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molly crabapple

  • Revue de presse BD (74)

    Spéciale "Sexe et Bande-dessinée"

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    Autoportrait de R. Crumb et sa femme Aline Kominsky-Crumb

    + Défense de rire, l'Equipe interdisciplinaire de recherche sur l'image satirique (Eiris) prépare une conférence sur la guerre des sexes, ou celle des genres, dans la caricature. Mais si la satire prenait le parti des hommes, ou celui des femmes, elle ne serait pas la satire mais le militantisme. Cette Eiris confond images d'Epinal et caricature : elle devrait porter un monocle pour mieux y voir.

    + Le dessinateur Thomas Mathieu milite, lui, en faveur de la galanterie française, qui semble-t-il se perd au fil des ans. Il donne dans son "projet crocodiles" aux "harceleurs de rue" l'apparence de ce saurien, connu pour sa férocité et sa stupidité. D'ailleurs monsieur Crocodile ne demande pas son avis à madame ; il est pris, comme on dit, d'un "besoin irrépressible". C'est vrai ça, pourquoi n'y aurait-il que les policiers et les gendarmes à se montrer polis avec les femmes, et pas les petits voyous ? Blague à part, ce serait un préjugé sexiste de croire que les femmes ne sont pas, elles aussi, capables de harcèlement sexuel.

    + Beaucoup de bruit ces derniers temps autour de la BD de genre "pornographique". Ainsi "Arte" lui a consacré un reportage (26 oct.), dont l'illustratrice américaine Molly Crabapple déroule le fil (d'Ariane). Ce n'est pas le but de ce reportage de le remarquer, mais la pornographie a autant de succès dans les populations frustrées sexuellement qu'elle laisse les peuples épanouis indifférents ; à tel point qu'au Japon, pays où l'esclavage est fréquemment associé au plaisir sexuel, la pornographie et les pratiques masturbatoires sont en passe de supplanter le coït, tant le stress dû aux conditions de travail est grand. C'est exclusivement du point de vue bourgeois libéral que l'on peut promouvoir l'effet prétendument libérateur de la pornographie. On retrouve ici une rhétorique semblable à la devise qui surmontait les camps de travail allemands : "Le travail rend libre." La démonstration que "Le sexe rend libre." relève de la même malversation intellectuelle.

    Empressons-nous d'ajouter que la pornographie n'est pas la cause de l'oppression, mais seulement un symptôme, premièrement ; ensuite que les auteurs, dont le reportage diffusé sur "Arte" recueille les témoignages, ne font pas l'apologie de la pornographie, mais évoquent plutôt la manière dont ils pratiquent ce genre, que certains ont sensiblement détourné de son but érotique.

    + Des hommes politiques, en général, on dit qu'ils "parviennent par les femmes" - mère, épouse, ou maîtresses successives. Frédéric Boilet semble vouloir éprouver cette recette dans le domaine de l'art, puisque chaque nouvelle concubine est pour lui l'occasion de pondre une nouvelle oeuvre. Qui a dit que les hommes ne peuvent pas accoucher, eux aussi ? Son dernier bouquin est soumis au financement participatif, qui est à peu près à l'emprunt épargne-logement ce que la partouze est au mariage ordinaire.

    + Les Belges adeptes de la ligne claire, Swarte ou Herr Seele par exemple, me paraissent s'inscrire dans la perspective fachiste de Hergé afin de devenir un Artiste coûte que coûte; autrement dit, c'est comme s'ils voulaient achever "L'Alph-art", ultime album par où Hergé désira égaler les plus fameux, sans se douter qu'il serait un jour aussi "bankable" qu'eux, et sans doute gravé plus profondément dans l'inconscient collectif. C'est pourquoi j'ai rédigé une critique négative de "Cow-boy Henk", dont je trouve l'humour un peu répétitif et ennuyeux. Dans cette interview donnée à Yacine, chef d'orchestre du blog "Lezinfo", interview récente et qui recèle néanmoins quelques saillies, Herr Seele entend une nouvelle fois se distinguer de Hergé et "Quick et Flupke" : cependant les adultes belges aujourd'hui ne lisent-ils pas à peu près la même chose que ce que les gosses de la même nationalité lisaient dans les années 50 ?

    + Une fois n'est pas coutume, j'approuve le chroniqueur bruxellois D. Pasamonik (Actuabd) de fustiger la presse en général, et "Le Monde" en particulier, pour son battage médiatique ridicule autour de la sortie en librairie d'"Astérix chez les Pictes". Hélas la BD est aussi un art industriel ou séquentiel, imperméable comme le cinéma à la critique pour cause d'enjeu financier. On peut d'autant plus le regretter que, comme dit Victor Hugo, "Le calembour est la fiente de l'esprit."

