Extraits de la revue de presse illustrée publiée chaque semaine en intégralité dans l'hebdo Zébra.
Cathia Engelbach ne ménage pas ses compliments à Bendik Kaltenborn dans le blog du "Monde" dédié à la BD, "Les Petits Miquets". En effet, cet auteur de BD d'une trentaine d'années, employé par le "New-Yorker", "Google" ou le "New-York Times" est qualifié de "prodige norvégien". Prodige de quoi ? Prodige de la satire. "Au sommet de la montagne Kaltenborn, il y a donc un décalage jouissif qui convient à sa lettre comme à sa palette, et à son coup de crayon qui joue avec les déséquilibres, y compris typographiques. Entre passages par la ligne claire et détours par l'heroïc fantasy, il développe un réseau d'insignifiances et un dépouillement graphique qui vient contrebalancer l'utilisation des couleurs criardes. Si ses traits sont simples, c'est, dit-il, pour "mieux faire naître un monde complexe". En somme, c'est génial, nous dit Cathia Engelbach (qui doit être bien jeune pour mettre autant d'enthousiasme dans un seul article). B. Kaltenborn est édité par l'éditeur suisse Atrabile. Espérons qu'il n'y a pas les mêmes liens entre Cathia Engelbach et Bendik Kaltenborn que ceux qui unissent (pour le meilleur et pour le pire), l'économiste Thomas Piketty et Julia Cagé.
+ Le Musée en herbe à Paris, destiné à initier les bambins dès le plus jeune âge à la culture, organise jusqu'au 31 août une expo. autour de Tintin, "Le Musée imaginaire de Tintin". Plusieurs musées, comme le musée Branly (arts premiers), le Louvre ou le musée Hergé de Louvain-La-Neuve en Belgique, ont prêté des objets ou des oeuvres d'art cités dans les albums de Tintin. C'est une bonne opération publicitaire pour le nouveau musée Hergé, à l'architecture très branchée, mais qui peine à attirer des visiteurs. Le titre de l'expo. est repris d'André Malraux, auteur d'un ensemble de digressions sur l'art un peu grandiloquent et creux, comme tout ce que faisait Malraux, au point d'être surnommé le "grand corps caverneux". Non seulement ministre de la Culture de de Gaulle, mais aussi trafiquant d'art, l'écrivain tenta de faire oublier ses rapines par des discours et romans anticolonialistes. Hergé, lui, se défendait en disant que Tintin ne faisait que refléter son époque. Contrairement à ce que prétendent certains, Tintin n'a pas le relief que possèdent les grandes mythologies, mais un caractère politique plus circonscrit.
+ Si le terme "fanzine" (contraction de "fanatique" et "magazine"), désignant de petites publications amateur, est familier du plus grand nombre, celui d'"égozine" ne l'est pas. Maël Rannou, qui est le spécialiste français de ces publications en BD, débat des méthode et but de l'égozine avec des confrères. Même si M. Rannou n'utilise pas cette expression, on pourrait résumer cette activité en la qualifiant de "strip-tease de l'âme". L'égozine de M. Rannou s'intitule "Ceci est mon corps !". Cela semble une allusion aux paroles rituelles prononcées par les prêtres catholiques lors de la consécration du pain devant l'autel. L'aspect rituel est d'ailleurs net dans certaines expositions de ces petits fanzines, où règne une atmosphère de sacristie. Le philosophe allemand G.W.F Hegel, théoricien de l'art moderne (auquel s'opposèrent Marx et Nietzsche, le premier au nom du progrès, le second au nom du conservatisme), démontre que le mysticisme de l'art moderne est contenu dans le sacrifice de la messe, à travers lequel le langage prend une dimension sacrée supérieure à la nature. « Le dieu donc qui a le langage pour élément de sa figure est l’œuvre d’art en elle-même animée. » (in : "Phénoménologie de l'Esprit"). La notion de progrès en art est une notion bien plus religieuse qu'elle n'est scientifique. L'art moderne ouvre sur une infinité de perspectives, tandis que la science a au contraire tendance à en réduire le nombre.
+ Les réseaux sociaux s'emballent fréquemment pour trois fois rien ; si vous avez le sens du détail qui tue, vous pouvez faire un buzz mondial avec trois fois rien. On peut s'en offusquer, mais après tout la plupart des jeux de sociétés sont complètement cons et ne servent qu'à développer l'esprit mathématique.
Ainsi le masque japonais ancien ci-contre, en raison de sa ressemblance avec un personnage politique célèbre, a connu son quart d'heure de gloire cette semaine. A quoi sert que les caricaturistes se décarcassent ?
+ Le fils du dessinateur de presse Roland Moisan (1907-1987), ancien collaborateur du "Canard enchaîné", donne son opinion à propos de l'attentat commis contre "Charlie-Hebdo" dans "Vierzonitude" (blog d'actualité vierzonnaise). Moisan est surtout connu pour ses dessins satiriques contre de Gaulle, qu'il représentait en monarque d'ancien régime, portant la perruque de Louis XIV. Peut-être Plantu s'en inspira-t-il pour dessiner Balladur dans sa chaise à porteurs ? A propos de la violence de l'attentat et de la fusillade, Moisan Jr fait remarquer que "nous vivons dans un siècle de violence qui englobe le monde entier. La télévision est violente, les films ne montrent presque toujours que la violence, surtout pour les jeunes." Il dresse en outre ce portrait de Cabu : "Cabu était un personnage assez timide. Nous nous rencontrions au cours de festivals comme à St-Just-le-Martel, ou au Canard. Il m'avait dit un jour qu'il aimait que je réalise des expositions après le décès de mon père, je crois que la mort de son fils l'avait beaucoup marqué. Comme Moisan il n'arrêtait pas de dessiner, il s'exprimait avec le dessin. On sentait sa passion et son regard lucide trouvait toujours la faille dans notre conformisme. J'aimais bien Cabu. Comme Grove à une autre époque."
Le site "Vierzonitude" publie par ailleurs un court exposé par Roland Moisan de sa vocation de dessinateur et de ses années de formation à Vierzon.
+ Le site internet de l'école de BD Cesan a été piraté par des hackers se revendiquant du groupe islamique armé Daech. Le lendemain de la journée porte ouverte organisée par cette école, le site internet de l'école s'ornait du drapeau noir du califat d'Al Baghdadi et du slogan "Piraté par l'Etat islamique. Nous sommes partout." Après l'attentat contre "Charlie-Hebdo", la direction de l'école avait incité ses élèves à produire des caricatures portant sur ce sujet d'actualité brûlant, et certains dessins avaient été publiés par le "Huffington Post", magazine d'information numérique en ligne. Le site des "Vélib" loués par la ville de Paris a été hacké par les mêmes pirates précédemment.