La petite histoire de la peinture en plein air n'aura plus de secret pour le lecteur de cet ouvrage documentaire... et qui plus est de saison, puisque le soleil frappe moins fort (les artistes de plein air sont tributaires -ô combien- de la chaleur ou du froid excessifs).
L'ouvrage traite en particulier de la première moitié du XIXe siècle, sans doute charnière du point de vue de cette discipline. Le dessin en plein air sur le motif n'est pas une innovation du XIXe siècle et des impressionnistes ; on conserve de très belles études de fleurs des champs par A. Dürer, dont les couleurs à l'aquarelle sont à peine altérées par les siècles.
Cependant le XIXe siècle a fait d'un exercice multiséculaire un art à part entière, à la suite des XVIIe et XVIIIe siècles où l'on discernait déjà les prémices de ce nouveau genre.
Bien sûr la peinture en plein air sur le motif est liée à l'essor technique : si dessiner en plein air a toujours été possible, y peindre représente une gageure sur le plan technique. Il faut pouvoir transporter un matériel léger (les tubes de peinture le sont) et exécuter rapidement sur des toiles de petite taille.
Plus difficile encore, la lithographie d'après le motif, revendiquée par de très rares artistes dont un certain Eugène Bléry, graveur de paysages de la région parisienne, dont l'application ne compense pas le manque de grâce.
On voit poindre l'écueil de la "performance" en art, qui guette les artistes au sein d'une civilisation de plus en plus technicienne. Il saute aux yeux que le "coin de campagne" et les tournesols deviennent un "sujet" au moment même où l'urbanisation et l'industrialisation réduisent la nature à un lieu de villégiature charmant.
L'intérêt de ce travail documentaire est accru sous l'angle des rapports entre l'art et la technique qu'il permet d'envisager. Dès le début du XIXe siècle, la production industrielle commence en effet de se substituer à l'art. Les progrès accomplis par la technique photographique au XIXe siècle forcent ainsi les peintres de paysages à s'interroger sur leur pratique. Tandis que la photographie stimule certains et fait naître des vocations, d'autres la perçoivent au contraire comme une menace pour la poésie ; d'autres encore s'en accommodent et savent éviter le piège du détail et de l'anecdote tendu par la photographie.
Les croquis des bords de fleuve (Seine, Oise...) exécutés par Daubigny depuis la petite embarcation spécialement prévue à cet effet, "Le Botin", plaident en faveur de la spontanéité du dessin. S'il est une dimension de la poésie à laquelle le développement de la technique contribue peu, c'est la simplicité.
Dessiner en plein air - Variations du dessin sur nature dans la première moitié du XIXe siècle, ouvrage collectif, ed. Musée du Louvre, 2017.