Jeudi : La police ou la gendarmerie justifie généralement son existence par le "maintien de l'ordre public". Mais ça ne répond pas à la question que se posent les plus jeunes générations : - De quel ordre ces vieux cons bordéliques veulent-ils parler ? Car la vieillesse, c'est bien connu, aspire à une tranquillité que la jeunesse méprise. Alphonse Allais a écrit un excellent conte sur la modernisation républicaine des moyens de répression (j'en indiquerai les références dès que je l'aurai retrouvée).
police - Page 10
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La Semaine de Zombi
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La Science au service de la Police
Il y aurait un volume à écrire, et non des moins intéressants, sur ce thème et avec ce titre : La Manifestation à travers les âges et ses divers modes de répression.
Si nous en croyons les livres sacrés, la première occasion en laquelle un gouvernement régulier crut devoir faire intervenir la force armée pour rétablir l'ordre, fut cette fois en où Dieu expulsa de son Paradis, grâce à l'archange de service, armé d'une épée flamboyante (?), le nommé Adam et sa concubine Eve, tous deux en état d'insurrection contre les règlements horticoles de l'époque.
Depuis ces temps éloignés, le système n'a d'ailleurs que peu changé : des gendarmes au lieu d'archanges, le sabre de cavalerie remplaçant l'épée flamboyante (?).
Parfois, quand les manifestants y mettent de l'obstination, le sabre de cavalerie cède galamment la place à quelques feux de peloton bien sentis : une fois de plus l'ordre règne à Varsovie.
Du canon aussi quelquefois, mais plus rarement.
...Chassons vite ces noirs pensers, en nous remémorant quelques joyeux fantaisistes de la répression.
Ce général, par exemple, de Castellane, noyant les manifestants marseillais sous des flots d'harmonie et les dispersant par le moyen de musiques militaires que les émeutiers dillettanti s'empressaient de suivre.
Le maréchal Lobau n'hésitait pas non plus à inonder les turbulents : mais, lui, c'était sous des flots d'eau que d'énergiques pompiers parisiens leur prodiguaient sans compter.
Le souvenir du maréchal Lobau me hantait, l'autre jour, pendant que, tout fier de son idée, notre excellent préfet de police nous développait le nouveau système de rétablissement de l'ordre dans la rue.
Oh ! il n'y va pas de main morte, M. Lépine !
Reste à savoir comment la population parisienne prendra le procédé.
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Vous avez tous entendu parler de l'air liquide.
Vous n'ignorez pas que, grâce à l'ingénieux procédé de notre ami Georges Claude, la liquéfaction de l'air est devenue un simple jeu d'enfant, à la portée des plus petites bourses.
Je vous sais trop au courant des choses de la science pour insister sur le résultat obtenu dès qu'on met à air libre un gaz liquéfié.
Par sa brusque détente, ce gaz détermine un violent abaissement de la température, abaissement qui va jusqu'à la congélation des liquides ambiants.
Une goutte d'air liquide sur la main, et, crac ! vous voilà la main gelée !
C'est plutôt, n'est-il pas vrai, brutal ?
Eh bien ! Tel est pourtant le procédé que M. Lépine n'hésite point, mesdames et messieurs, à adopter en grand pour la dispersion des manifestants.
Il les dispersera -comme c'est malin !- en les gelant sur place, dans des flots d'air liquide.
Et voilà comment, une fois de plus, mon pauvre ami Claude, la science se verra retournée de force contre la civilisation !
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J'ai visité tout le nouveau matériel de notre ingénieux préfet, pompes et réservoirs.
C'est joli, c'est coquet, c'est scientifique et simple.
C'est bien astiqué ; mais comme cela vous fait regretter ce pauvre Phoebus de Châteaupers et son peloton d'archers !
Alphonse Allais dans "Le Journal" (15 août 1902)
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Revue de presse BD (91)
+ C'est Matisse qui signa l'affiche des jeux olympiques d'hiver de 1924 à Chamonix, mais Auguste et non le célèbre Henri. A partir des années soixante, la concurrence des photographes commence de se faire sentir dans cet exercice.
+ L'artiste Merri Jolivet est décédé à Paris le 15 février à l'âge de 70 ans. Il était surtout connu pour avoir été l'un des fondateur de l'Atelier populaire à l'école des Beaux-Arts, noyau dur de la révolte de Mai 68 contre le pouvoir gaulliste, où furent publiées la plupart des affiches aux slogans percutants que l'on connaît. Dont la dernière après la descente de police à l'école des Beaux-Arts : "La police s'affiche aux Beaux-Arts, les Beaux-Arts s'affichent dans la rue." Eclectique, cet artiste avait également produit de la BD.
+ Le blogueur-bd PhilGreff et son complice Monsieur Pyl ont eu les honneurs de la presse régionale la semaine dernière pour le "Projet PylGreff" : "Le concept ? Tous les lundis et jeudis, ils mettent en ligne sur leur blog une chanson composée par Monsieur Pyl et illustrée par PhilGreff. Chaque composition tourne autour d'un personnage appelé Jean + Quelque chose. "J'avais déjà fait une série sur les Jean", précise Phil. "Et de mon côté aussi", ajoute Monsieur Pyl. (...) "C'est une contrainte, mais cela pousse à avancer sans se poser de question." explique Monsieur Pyl. "Et le web donne l'avantage de rendre le travail tout de suite visible", ajoute-t-il.
+ Le site de partage de fichiers Issuu.com permet de découvrir une partie de la production internationale de fanzines BD - comme par exemple le fanzine "Flûtiste", commencé à l'école Olivier de Serre, dont le n°2 est disponible en ligne.
