par M.-F. Ochsenbein, auteure de ("Parlez-moi de vos petits tracas")
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par M.-F. Ochsenbein, auteure de ("Parlez-moi de vos petits tracas")
par M.-F. Ochsenbein
Contre les petits tracas de la vie quotidienne, Marie-France Ochsenbein mobilise les ressources de la poésie et de l'humour.
Clefs ou lunettes égarées, PQ au bout du rouleau, mode d'emploi débile, fou rire déplacé, mèche rebelle, lapsus gênant... tous ces accrocs dans la routine, qui ont le don d'agacer notre espèce perfectionniste, sont autant de situations que l'auteur poétise.
Cette matière humaine triviale est transformée en poèmes légers, mais aussi plus moraux quelques fois ("Le mensonge passe à l'action").
Certaines pièces brocardant les innovations technologiques ont un parfum d'absurdité plus marqué, qui font penser à la poésie de Jacques Tati ; en effet toutes ces innovations censées simplifier la vie et diminuer les tracas, souvent la compliquent et les augmentent... Extrait :
A 100 mètres : vous êtes arrivés
Prouesse technologique d'aujourd'hui
Sensé nous faciliter la vie
En nous évitant tout contretemps
Jour et nuit, à chaque instant.
Comme tout progrès, c'est fascinant,
Tout est plus facile maintenant,
Le GPS capte ce fameux signal
Et commence alors un périple peu banal.
A chacun son point de vue,
Les jeux sont faits, rien ne va plus.
L'accord est loin d'être parfait,
La machine garde en partie ses secrets.
Les débuts sont plutôt prometteurs
Sa voix suave charme le conducteur.
Mais soudain elle annonce insensible
Le fameux "faites demi-tour dès que possible".
Panique, incompréhension générale
Comment se sortir de cette issue fatale
Le ton monte, mais rien n'y fait
La dame intransigeante ne se tait.
Alors la grande usine de la réflexion
Se réveille et entre en action,
Retour aux bonnes vieilles méthodes
Reprenons les bons vieux codes.
Au bout de mille contradictions,
De doutes et multiples déviations,
Le pilote se sortira finalement indemne
De ce très technique et épineux dilemme.
"Parlez-moi de vos petits tracas", par M.-F. Ochsenbein, ed. Premédit, 2018.
...littéraire (afin de faire de la place dans ma bibliothèque).
Dans les monts l'été de ma main tendit la fleur
Que tu semblais aimer laissant monter sa chaleur
Dessous sa tige noire
Les bois accouplés au ciel renferment un œil
Fixe il fait songer à un vaste et beau cercueil
Où l'ombre aime boire
Te souviens – tu quand l'odeur montait des forêts?
Il pleuvait et nous regardions tout effarés
Quelque terre étrangère
C'étaient des pays inconnus de grands oiseaux
S'unissaient au vent merveilleux sur les coteaux
Ivresse passagère
Aujourd'hui le bel édifice s'est éteint
Ici le soleil se divise et perd son teint
De celui – ci ne reste
Qu'un abîme confus et profond à nos yeux
Nous l'avons vu finir ravagé comme un gueux
Par la mort par la peste
Penché contre un balcon feuillu un dieu ancien
Respire le soir qui tombe mais ne voit rien
Puis on rit de sa peine
Cette tristesse s'efface sans aucun bruit
Alors qu'il s'est tourné où la lumière luit
Là – bas derrière un chêne
Ses ailes rigides l'amènent jusqu'en bas
Entre les feuilles stable et grave il marche au pas
Car la vive étincelle
Qui était la sienne n'est plus la trahison
L'a installé dans une rumeur d'horizon
Où la grâce chancelle.
Poème de Bertrand Demagny, illustration d'Aurélie Dekeyser
Retour au Kalevala : Ville Ranta nous entraîne de nouveau dans ces contrées septentrionales que l’on nomme aujourd’hui « Finlande », au bord de la mer Baltique, mais qui était encore à la fin du XIXe siècle où se situe l’action un grand duché de l’empire russe. Ceux qui se plaignent du réchauffement climatique apprécieront peut-être cette rafraîchissante BD traduite du finnois.
