Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

maurras

  • Revue de presse BD (269)

    fanzine,bd,zébra,gratuit,bande-dessinée,actualité,revue,presse,hebdomadaire,mars,2018,bernard baissat,canard enchaîné,maurice maréchal,crapouillot,galtier-boissière,pierre scize,cabu,choron,cavanna,gallica,gassier,lettres françaises,sennep,aragon,eluard,hemingway,steinbeck,triolet,effel,maurras,abel hermant

    Dessin de Gassier (1939), dessinateur au "Canard enchaîné" et précurseur du style de Sennep, Effel, Cabu...

    + Le documentaire filmé de Bernard Baissat, "Aux 4 Coins du Canard" (1987, 3 parties) retrace l'histoire du "Canard Enchaîné" depuis sa fondation par Maurice Maréchal en 1915. Si ce n'est exhaustif, ce docu montre les principaux collaborateurs et directeurs successifs d'une publication qui passe paradoxalement aujourd'hui pour une vénérable institution. Les principaux dessinateurs et des exemples de leurs dessins sont aussi présentés.

    L'anticonformisme du "Canard", son esprit contestataire, trouve son origine dans la guerre de 14-18, décidée et planifiée par les élites politiques, mais contre laquelle se rebiffèrent quelques anciens combattants, le plus souvent issus de milieux populaires. "Le Crapouillot" de Galtier-Boissière, ou encore le "Voyage" de L.-F. Céline sont animés par des mobiles similaires.

    Autres aspects populaires : une conception artisanale et l'absence de publicité. Un collaborateur, Pierre Scize, fut même viré par M. Maréchal en 1933 pour avoir accepté la Légion d'Honneur, ce qui prouve que le "Canard" ne transigeait pas avec sa propre éthique.

    Après la Seconde guerre mondiale, le "Canard" renaît, mais il va s'éloigner peu à peu de son caractère populaire original. Nouveau paradoxe, on constate que plus la démocratie progresse, plus le peuple est privé de moyens d'expression propres.

    Cabu (2e partie) a tort de vanter le professionnalisme du "Canard enchaîné", car professionnalisme rime avec académisme, voire autocensure. La politisation du "Canard" rend en outre celui-ci de plus en plus insipide et de moins en moins truculent.

    Le "Charlie-Hebdo" de Choron et Cavanna occupera le créneau de la presse populaire laissé vacant par le "Canard".

    + Le site "Gallica", qui fête ses 20 ans, permet la consultation de nombreuxfanzine,bd,zébra,gratuit,bande-dessinée,actualité,revue,presse,hebdomadaire,mars,2018,bernard baissat,canard enchaîné,maurice maréchal,crapouillot,galtier-boissière,pierre scize,cabu,choron,cavanna,gallica,gassier,lettres françaises,sennep,aragon,eluard,hemingway,steinbeck,triolet,effel,maurras,abel hermant titres de presse datant d'avant la censure publicitaire - indirecte mais néanmoins très efficace.

    Lire les "Lettres Françaises" de 1944 est assez instructif sur cette période cruciale dans l'histoire de la presse française et de la censure. Cet hebdomadaire d'obédience communiste, qui sera dirigé par Aragon ultérieurement, est bizarrement plus américanophile et anglophile qu'il n'est russophile -comme quoi BHL n'est pas seul responsable du changement de cap américanophile de l'intelligentsia française (plus disciplinée que la soviétique).

    En 1944 les "Lettres Françaises" publient un poème d'Eluard en face d'une caricature de Sennep (ci-contre) (anticommuniste mais gaulliste) ; l'heure est à "balance ton collabo" et de nombreuses caricatures de J. Effel, Sennep, Monier, Ferjac, visent les écrivains soupçonnés de sympathie avec l'occupant allemand (Abel Hermant, Sacha Guitry, C. Maurras...) ; comme la télé ne livre pas encore son stock de divertissements à domicile, le journal publie sous forme de feuilletons des romans illustrés (de Queneau, Claude Aveline, E. Triolet, Steinbeck, Hemingway...).

    Les encarts de publicité pour les grandes enseignes parisiennes n'ont pas encore la taille des placards d'aujourd'hui ; la rubrique "mode féminine" est intitulée "Souvent femme varie..."

    fanzine,bd,zébra,gratuit,bande-dessinée,actualité,revue,presse,hebdomadaire,mars,2018,bernard baissat,canard enchaîné,maurice maréchal,crapouillot,galtier-boissière,pierre scize,cabu,choron,cavanna,gallica,lettres françaises,sennep,aragon,eluard,hemingway,steinbeck,triolet,effel,maurras,abel hermant,gassier,cabu,charlie-hebdo,concours,dessin,presse,l'étudiant,siné-mensuel

    + L'asso. "Dessinez, créez, liberté" ("Charlie-Hebdo") en partenariat avec "L'Etudiant", propose un concours (ouvert aux 15-25 ans) sur le thème de "le rire ou la peur". A la clef, 500 euros de fournitures et bouquins divers à gagner.

