Petit feuilleton historique estival
Au François Ier
A travers son Journal, le peintre belge Henry de Groux (1866-1930) est un témoin de premier plan, quoique méconnu, de l'art de son temps.
Praticien exigeant, admirateur d'Eugène Delacroix comme Baudelaire, de Groux se montre le plus souvent sévère avec ses contemporains. Son engagement total au service de l'art et son amitié avec le pamphlétaire Léon Bloy le tiendront à l'écart des circuits officiels de l'art ; l'artiste belge, à demi-marginal, parviendra non sans difficultés à vivre de sa peinture.
Extrait de son Journal (Eds Kimé) :
21 Septembre 1892 : Je rencontre cet après-midi, au café "François Ier", Verlaine. Le poète de Sagesse, avec son perpétuel et immense sourire narquois, est encore à jeun, mais installé devant une verte magnifique.
Il est là toujours à l'extrémité du banc, dans le petit coin près du comptoir, raide, impérieux, dressé plutôt qu'adossé au capitonnage de cuir de la muraille. Ses épais sourcils relevés, son front surplombant tout le visage, ses yeux ou alvéoles où semblent tressaillir en bijoux d'argent, toute sa mâle et spirituelle laideur, il ressemble à quelque Socrate dessiné par Hokusai.
- La "verte" est un des nombreux surnoms de l'absinthe, prohibée en France à partir de 1914. Cette liqueur fut très prisée dans les milieux artistiques, et bien au-delà puisque l'on en produisit trente-six millions de litres en 1910.
- Verlaine photographié au café François Ier, l'un de ses QG.