    + Interview dans le dernier n°50 de "Zoo" de Pierrick Starsky, qui a eu l'idée de lancer la revue de BD marseillaise "Aaarg !", que celui-ci promet la plus éclectique possible. A l'image de "Zoo", j'imagine. M. Starsky établit un lien entre le marasme dans lequel se trouvent les jeunes auteurs de BD, et le déclin de la presse. On ne peut que le suivre sur ce terrain. En revanche certains des modèles cités en référence sont contestables, comme "Pilote", entreprise de presse non seulement régie selon des principes capitalistes, mais qui n'a pratiquement jamais été rentable. On oublie souvent de dire que le succès (durable) de ce type d'entreprise dépend plus encore d'une organisation rigoureuse que du talent de ses contributeurs.

    + Le dessin de la semaine est un dessin de presse signé Vincent, et il est paru dans l'Hebdo.ch. (en remplacement du dessin prévu, sur lequel je n'arrive pas à remettre la main, et qui montrait une femme s'approchant de son mari, à moitié nue - et celui-ci de sursauter : Oh, tu m'as fait peur, dans l'obscurité je t'avais prise pour une "femen").

     

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  • Voeux d'Amérique

    J’ai eu l’occasion de m’entretenir (via msn-messenger) avec l’illustratrice et ex-danseuse de cabaret new-yorkaise Molly Crabapple. Celle-ci a fondé un mouvement international pour le renouveau de l’apprentissage du dessin d’après le modèle vivant (anti-art school); ce mouvement se heurte en France à l'hostilité du «château» (l’administration publique), dont les raisons seraient trop longues à expliquer ici, mais qui sont «grosso modo» celles de la féodalité moderne.

    Je tentai, sans succès, de convaincre Miss Crabapple de venir s’installer à Paris où, malgré ce que je viens de dire auparavant, les contraintes qui pèsent sur l’art sont moins lourdes qu’aux Etats-Unis, d’après mon expérience.

    Vous trouverez ci-dessous ma traduction (de l’américain) des vœux de Molly Crabapple pour le Nouvel An, voeux qui sont en fait des conseils prodigués aux artistes en herbe, par une qui a «fait carrière», comme disent les Yankees, sans toujours s’apercevoir que l’art n’est pas exactement, comme la mécanique, fondé sur la lumière et l’énergie. Miss Crabapple est régulièrement employée par le «New Yorker». Les conseils virils de Molly sont loin d’être dépourvus de vertu...

    (Zombi)

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    Caricature de Molly Crabapple en sainte patronne des artistes en herbe, par Z.

    (J’ai rédigé ça il y a un an. Mais comme on continue de me réclamer des conseils, je remets ça.)

    -          - Bosse dur, fais-toi des potes, ne baisse pas les bras.

            - Quelques précisions : sois opportuniste en diable, et ne rate aucune occasion, aucun moyen de mettre en avant ton art. Sois exigeant avec toi-même. Fuis les recommandations cul-cul-la praline données aux artistes, du genre : «Accroche-toi à tes rêves !», ou «Nourris ta créativité !», toute cette daube ne sert qu’à fourguer aux artistes du dimanche des manuels bidons.

    -          Préoccupe-toi du pognon. T'en auras besoin. Si ce n’est maintenant, quand tu seras malade, vieux, ou que t'auras un gosse. N’écoute jamais ceux qui essaient de te faire honte parce que tu gagnes des thunes.

    -          Comporte-toi avec la plupart des clients en mercenaire, mais sois le plus généreux possible, au contraire, avec tes compagnons d’armes, qui te soutiennent. Je continue de faire pas mal de travaux, gratuitement ou pour des clopinettes, pour le groupe de musiciens BFF ou pour «Occupy Wall-Street». Je peux me le permettre, parce que je fais casquer un max mes commanditaires ordinaires.

    -          Souviens-toi que tu fais des choses que les gens paient pour avoir, et que s’ils ne s’intéressent pas à ce que tu fais, ce n'est pas parce qu’ils sont d’horribles Philistins. Fais plutôt en sorte de faire des progrès et de trouver ton public.

    -          Aies l’audace de projets personnels. Bosse dur dessus. Montre-les. N’illustre pas gratuitement des livres pour enfants auto-édités. Crois-moi. Lie connaissance avec des personnes hors du milieu des artistes, qui s’intéressent à autre chose que l’art : des hackers, des chefs d’entreprise, des journalistes, des top-models, des ouvriers du bâtiment, des profs. Dessine tout le temps. N'oublie-pas ton carnet de croquis. Va dans les cours de modèle vivant. Copie les dessins de maîtres. Sois exigeant avec toi-même et corrige tes erreurs. Trouve le ton juste.

