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révolution - Page 2

  • Gavrilo Princip****

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    Le récit que nous livre ici Henrik Rehr est d’une profonde noirceur, à l’image du dessein de Gabriel/Gavrilo Princip d’assassiner l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche. L’auteur, scénariste et dessinateur, nous fait entrer dans le plan de Princip, sa maturation au fil des années.

    Comment et pourquoi Princip s’est forgé une conscience politique ; comment et pourquoi il a pu décider de passer à l’acte : ces étapes sont retracées à l’aide d’un dessin un peu terne, rehaussé de nuances de gris. Le scénario nous fait comprendre l’essentiel.

    Princip et ses complices terroristes, jeunes marginaux armés par la « Main noire », une organisation nationaliste secrète qui compte dans ses rangs quelques fonctionnaires bien placés, ont conçu leur action comme une véritable œuvre d’art, l’accomplissement d’un destin macabre. Ils y ont beaucoup réfléchi. L’assassinat de l’héritier du trône d’Autriche n’est pas le fait d’un déséquilibré.

    Cet album, traduit de l’anglais et publié par Futuropolis en 2014, se veut un focus sur l’étincelle qui mit au feu à la poudrière des Balkans et entraîna cette Grande guerre centenaire, largement commémorée l’année dernière. Mais l’on est bien sûr tenté de faire le rapprochement avec des actes terroristes récents. L’étude psychologique de l’assassin Princip, assez fouillée, nous y incite.

    La suggestion de la couverture, sous forme de slogan tapageur : « Gavrilo Princip, l’homme qui changea le siècle », est démentie à l’intérieur même de l’ouvrage. H. Rehr, dessinateur et scénariste, fait dire à Princip : « Une seule personne ne peut pas faire tourner la roue de l’histoire. La guerre aurait eu lieu de toute manière. Moi… je n’ai fait qu’appuyer sur la détente. »

    On constate ici que Princip est animé par une idée religieuse typiquement moderne, selon laquelle la révolution populaire est un facteur de progrès, et cela, paradoxalement, alors même que les acteurs de la révolution n’agiraient que dans une demi-conscience des actes qu’ils accomplissent, et non en pleine conscience. Princip se sent en effet prédestiné à commettre un tel acte, et le sentiment de prédestination est caractéristique d’une conscience religieuse.

    Autrement dit, la foi dans le progrès politique et la révolution est un substitut à une autre forme de foi religieuse, plus traditionnelle. Princip et les quelques jeunes Serbes de Bosnie athées qui furent poussés par des comploteurs, intrigant à un niveau supérieur, croient à la fois dans la notion de patrie ou de terre sacrée serbe, d’ordre « mystique », et dans l’émancipation future du peuple et des classes populaires dont ils sont issus. Comme dirait Baudelaire, lui-même ancien révolutionnaire déçu par la révolution : « La Révolution, par le sacrifice, confirme la Superstition. »

    A son procès, Princip énonce : « Je suis un nationaliste yougoslave et je crois à l’unification de tous les Slaves du Sud, libérés du règne autrichien. J’ai tenté d’atteindre ce but par le biais du terrorisme. Je ne suis pas un criminel, car j’ai détruit le mal. Je pense que je suis bon. Cette idée est née en nous, et nous avons commis cet assassinat. Nous aimions notre pays. Nous aimions notre peuple ! Je n’ai rien d’autre à dire pour ma défense. »

    On voit bien que ces propos ne sont pas ceux d’un déséquilibré, en même temps qu’ils sont empreints de mysticisme.

    Comme certaines des valeurs mystiques athées de Princip ont encore cours en Occident aujourd’hui, on pourrait taxer cet BD d’apologie du terrorisme, si le but de cet ouvrage n’était pas de comprendre et décrire, sans porter de jugement de valeur sur le geste ou la tyrannie autrichienne.

    Comme on peut penser qu’il y a un type du soldat, commun à toutes les armées du monde, cette bande-dessinée dessine un portrait-type du terroriste, quelles que soient les raisons mises en avant, résolu au suicide pour un plus grand bien commun. Et, comme les gangsters fascinent plus que les policiers, les terroristes fascinent plus que les soldats enrôlés dans des armées régulières.

