation.
L'historien Jules Michelet -pape des historiens français- est convoqué à cause de sa gloire pour servir de caution. S. Venayre, dans la postface, explique que certaines positions de Michelet sont aujourd'hui démodées (trop nationalistes).
Avec la représentation de Pétain comme un encombrant cadavre, trimbalé dans un cercueil, les auteurs passent à côté de l'immense service rendu par Pétain à la France en amassant sur sa tête tout l'opprobre et la honte dus à la capitulation devant l'Allemagne et la déportation des Juifs. Encore un cas d'instrumentalisation, quasi-religieuse cette fois. La République a fait un petit tour au confessionnal et elle en est ressortie presque vierge. Idem pour la colonisation : quelques "mea culpa" publics ne mangent pas de pain et font l'effet d'une thérapie de groupe.
Ce qui rend l'enseignement de l'Histoire pratiquement impossible désormais, en même temps que le besoin d'un substitut à l'instruction religieuse se fait de plus en plus sentir, c'est l'instrumentalisation de l'Histoire à des fins politiques. Chaque parti réclame sa version du roman national, rebaptisé "récit national" pour faire sérieux.
L'impact de la politique sur l'enseignement de l'Histoire, au point que sa vocation scientifique s'est volatilisée, de très nombreux exemples l'illustrent. Un des plus significatifs et des plus récents est l'effet de la politique dite de "construction européenne", menée par les élites politiques à grand renfort d'encarts publicitaires jusqu'à la crise capitaliste mondiale de 2008. Cette manoeuvre politique d'envergure a complètement modifié la perspective de l'enseignement de l'Histoire de France. Il convient désormais que cet enseignement contienne la démonstration que le projet européen est un projet pacifiste, aussi peu scientifique soit cette démonstration. Cette politique imposait de combler le fossé culturel entre la France et l'Allemagne, vieil "ennemi historique".
La mode actuelle du débat autour de l'Histoire de France, plus propice à l'organisation de "talk-shows" télévisés qu'à fonder un enseignement, tient à la crise économique, phénomène déclencheur principal du repli identitaire et du scepticisme à l'égard du projet européen.
On sent la volonté de "La Balade nationale" de ménager une sorte de consensus mou, assez éloigné du caractère des différents personnages embarqués dans une fourgonnette... "Trafic Renault" (tout un symbole). L'Histoire, comme la satire, exige l'indépendance.
La Balade nationale, par E. Davodeau & S. Venayre, éd. La Découverte/La Revue dessinée, 2017.