    -          Souviens-toi que le futur appartient aux mutants pluridisciplinaires, et qu’un galeriste-faisant fonction de père, ou bien un agent, ne risque pas de craquer sur toi si tu restes enfermé dans ton appart’ à dessiner toute la journée.

    -          Observe comment des secteurs tels que le marketing ou les médias fonctionnent aujourd’hui. Ce n’est pas une science occulte. Tu peux apprendre à rédiger un communiqué de presse en cinq minutes sur Google. Y'a pas de honte à faire sa propre promo. Personne ne le fera à ta place, sauf si tu fais déjà du blé, et dans ce cas on te lèchera la bite de tous les côtés.

    -          Investis dans un matériel de qualité, permettant une bonne présentation. Des photos pourries avec un iPhone ne te ramèneront pas du boulot. Paie tes impôts par tranches. Prends un comptable dès que tu peux. Les travailleurs en «free-lance» se font baiser aux Etats-Unis.

    -          Ne claque pas 150.000 dollars dans un diplôme d’art.

    -          Monte un site internet sympa.

    -          MAIS SURTOUT : si tu veux devenir artiste, tu ne peux pas te permettre d’y mettre une couille sur deux. Il faut le vouloir plus que tout, et être prêt à sacrifier son sommeil, sa vie sociale, les histoires d’amour merdiques de fac, les soirées au bar à s’en jeter derrière la cravate après le turbin, bref, à peu près toutes les expériences agréables qu’un jeune adulte autour de vingt ans peut connaître. Si tu n’y es pas prêt, devenir artiste à plein temps n’est pas pour toi. Il n’y a aucune honte à ça. Dessiner pour le plaisir, parce qu'on aime ça, est une chose merveilleuse. Mais si tu es certain de ne pouvoir faire autre chose qu’une activité artistique toute la journée, que tu es né pour ça, il te faudra faire des sacrifices.

    -          Bonne chance !

    -          Molly Crabapple

  • Revue de presse BD (20)

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    (Julien le Parisien)

    + Le "Festiblog" a contribué à mettre les self-made comics-men à la mode (sans oublier les "girlies" softs ou dessalées). Tout le monde ou presque connaît désormais Bastien Vivès (dont le dernier album "La Grande Odalisque" est, hélas, une vraie daube BCBG) ; Olivier Laude et sa série "Julien le Parisien" sont un peu moins connus, hybridation de Margerin et de Vivès.

    + Les éditions de l'Olivier et Cornélius lancent aujourd'hui une nouvelle collection de romans graphiques : "Olivius". Au catalogue figure "Cul nu" de Fanny Dalle-Rive et Anne Baraou. On peut justement avoir un aperçu du talent de scénariste de la seconde sur son site, où quelques planches sont accessibles, à condition de fouiller dans le tiroir de droite.

    + Le café salé est un vomitif bien connu. Moi j'ai bien failli dégueuler aussi en visionnant ce strip de Stephen Vuillemin, combinant BD et dessin-animé, et qui bouge donc dans tous les sens. Bizarrement la superposition de ces deux procédés d'animation a pour effet d'en ralentir la lecture et non de l'accélérer.

    + Les petites entreprises éditoriales (ici la québécoise "Pow-Pow") paient encore plus mal leurs auteurs que les grandes maisons d'édition, cependant ceux-ci ont moins le sentiment de se faire flouer par les petits éditeurs. Il faut préciser qu'en littérature "pure", comme dirait Finkielkraut (bien qu'on ne peut définir strictement aucun art sans le réduire à un métier ou une fonction), c'est la presse qui subvient aux besoins des écrivains, et non pas directement la production de romans, sauf exception.

    + "A ce moment-là je passais ma vie à faire des dessins pour des boîtes de nuit ultra-chics en regardant le monde s'écrouler et les gens descendre dans la rue, de la place Tahrir jusqu'à Londres. Tout le monde prétendait que les Américains étaient bien trop apathiques pour faire ce genre de chose. "Occupy Wall Street" a prouvé qu'ils se trompaient. (...)" L'illustratrice Molly Crabapple, arrêtée pendant les manifs, a fait quelques dessins pendant sa détention, publiés par CNN. Au risque de paraître cynique, je dirais que les émeutes n'ont pas grand chose à voir avec l'apathie ou l'éveil de telle ou telle population : elles interviennent en cas de famine, ou bien lorsque le porte-monnaie est touché. L'incompétence des gouvernements est leur cause première ; c'est toujours elle qui met le feu aux poudres.

    + Le fil des précédentes revues de presse bd. Voilà, c'est tout pour cette fois.

    Z.