Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

descartes

  • La Planète des Sciences*

    On observe la multiplication sur les étals des libraires des ouvrages de BD pédagogiques, mais rares sont leswebzine,bd,zébra,fanzine,gratuit,bande-dessinée,critique,fischetti,bouzard,sciences,charlie-hebdo,galilée,descartes,newton,pythagore,dargaud réussites dans ce domaine.

    Paradoxalement, plus la pédagogie enfle et les moyens investis dans l'enseignement augmentent, plus le niveau scolaire diminue. Petit à petit, la méthodologie a tendance à se substituer au contenu même de l'art ou de la science enseignée.

    Le premier reproche à faire à cet album de vulgarisation scientifique rédigé par Antonio Fischetti et illustré par Guillaume Bouzard est sa présentation. Au regard des explications érudites d'A. Fischetti, chercheur dans le domaine de l'acoustique et chroniqueur à "Charlie-Hebdo", G. Bouzard publie une planche de BD humoristique sur chacun des savants présentés. Outre que son humour est du niveau de l'almanach Vermot ou de Cyril Hanouna, on suggère de cette façon que la science est ennuyeuse ou amère, comme les médicaments qu'il faut enrober de sucre pour que les enfants puissent les avaler.

    A priori la science est quand même un sujet beaucoup moins fastidieux que le foot ou les mangas !

    - Un autre défaut, dont les auteurs essaient de se disculper dans la préface, consiste à faire passer ainsi l'histoire de la science pour une succession de découvertes géniales, à mettre au compte de génies. La pomme de Newton, les petites phrases de Galilée ou Descartes, ce sont là des images d'Epinal plus proches de la légende dorée que de l'histoire de la Science à travers ses différentes branches.

    Le choix des trente-sept savants portraiturés est plus arbitraire que scientifique. On trouve pèle-mêle Pythagore, Léonard de Vinci et Emmanuelle Charpentier. On ne voit pas ce qu'ils ont de "révolutionnaires", suivant le critère en principe retenu ?

    La science a d'ailleurs souvent progressé contre les institutions scientifiques elles-mêmes, et cet album ne rend pas bien compte de cet aspect.

    L'ambition de cet album fait penser à celle du programme de philosophie de classe terminale, spécialité française assez ubuesque puisque il s'agit en quelques mois d'étudier LA philosophie, alors que quelques mois seraient nécessaires pour étudier chacun des trente-six auteurs figurant dans l'index des manuels. Résultat : qui trop embrasse mal étreint.

    Il aurait sans doute été plus judicieux de se concentrer sur l'une des branches de la science ; qu'il s'agisse de l'astronomie, de l'archéologie ou de la médecine... le choix est large.

    L'histoire de la science ou ce qui passe pour tel soulève actuellement beaucoup de questions. En effet on a vu peu à peu au cours du XXe siècle la politique se résoudre entièrement à des questions économiques, et on peut se demander si la science n'est pas désormais, de façon similaire, réduite à des questions techniques. Certains indices le laissent penser, comme la spécialisation accrue de la recherche scientifique et la ramification de la science en branches toujours plus nombreuses ; ce phénomène reflète bien plus l'organisation technocratique de la recherche qu'il n'est "scientifique" à proprement parler.

    Comme certains réclament "la preuve de Dieu", les plus jeunes générations sont tentées de réclamer aujourd'hui "la preuve du Progrès" dans un monde qui semble plus en proie au chaos qu'au progrès.

    La Planète des Sciences, par A. Fischetti & G. Bouzard, éd. Dargaud 2019.

  • Voltaire amoureux**

    Nous avions aimé le "Pablo" de Clément Oubrerie (scénarisé par Julie Birmant) parce qu'il s'attache à retracerwebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,clément oubrerie,voltaire,les arènes,julie birmant,pablo,picasso,descartes,pascal,malebranche,candide,leibnitz la carrière d'un homme, transformé pour le besoin de la cause communiste en "monstre sacré", et devenu ainsi inaccessible.