+ Le dessin de la semaine est signée Anne Van der Linden, artiste exposée encore jusqu'à mi-mars à la galerie "Une Poussière dans l'Oeil" à Villeneuve-d'Ascq.
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Strip Lola
Nouveau strip de Lola dans Zébra (par Aurélie Dekeyser) :
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Etapes 213***
Puisque le graphisme est surtout une question de présentation, on peut faire cette comparaison avec le maquillage féminin et avancer que le graphisme le plus efficace sera le plus discret.
Cependant, c’est le développement extraordinaire du commerce et de la publicité au cours des dernières décennies qui explique que le graphisme a pris une telle ampleur (malgré la désaffection grandissante du public pour la presse). Grâce ou à cause de la publicité, le graphiste a été élevé au rang d’artiste. Et la discrétion ne s’est pas imposée partout.
Appréciée des professionnels, bien que luxueuse, la revue «Etapes graphiques» se situe plutôt dans le camp des puritains que des polices bling-bling et des coups de massicots déjantés ; elle réussit le tour de force de parler du graphisme sans trop ennuyer avec des problèmes de nomenclatures et de chartes.
J’étais plutôt amusé d’apprendre dans un précédent numéro le goût d’Adolf Hitler pour le graphisme, et même qu’il avait une police de caractère préférée… ce qui est assez logique de la part d’un propagandiste, ou du stade totalitaire où politique et art se recoupent entièrement, donnant à ce dernier le caractère le plus légal.
La dernière livraison d’« Etapes », volumineuse, est un numéro spécial sur Londres. Même si le point de vue « d’Etapes » n’est pas exactement « orwellien », on nous relate comment une agence immobilière « The Estate Office » a imaginé de draguer les bobos londoniens (dont un certain nombre de professionnels du graphisme), à l’aide d’une campagne de publicité dessinée (Jo Ratcliffe), afin de peupler le village branché de Shoreditch pour en faire un ghetto chic et prospère. Dans la même revue, Stéphanie Posavec évoque « la névrose des graphistes en mal de spontanéité » : il faut souhaiter que la clientèle du village de Shoreditch ait été prévenue.
Plus sérieusement la question se pose pour des illustrateurs ou des artistes, souvent dans la dèche, de l’engagement au service de causes publicitaires parfois obscures, en même temps que celle de la suprématie de l’argent sur les autres arts abstraits.
Un autre article est consacré au quartier de « l’East-End » londonien, où misère et crime sévissaient il y a un siècle et demi –c’était d’ailleurs le périmètre d’action de Jack l’Eventreur ; la réhabilitation de ce quartier en a apparemment chassé les derniers fantômes...
Bref, un bon numéro dans l’ensemble, où le blanc tournant ne l’emporte pas trop sur le jaune d’oeuf.
Etapes, mai-juin 2013
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Culturisme 2013
La passion du ministre Claude Guéant pour les marines d’André Van Eertvelt (1590-1652) a remis ce peintre anversois sous le feu des projecteurs. Aucun critique d’art ne peut plus manquer de faire un commentaire sur ces marines, de peur de paraître moins cultivé que le ministre, soupçonné jusqu’ici de collectionner plutôt les albums de Dupond et Dupont (comme l’on compte en outre deux fils de peintres parmi les derniers locataires de la Place Bauveau, la Rue de Valois ferait bien de s’inquiéter pour ses prérogatives).
Puisque l’art n’a pas de prix, on s’abstiendra de mégoter sur le demi-million que le ministre a tiré de la revente de ses deux toiles. L’heureux spéculateur parera sans doute les critiques de la meilleure façon en reversant une partie du bénéfice aux orphelins de la police. Il contribuera ainsi à la moralisation de la vie politique.
A propos de morale, la passion de Claude Guéant n’est pas sans évoquer celle, semblable, d’un de nos illustres «pères fondateurs», Diderot, qui partageait le même goût. C’est à lui que je dédie mon petit couplet de critique d'art amateur.
On sait les philosophes des lumières assez puritains, c’est-à-dire préoccupés par l’édification morale du peuple, pour faire pièce à l’art décadent du siècle des aristocrates débauchés. Avec assez de simplicité, Diderot avoue cependant sa difficulté à rattacher son penchant pour les marines de Joseph Vernet (1714-1789) à l’enseignement moral, en particulier les tempêtes, son sujet de prédilection, susceptibles de causer l’émoi à un point comparable, selon lui, à l’érection que la vue d’une jolie femme peut provoquer chez un homme ; de façon plus stylée, le philosophe écrit: «Aussitôt l’organe propre au plaisir prend son élasticité.»
Moins banale que le constat de la capacité de l’homme à s’émouvoir devant le spectacle de la tempête ou du chaos, la question subséquente du philosophe à propos des arts palpitants, au premier rang desquels il place la musique : «Comment se fait-il que l’art dont l’expression est la plus arbitraire et la moins précise parle le plus fortement à l’âme ? Serait-ce que, montrant moins les objets, il laisse plus de carrière à notre imagination, ou qu’ayant besoin de secousses pour être émus, la musique est plus propre que la peinture et la poésie à produire en nous ces effets tumultueux ?»
Serait-ce à dire que, là où règne la musique, règne aussi le libre-arbitraire ? Ou bien que toute la culture moderne tient dans une alcôve ? Je vous laisse répondre, mais ne peux m’empêcher d'observer qu’en matière de police des mœurs, Diderot et la peinture fournissent des instruments de détection du vice que le ministère de l’Intérieur a largement négligés jusqu’ici.
FLR
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La semaine de Zombi
Samedi : Comme l'affaire d'Outreau, l'affaire Bettencourt fait des ravages dans les chaumières, et bientôt la Présidente pourra chanter : "Police partout, justice nulle part, oh yeah !"