    + Les plus grands dessinateurs de "Siné-Mensuel": Jiho, Desclozeaux et Fernand, exposent ensemble à Lunel, non loin de Montpellier, jusqu'au 10 avril. Une grande affiche !

    fanzine,bd,zébra,gratuit,bande-dessinée,actualité,revue,presse,hebdomadaire,mars,2018,bernard baissat,canard enchaîné,maurice maréchal,crapouillot,galtier-boissière,pierre scize,cabu,choron,cavanna,gallica,lettres françaises,sennep,aragon,eluard,hemingway,steinbeck,triolet,effel,maurras,abel hermant,gassier,charlie-hebdo,concours,dessin,l'étudiant,siné-mensuel,lunel,jiho,desclozeaux,fernand

  • Les Cafés littéraires***

    Gérard-Georges Lemaire a beau se défendre d'avoir écrit un ouvrage exhaustif, son bouquin n'en est paswebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,gérard-georges lemaire,la différence,cafés littéraires,tortoni,procope,voltaire,balzac,manet,rivarol,maurras,rousseau,deux magots,rotonde,coupole,chat noir,maison dorée,flore,cubiste,surréaliste,bock,albert wolff,georges guénot moins un pavé de 600 pages, qui traite du phénomène des cafés littéraires en Europe, depuis le XVIIe siècle jusqu'à la disparition progressive de ces établissements au cours du XXe siècle. Aujourd'hui, quelques "cafés philosophiques" persistent ponctuellement, mais le "café littéraire" n'est plus l'épicentre de la vie littéraire et artistique.

    En préambule, G.-G. Lemaire nous explique comment le café, breuvage un peu mystérieux (on ne sait pas très bien comment ni par qui il a été inventé), s'est imposé comme LA boisson des intellectuels et des artistes, dans les principales capitales européennes. Cela se fit contre l'avis de l'académie de médecine en France, tandis qu'en Angleterre ce breuvage fut bien accueilli (le savant F. Bacon voit même dans le café un moyen de lutter contre les ravages provoqués par l'alcoolisme).

    Ce chapitre d'introduction clôt, on entre dans le vif du sujet, c'est-à-dire le rôle joué par ces établissements où l'on boit du café, mais aussi du vin et des bocks de bière, tout en refaisant le monde artistique et littéraire, mais aussi parfois politique et philosophique. Avant d'être inscrite dans la loi, la liberté d'expression est incarnée par les cafés et la société qui les fréquente. "Agitateur et politique, le Palais-Royal est devenu la capitale de Paris. Telle a été son influence dans la Révolution actuelle, que l'on eût fermé ses grilles, surveillé ses cafés, interdit ses clubs, tout aurait pris une autre tournure." écrit Rivarol. 

    Vestige d'une époque d'intense agitation intellectuelle, le légendaire "Procope" au Quartier latin, fréquenté par Voltaire, Diderot et Rousseau, n'est que le premier d'une longue succession de cafés, dont l'ouvrage érudit de G.-G. Lemaire énumère les caractéristiques ; tantôt somptueusement décorés, tantôt seulement confortables, ou encore charmants, pourvus en bonne chère et hôtesses accueillantes, ces établissements jouent pour les poètes et les artistes le rôle de havres ; ils y évoluent à l'aise au milieu de leurs confrères et admirateurs.

    Si le seigneur médiéval est indissociable de son château-fort, l'artiste moderne, quant à lui, ne serait rien sans son ou ses cafés de prédilection, où il est souvent choyé par le tenancier comme une sorte de mascotte"Devant Tortoni, au milieu d'un bouquet de journalistes, de 5 à 6 heures, on peut voir M. Manet. C'est une gloire du café, une des illustrations du perron ; s'il manque un jour, le maître de l'établissement se dit : - Mauvaise journée ! mon grand peintre me manque." (Albert Wolff)

    Une foule de noms d'artistes et de poètes célèbres s'entremêlent avec ceux des cafés parisiens. G.G. Lemaire, à propos de la "Maison Dorée" : "Au milieu des années 1850, on y voit attablés Gustave Flaubert, Henri Murger, qui y griffonne des nouvelles pour "Le Figaro", Jules Barbey d'Aurevilly, Alexandre Dumas à l'époque où il dirige "Le Mousquetaire", car ses bureaux se trouvent à l'étage au-dessus, Honoré de Balzac, Jules et Edmond de Goncourt, Emile Zola, Alphonse Allais, le sculpteur David D'Angers. C'est à cet endroit que Balzac entraîne le jeune graveur Wenceslas Steinbrock dans "La Cousine Bette", et c'est là encore que la cynique Nana exerce ses talents ravageurs."

    Caractéristique de ce phénomène également, le brassage social et idéologique permis par les cafés : "Sous les marbres de ce sanctuaire, tous les partis ont le droit d'asile. A peine a-t-on franchi ce seuil hospitalier, on a cessé d'être un écrivain, un pair de France, un conseiller d'Etat, un général, un peintre, un ambassadeur - on n'est plus qu'un consommateur ou un joueur de dominos." (Georges Guénot, en 1850, à propos du "Café Cardinal").

