Petit feuilleton historique estival
Seul Rodin...
A travers son Journal, le peintre belge Henry de Groux (1866-1930) est un témoin de premier plan, quoique méconnu, de l'art de son temps.
Praticien exigeant, admirateur d'Eugène Delacroix comme Baudelaire, de Groux se montre le plus souvent sévère avec ses contemporains. Son engagement total au service de l'art et son amitié avec le pamphlétaire Léon Bloy le tiendront à l'écart des circuits officiels de l'art ; l'artiste belge, à demi-marginal, parviendra difficilement à vivre de sa peinture.
Extrait de son Journal (Eds Kimé) :
1er Mai (1898) : Visite au Salon du Champ de Mars. Peinture nulle ; absolument nulle. Rien de rien ! Vulgarité, banalité, ordure. Sculpture : le Balzac de Rodin. L'oeuvre est étrange, audacieuse, déconcertante au premier abord. Peu à peu, on se rend compte de la réelle grandeur, de la véritable aristocratie de la conception et on comprend, en persistant, la colère du public, véritablement outré et détraqué de désappointement. C'est une rumeur d'indignation ininterrompue et réjouissante, vraiment le mufle se sent défié et montre les dents.
En somme, la seule oeuvre du Salon.
L'oeuvre surabonde de style et de caractère original en sa simplicité très puissante.
Sentiment que je serai vraiment le seul peintre à l'heure actuelle qui sache son métier à fond et comprenne son art supérieurement. (...)
*Ci-contre : caricature illustrant la réception du Balzac de Rodin.