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omonvillle-la-petite

  • Revue de presse BD (187)

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    Caricature de J. Prévert par Burlingue.

    + Commençons cette revue de presse par un gag, un fait divers assez ubuesque, comme ceux dont Alphonse Allais savait faire son miel et celui de ses lecteurs. Il s'agit d'une querelle ; elle oppose les héritiers du poète Jacques Prévert et de son ami Alexandre Trauner (décorateur de cinéma), au maire du village normand d'Omonville-La-Petite où les deux hommes décidèrent de finir leurs jours et sont inhumés.

    La pomme de discorde est une sculpture en bronze, représentant les deux amis devisant sur un banc ; commandée par le maire à Christine Larivière en hommage aux deux hommes, et sans doute afin de distraire un peu ses administrés, cette oeuvre d'art n'a pas l'heur de plaire à tout le monde, en particulier aux héritiers, qui l'ont qualifiée de "caricature" (sous-entendu : indigne) ; que je sache, Prévert n'est pas connu pour avoir été un canon de beauté, mais je vous laisse forger votre propre opinion et conclus : - Décidément, quelle connerie la gloire !

    + Au sommaire de la "Revue dessinée" n°11 (printemps 2016), un article illustré consacré à la caricature ou au dessin satirique, par Terreur graphique et Fabrice Erre (ce dernier cumulant les activités de dessinateur de BD et de prof d'histoire). Les auteurs soulignent le caractère sacrilège de la caricature ; celle-ci amène à une vision plus réaliste du monde ou de la société, moins optimiste ; sont mentionnés au passage les propos louangeurs de Hugo, Balzac et Baudelaire à l'égard de la caricature. Pourquoi ne pas souligner ici que le but de la religion est de "faire rêver" ? Contrairement à ce que Terreur graphique et Fabrice Erre suggèrent, la culture moderne est loin d'être émancipée de la religion, comme la part faite au rêve l'atteste ; la satire ne cesse d'être repoussée aux confins de la culture, aujourd'hui comme autrefois.

    De façon stupéfiante, cet article didactique ne tient pas compte de ce qui, du point de vue occidental dominant politiquement, est devenu le plus sacré : non pas tant Mahomet ou Dieu que l'Etat ; celui-ci a succédé à celui-là au sommet de la pyramide des valeurs sacrées. On pourrait citer aussi parmi ces valeurs sacrées contemporaines : l'art, la culture, la démocratie... sans oublier, bien sûr, le travail, l'argent et la propriété ; pour combien d'artistes la "propriété intellectuelle" n'est-elle pas une chose sacrée ? Mentionnons aussi "l'ordre public" : aussi triviale et subjective puisse paraître cette notion d'ordre public, la "liberté d'expression" lui est soumise en France selon les déclarations récentes de plusieurs représentants de l'Etat (ministre de l'Intérieur, magistrats, mais aussi, ce qui est beaucoup plus inquiétant, de certains philosophes et intellectuels de premier plan).

    La "liberté d'expression" elle-même n'est-elle pas enseignée comme une valeur sacrée par le corps enseignant ? Ce qui ne peut que conduire un esprit satirique à soupçonner qu'il s'agit là d'un concept creux ou d'un leurre ?

    + Les musées sont les nouveaux temples où chaque citoyen, dès le plus jeune âge, est invité à aller communier ; ne pas comprendre que l'art moderne a un caractère eucharistique et sacramentel, c'est ne rien comprendre à l'art moderne.

    "Le Monde" (17-18 avril), sous la plume de Frédéric Potet, aborde le sujet de l'entrée de la BD au musée sur deux pleines pages ; ce journaliste préfère l'angle "informatif" à un angle plus critique ; il annonce ainsi plusieurs expos à venir, dont celle consacrée prochainement à Franquin/Gaston Lagaffe à la bibliothèque Pompidou, après Claire Bretécher (53000 visites).

    Le journaliste du "Monde" a l'honnêteté minimum de reconnaître que tous les auteurs de BD ne guignent pas nécessairement la "légitimité" que tel ou tel conservateur décidera de leur accorder à la faveur d'une exposition. Si un certain nombre d'auteurs de BD ne veut pas endosser la responsabilité d'un discours officiel, c'est sans doute parce que la bande-dessinée a pris l'habitude d'être une contre-culture. De surcroît, quelles sont les personnes qui courent le plus après les compliments et les honneurs ? Ce sont souvent les moins sûres d'elles.

    D'ailleurs il n'est pas difficile de deviner qu'il est surtout demandé aux auteurs de BD de faire la publicité d'établissements publics dont le charme n'opère pas forcément auprès du jeune public, soumis à des codes différents, plus attiré par Nabilla que par la Joconde. Bruno Girveau a ainsi fait appel à Zep ("Titeuf") pour illustrer la collection du musée de Lille qu'il dirige. Cela revient à confondre la "démocratisation de l'art" avec le remplissage des travées d'un musée.

    De son propre aveu, Zep n'a aucun goût pour l'art, en dehors du sien ; les musées le font bailler ou ne lui inspirent, dans le meilleur des cas, que des plaisanteries à base de zizi. La méthode pour démocratiser l'art ressemble beaucoup à celle du curé qui fabrique une statue miraculeuse pour attirer plus de paroissiens le dimanche.

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    Détail de la fresque de Michel-Ange, vue par Zep, pour qui l'exhibition des parties génitales est le comble de la liberté en matière d'art.