    On cerne mieux Picasso grâce à cette fresque en BD de la bohème parisienne où le talent de cet artiste se développa et atteignit son apogée.

    Voltaire n'est pas moins "monstrueux" a priori. Le philosophe en qui Marx voyait "le sommet de la pensée bourgeoise" (compliment qui recèle une critique) fait partie du panthéon des lettres françaises, avec tout ce que ça suppose d'adulation, de petits accommodements avec la vérité, voire de légende dorée.

    C'est déjà une gageure en soi de tenter de reconstituer une époque plus lointaine que le Paris de Picasso; pour ce faire, C. Oubrerie utilise son crayon comme un biographe conventionnel ne peut le faire. Néanmoins une époque ne se résume pas à des éléments de décors et au costume; encore faut-il en comprendre et en restituer l'esprit pour ne pas tomber dans le décors de "carton-pâte".

    Dans l'ensemble le résultat est assez vivant, mais souffre de la comparaison avec le précédent "Pablo", dont le scénario était mieux ficelé et les personnages secondaires plus étoffés.

    Oubrerie peint un écrivain arriviste, qui se persuade de son génie afin de mieux en persuader autrui - un écrivain dont la vivacité d'esprit et la facilité de répartie font mouche dans les salons. De cet esprit, Voltaire se sert pour séduire des femmes d'une condition supérieure à la sienne et les mobiliser au service de sa cause.

    Le chemin est donc illustré, qui conduisit Voltaire jusqu'à une gloire, si ce n'est aussi grande que celle d'Homère ou Shakespeare, du moins considérable.

    L'arrivisme littéraire est un mobile persistant aujourd'hui et Voltaire peut passer pour le précurseur de bon nombre d'intellectuels plus ou moins brillants après lui. Cependant, par-delà l'arrivisme et les saillies spirituelles, qu'est-ce qui distingue Voltaire des intellectuels d'aujourd'hui, dont le vedettariat est sans doute éphémère ? C'est le point le plus difficile à dessiner pour Oubrerie. Contrairement à Picasso, dont tout le monde a en mémoire les oeuvres les plus marquantes, Voltaire n'est pour beaucoup qu'un vague souvenir scolaire qui exige d'être rafraîchi si on ne veut pas demeurer au niveau de la fiction.

    La BD se risque sur le terrain de la pensée du philosophe; en particulier, dans ce premier tome, de sa pensée religieuse et de son anticléricalisme. Sujet ô combien difficile, car se mélangent chez Voltaire l'opportunisme (l'athéisme et le libertinage sont alors à la mode, notamment dans la noblesse) et les critiques plus sérieuses (des "Pensées" de Pascal ou de la théologie de Bossuet, Descartes, Malebranche...).

    Le premier tome de cette fresque est insuffisant pour souligner l'enjeu que représente cette nouvelle culture philosophique, dont Voltaire sut habilement se faire le principal ministre, et dont il demeura l'emblème au service des élites bourgeoises, avant d'être pris pour cible à son tour de la critique marxiste et, d'une manière générale, démodé par la philosophie allemande du XIXe siècle (pour de bonnes et de mauvaises raisons).

    Voltaire est également trop sceptique pour être vu comme le père d'un athéisme, souvent assimilable en France à une véritable secte imperméable à la critique. Cet athéisme "militant" s'avère un produit plus récent de l'ère technocratique, dont Voltaire n'a pas envisagé le terme.

    La meilleure compréhension de Voltaire est peut-être fournie par ses petites pièces satiriques, dont cet ambitieux ne faisait pas lui-même le plus grand cas, mais qui restent les plus lues. La satire est en effet un remède à l'optimisme inoculé par la religion ou l'idéologie (le providentialisme scientifique de Leibnitz-Pangloss dans "Candide") : elle détourne des illusions, mais ne constitue pas un aliment suffisant pour nourrir l'esprit. La bourgeoisie a pris du gras depuis le maigre Voltaire.

    Voltaire amoureux (tome I) par Clément Oubrerie, eds Les Arènes-BD, 2017.