    Emprisonné tout au long de la guerre, Princip finira par mourir en 1918, décharné et affaibli. La tuberculose le rongeait déjà depuis longtemps. La défaite de l’empire austro-hongrois vaudra à Princip d’être réhabilité à Sarajevo.

    « Nos fantômes traverseront Vienne à pied et saccageront le palais : ils terrifieront les seigneurs. », aurait griffonné Princip sur le mur de sa cellule. De tels fantômes ne meurent pas tant que dure le terrorisme.

    Gavrilo Princip, l'homme qui changea le siècle, Henrik Rehr, Futuropolis, 2014.

     

  • La semaine de Zombi

    Lundi : les canons à eau sont désormais préférés par les forces de l'ordre aux bons gros canons virils d'autrefois, qui passent beaucoup moins bien à la télé. A la limite, on se croirait à "Intervilles" où des volontaires se font humilier par pur plaisir masochiste. 

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  • Papier n°1**

    En cette rentrée, plusieurs nouveaux magazines de BD ont fait leur apparition en librairie : « La Revue webzine,bd,gratuit,zébra,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,papier,publication,revue,magazine,yannick lejeune,delcourt,lewis trondheim,bastien vivès,florence dupré-latour,jérôme anfré,numérique,révolution,association,mon lapin,manga,la revue dessinée,fétichisme,livre de la jungle,zoophiledessinée », « Mon Lapin », « Aaargh », et « Papier ». Cette dernière publication est la plus paradoxale – comme un symptôme du malaise actuel dans la BD, écartelée en tous sens.

    Paradoxale, parce que « Papier » ne serait qu’une compilation de planches produites par différents auteurs plus ou moins talentueux (au nombre desquels Bastien Vivès, Jérôme Anfré ou Florence Dupré-Latour), sans un petit édito des directeurs de la publication, seul élément de nature à nous éclairer sur le but de cet assemblage d’auteurs. Et que dit cet édito ? C’est une sorte de manifeste nostalgique de Lewis Trondheim, qui déclare sa flamme au papier, quand le « tout numérique », tel un golem, s’apprête à engloutir tous les petits métiers d’antan. La sincérité de ce fétichisme un peu mou est douteuse - d’abord parce que « Papier » est maquetté au format « cheap » manga, noir et blanc, assez peu adapté à la plupart des contributions.

     Paradoxale surtout parce que, sans la Toile, la plupart des auteurs publiés dans « Papier » ne se seraient pas fait connaître aussi vite, s’imposant pour ainsi dire aux éditeurs. Depuis une dizaine d’années, internet joue le rôle des fanzines-BD naguère, de promotion de nouveaux talents, qui désormais peuvent s’auto-promouvoir plus facilement. Le luxueux fanzine « Lapin » de « L’Association » a lui aussi, de ce fait, perdu sa raison sociale (« Lapin », qui, pour le coup, était vraiment fabriqué par un -ou une ?- fétichiste amoureux du détail). Au moins en ce qui concerne la BD, la « révolution numérique » n’est pas surtout d’ordre technologique. Internet va au moins autant à l’encontre de l’esprit de système qu’il ne le conforte.

    On a donc l’impression que L. Trondheim et son associé Yannick Lejeune se sont saisi du premier prétexte venu. Vivès donne une parodie du «Livre de la Jungle» (je m’attendais à un truc un peu plus « zoophile ») ; Florence Dupré-Latour continue de se venger de sa famille bourgeoise lyonnaise, s’exposant ainsi à un droit de réponse, comme le romancier Jean-Louis Fournier récemment après avoir bafoué sa fille.

    Si le contenu n’est donc pas trop mal, le contenant laisse à désirer ; c’est bien sûr presque toujours le cas des jeunes revues ou gazettes, mais L. Trondheim, en principe, n’est pas né de la dernière pluie.

     

    On peut donc regretter que B. Vivès ou/et F. Dupré-Latour, à l’humour plus caustique et moins potache que celui de Trondheim, n’aient pas pris la direction de « Papier ».

    Papier, sept. 2013, Delcourt, 9 euros.