    A Paris, au fil du temps, suivant un cours hasardeux, le boulevard des Italiens fut "the place to be", avant de céder le pas au Quartier latin ; puis ce fut au tour de Montmartre, siège du fameux "Chat Noir", perfectionnement ultime du café littéraire ; Montmartre enfin sera détrôné par Montparnasse, où les cubistes ("Closerie des Lilas"), les surréalistes ("Rotonde", "Deux Magots", "Coupole"), tiendront séance.

    Il n'est pas rare que le café soit associé à la production d'une revue littéraire illustrée, dont le tiragewebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,gérard-georges lemaire,la différence,cafés littéraires,tortoni,procope,voltaire,balzac,manet,rivarol,maurras,rousseau,deux magots,rotonde,coupole,chat noir,maison dorée,flore,cubiste,surréaliste,bock,albert wolff,georges guénot atteint parfois plusieurs milliers d'exemplaires ; ou encore un prix littéraire.

    H. de Balzac s'attarde sur le phénomène dans "Histoire et physiologie des boulevards de Paris" (1844) :

    "(...) la vie de Paris, sa physionomie, a été en 1500, rue Saint-Antoine ; en 1600, à la place Royale ; en 1700, au Pont-Neuf ; en 1800, au Palais-Royal. Tous ces endroits ont été tour à tour les boulevards ! La terre a été passionnée là, comme l'asphalte l'est aujourd'hui sous les pieds des boursiers, au perron de Tortoni (...). De la rue du Faubourg-du-Temple à la rue Charlot, où grouillait tout Paris, sa vie s'est transportée, en 1815, au boulevard du Panorama. En 1820, elle s'est fixée au boulevard dit "de Gand" et, maintenant, elle tend à remonter de là vers la Madeleine. En 1860, le coeur de Paris sera de la rue de la Paix à la place de la Concorde."

    Et cette description de la "Brasserie des Martyrs" par A. Daudet :

    "Il faudrait un volume pour décrire la Brasserie [des Martyrs] table par table. Ici, la table des penseurs - têtes nues, barbes tremblantes, une odeur de tabac âcre, de soupe aux choux et de philosophie. Plus loin, des vestes bleu sombre, des bérets, des cris d'animaux, des plaisanteries, des mots d'esprits : voici les artistes, peintres et sculpteurs (...) Et voici maintenant les femmes, anciens modèles, beautés fanées, avec des noms étranges comme Titine de Barrancy et Louise Coup-de-Couteau. Ce sont des femmes inhabituelles, qui ont un raffinement curieux, ayant passé de main en main et préservé de chacune de leurs liaisons innombrables un résidu de connaissance artistique. Elles ont des opinions sur tout, se proclament réalistes ou fantaisistes, catholiques ou athées, en conformité avec leur amant du moment. C'est touchant et absurde."

    G.G. Lemaire fait le tour des capitales européennes, de façon plus sommaire qu'il ne traite le cas de Paris, mais qui permet des comparaisons. Londres n'a pas été en reste dans la mode des cafés, mais l'invention des "clubs", moins ouverts que les cafés, a freiné l'expansion de ceux-ci. La mode des grandes villes italiennes est proche de la mode parisienne, notamment en raison du rôle joué par les artistes-plasticiens, si ce n'est que l'Italie n'est pas une nation centralisée où tout tourne autour de Paris.

    L'ouvrage de G.G. Lemaire n'est pas seulement érudit, un catalogue impressionnant, il souligne certains caractères de l'art moderne tout en explorant le phénomène particulier ; on distingue notamment l'aspect "mouvementé", de recherche continuelle de quelque chose de neuf ; l'aspect aussi de "contre-culture" est perceptible, éloigné du précepte romain antique (Virgile) d'"un art au service de la politique". La bohème artistique gravitant autour des cafés a ainsi pu être assimilée à la décadence par les défenseurs de la civilisation, bien que Charles Maurras et son "Action française" aient aussi installé leur quartier général dans un café ("Café de Flore").

    Il manque cependant une explication de l'étiolement du phénomène des cafés littéraires et de leur disparition après la deuxième guerre mondiale.

    On peut avancer diverses explications, comme le coût de plus en plus élevé de la vie parisienne, qui a fini par rendre la vie de bohème quasi-impossible. Si elle conserve son prestige, on constate aussi que Paris a cessé d'être la capitale mondiale de l'art après la guerre.

    Là où l'écrivain et l'artiste devaient être entre 1960 et l'an 2000, c'était à la télévision, dont nul ne peut ignorer le double usage commercial et étatique. L'académisme, en art, a repris le dessus, empruntant ses dogmes à des écoles artistiques qui avaient la propriété de n'être pas dogmatiques.

    "Les Cafés littéraires", par Gérard-Georges Lemaire, éds de la Différence, 2016 (réédition).