La semaine de Zombi. Jeudi : Plutôt que de placer des psychiatres dans les tribunaux pour conforter les décisions de justice, on ferait bien de les employer à soigner l'hystérie collective qui s'empare quotidiennement des salles de marché.
conversion
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Caricature Jérôme Kerviel
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Kritik 2012
Petit bilan des bouquins lus en 2012 (et non forcément parus cette année) et critiqués par Zombi pour Zébra (réclamations et insultes de fans à adresser à leloublan@gmx.fr) :
L'Hydrie - Nicolas Presl (5/5) (pour ceux qui aiment Picasso et l'Antiquité)Passage afghan - Ted Rall (5/5) (pour ceux qui veulent savoir ce que les médias ne disent pas)Gus Bofa - Emmanuel Pollaud-Dulian (4/5) (pour ceux qui croient que les illustrateurs ne travaillent que sur commande)
La Famille - Bastien Vivès (4/5) (Pour ceux qui croient que la famille est un long fleuve tranquille)
Une Scène dans l'Ombre - Nicolas Auffray (3/5) (pour ceux qui se demandent comment on peut bosser pour pas d'argent)
La Guerre - Bastien Vivès (3/5) (pour les poilus et les épilées qui croient que c'était "la der des ders")En route pour le Goncourt - Kierzkowski & Ephrem (3/5) (pour ceux qui aiment se moquer des prix)La Conversion - Matthias Gnehm (3/5) (pour ceux qui croient seulement dans la vie, et les autres)Alexandre Pompidou - Cornette, Frissen & Witko (3/5) (pour ceux que l'art pompidolien laisse sur leur faim)Thoreau, La Vie sublime - Dan & Leroy (3/5) (pour ceux qui voient l'homme comme la pire des ordures)L'Exilé du Kalevala - Ville Ranta (3/5) (pour ceux qui n'ont pas les moyens de voyager)Pablo Picasso - Clément Oubrerie (3/5) (pour ceux pour qui Pablo Picasso est un monstre sacré)L'Histoire de Sayo - Masi & Wanatabé (3/5) (pour ceux qui croient que les mangas ne causent que d'histoires de touche-pipi)La Guerre d'Alan - Xavier Guibert (3/5) (pour ceux qui ont été dispensés de service militaire)
Blast 3 - Manu Larcenet - (2/5) (pour ceux qui n'ont pas lu "Le Chat Noir" d'Edgar Poe)
Gringos Locos - Schwartz & Yann (1/5) (pour les inconditionnels de l'école de BD franco-belge - et encore...)Vingt-Trois Prostituées - Chester Brown (1/5) (pour ceux qui ont une copine canadienne)Pour en finir avec le cinéma - Blutch (2/5) (pour ceux qui hésitent encore entre le cinéma et la BD)Chroniques de Jérusalem - Guy Delisle (2/5) (pour ceux qui n'aiment pas les bastons entre les Juifs et les Arabes) -
La Conversion***
Une consoeur critique a imaginé pour ranger son blog une sous-rubrique facétieuse : "BD-qu'elle-est-bien-pour-se-suicider". Sans hésiter, je place "La Conversion" de Matthias Gnehm sur cette étagère, tant l'atmosphère peinte par celui-ci renverse les clichés sur la Suisse, ses chalets mignons et ses paturages verdoyants. En Suisse, le mélodrame-BD de M. Gnehm se déroule et s'achève - mal, comme les histoires d'amour en général... ou de religion.
Cette étiquette macabre est, bien sûr, pour plaisanter, là où on discerne plutôt l'effort pour faire de la BD avec d'autres ingrédients que les bons sentiments, après des lustres de pralines franco-belges.
"C'était dans le village qui, autrefois, il y a vingt-cinq ans, était considéré par beaucoup comme le plus laid de tout le pays. (...) Seul celui qui avait grandi ici pouvait voir des choses qui demeuraient invisibles au reste du monde. (...) Quand il n'y avait pas de brouillard. Car lorsqu'il y avait du brouillard, il était alors si épais et si persistant, que les autochtones se retiraient dans leurs mondes intérieurs. Et certains se rendaient alors dans cette église étonnamment élégante construite dans les années trente."
Le propos n'est pas ici contre ou pour la religion : c'est tellement facile de dénoncer le fanatisme de son voisin ! Plus subtilement, M. Gnehm montre le lien étroit entre le sentiment amoureux et la religion. Kurt, l'ado. au centre de cette intrigue mi-sentimentale, mi-religieuse, sorte de Roméo prépubère, va se détacher des opinions athées maternelles pour se rapprocher des convictions religieuses bizarres de Patrizia, dont il est tombé amoureux. Seule la folie de cette dernière mettra un terme à la "conversion" de Kurt.
Le rapprochement du désir, de la folie et de la religion n'est, certes, pas franchement nouveau en littérature, mais il est assez bien amené dans cette BD, peu moralisatrice. D'ailleurs, comme c'est le truc de base des sociétés mercantiles de stimuler le désir du citoyen lambda, si l'observation n'est pas franchement nouvelle, il n'est pas non plus démodé ou inutile de rappeler que la foi ou les convictions éthiques - non seulement l'érotisme -, ont un caractère "oedipien" ou incestueux.
Ed. Atrabile, 2011.
NB : Et toujours cette présentation chic et puritaine des éds. Atrabile (sans pagination), que je n'aime pas.
Zombi