L’artiste américain Keith Haring est surtout réputé pour ses figures aux couleurs acidulées, peintes avec spontanéité et facilement reconnaissables. Cette signalétique personnelle, proche du tatouage mural, témoigne de l’évolution de l’Occident moderne vers le culte identitaire : fini les «grandes religions», puisque chacun, désormais, a la sienne, dont il est pape.
Le mouvement amorcé à l’intérieur de la religion chrétienne s’achève donc en dehors d’elle, ainsi que l’observe L. Feuerbach dans son étude sulfureuse sur les sacrements chrétiens.
Les peintures de Haring représentant les dix commandements de Moïse sont moins célèbres. Tout comme celle, reproduite ci-contre, représentant le «Mariage du Ciel et de l’Enfer» (1793), inspirée du théologien chrétien William Blake.
Son thème du ciel et de l'enfer peut surprendre l’agnostique ou le non-initié, comme le personnage de Don Juan dans Molière. Mais l’ordre moral est sans justification dans le christianisme, au contraire des cultes «démoniaques» vertueux, fondés sur le contrat avec la nature.
W. Blake fait partie des artistes qui, comme Shakespeare, Swedenborg ou encore Balzac, ont illustré le renversement des symboles par le message évangélique ou apocalyptique. «C’est avec les pierres de la loi qu’on a bâtit les prisons, et avec les briques de la religion, les bordels.», écrit par exemple W. Blake afin, dans un double mouvement christique, de dévaluer l’ordre moral en même temps qu’il accuse de pharisaïsme le clergé.
De la part de Haring, cela traduit la contradiction la plus profonde entre l’expression de sa personnalité, d’une part, dans de nombreuses peintures, et son intérêt au contraire pour une théologie qui dénie l'aspect mystique lié à la personnalité, et prétend ouvrir une voie pour l’homme qui n’est ni morale, ni juridique.
FLR