Ville Ranta avait fait d’Elias Lönnrot le personnage principal de son opus précédent, s’inspirant librement de la vie de ce médecin de campagne qui écrivit une compilation des contes et légendes de son pays. C’est cette fois Hans Nyman, jeune veuf intriguant pour être élu pasteur de la petite ville d’Oulu, qui joue le rôle principal. Comme souvent dans les pays nordiques, plus « féministes » que les pays latins, les femmes ne sont pas en reste : trois sœurs tâchent de s’adapter chacune à leur manière à cette vie austère.
Comme toujours dans les milieux paysans pauvres, sévit une morale puritaine stricte. Le travail passe bien sûr avant tout, et la religion est faite pour justifier cette priorité. Notre jeune candidat se console bien de son veuvage avec la bonne, mais ses goûts et les fonctions pastorales auxquelles il aspire en font presque une sorte d’aristocrate. Très vite les écarts de conduite d’Hans Nyman sont connus de tout le village, et son élection est compromise.
En somme il ne se passe pas grand-chose dans cette BD – l’élection d’un pasteur protestant est à peine plus passionnante que celle d’un président de la République française -, et c’est tout le mérite de Ville Ranta de faire de ce pas grand-chose un moment de poésie.
L’auteur excelle en particulier dans un dessin et une mise en couleur simples et efficaces, là où la sophistication serait mal venue. Le sujet du livre, malgré le dépaysement qu’il propose au lecteur français, reste l’âme humaine, et ce concept on ne peut plus vague réclamait un tel traitement impressionniste.
Sept Saisons, Ville Ranta, éd. ça & là, 264 p., 2013.
+ La BD ne se pratique pas seulement en solo, mais aussi en couple. Le cas de l'auteur de BD qui escorte sa compagne en mission humanitaire est de + en + fréquent ; profitant de ce qu'elle est occupée à rendre le monde meilleur, l'auteur s'adonne au reportage dessiné (Guy Delisle, par ex.) ; on peut citer aussi le cas des partenaires qui se stimulent mutuellement, pour engendrer une oeuvre commune, tels M. & Mme Ray Sohn, dont vous pouvez voir un échantillon ci-dessus, et quelques autres par là.
+ Ceux qui, contrairement à moi, ont du mal à quitter Paris plus de quelques jours parce que le métro leur manque trop, se consoleront peut-être d'avoir dû renoncer à leurs villégiatures provinciales pour retourner au turbin, à l'aide de la poésie oulipienne des noms de métros transformés en anagrammes, où "Porte de Clignancourt" donne "Plan d'égout incorrect", et "Rue Saint-Maur" donne "Utérus à marin". Et si le monde moderne n'était qu'un anagramme inventé par des poètes masochistes ?
+ Yassine, du blog "Lezinfo" dédié à l'illustration et aux illustrateurs, annonce l'expo. du 31 août au 21 sept. à Paris (XIe) des oeuvres de Laurent Impeduglia, dont il dit : "(...) C'était un des rares dans ce collectif ["Mycose"] à ne pas faire de la BD et à publier des fanzines monomaniaques avec des dessins de têtes de mort et de vélos, ou des têtes de mort sur des vélos. Il a attiré plus l'attention depuis avec ses grandes peintures, fresques superbes remplies de détails crétins ou morbides."
Cette expo. représente une alternative au "pop-art" de papa-maman, façon Roy Liechtenstein, un peu usé désormais. D'ailleurs si la BD n'est pas faite pour être exposée dans un musée ou une galerie, il n'est pas certain que ce fut le but de Roy Liechtenstein non plus.
+ Tout l'été, le "Nouvel Obs" a diffusé un feuilleton signé Thomas Cadène : "Romain & Augustin, un mariage pour tous". Le dessin et les dialogues un peu stéréotypés donnent à ce feuilleton un côté roman-photo (bien que le roman-photo soit une littérature "légère" qui fait plutôt l'apologie de l'adultère).
Le site belge "Actuabd" se dit surpris de la violence des débats autour du mariage gay en France. Ce qui est surprenant, c'est plutôt que le lien entre le sexe et la violence soit "oublié", au profit d'une théorie rapprochant le sexe et la guimauve/le mariage. En fait de "débats", c'est à l'instrumentalisation de deux sectarismes, opposés seulement en apparence, à quoi on assiste, suivant la bonne vieille technique populiste d'enfumage des esprits.
Case extraite de "Romain & Augustin, un mariage pour tous."