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hésiode

  • Prométhée***

    Le mythe grec de Prométhée fascine depuis plusieurs siècles. Luc Ferry ne pouvait donc manquer de l'inscrirewebzine,dessin,presse,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,prométhée,pandore,luc ferry,glénat,clotilde bruneau,giuseppe baiguera,francis bacon,sagesse des anciens,lucifer,adam,ève,platon,protagoras,eschyle,hésiode,apollonios de rhodes au programme de la série d'albums consacrés aux mythes antiques qu'il supervise pour le compte des éditions Glénat.

    L'homme et la condition humaine sont en effet au centre de cette fable dont la littérature grecque antique donne déjà plusieurs versions (Hésiode, Eschyle, Platon à travers Protagoras, Apollonios de Rhodes...), sans compter les nombreuses versions latines.

    Au moyen-âge, le mythe biblique d'Adam et Eve, traitant du même thème sur le mode allégorique, éclipsa cette version grecque de la création de l'homme et des limites assignées à son génie. Plus érudite et moins soumise à la censure que le Moyen-âge, la Renaissance s'intéresse de plus près à la sagesse grecque et la confronte à la sagesse biblique.

    L'apogée de cette érudition est l'élucidation de quelques mythes grecs par le savant philosophe Francis Bacon Verulam (1561-1626), qui publia un mince ouvrage intitulé "La Sagesse des Anciens" ; cet ouvrage sera au XVIIe siècle un des premiers "succès de librairie". D'une certaine manière, la collection de bandes-dessinées dirigée par L. Ferry s'inscrit dans cette tradition.

    L'homme moderne est parfois qualifié de "prométhéen", dans la mesure où il préfère s'appuyer sur son propre mérite ou sa propre raison plutôt que sur une vérité venant du ciel, révélée par dieu. En procurant le feu et sa maîtrise à l'homme, Prométhée lui donne le moyen de dominer toutes les autres espèces vivantes et, par conséquent, un pouvoir titanesque (P. est le fils du titan Japet). Pour la raison qu'il repose surtout sur l'invention technique, on peut encore dire l'Occident moderne "prométhéen". Cela explique la reprise du mythe de Prométhée dans les temps modernes, tantôt pour exalter Prométhée, tantôt pour le flétrir ou montrer ses limites ("Frankenstein" de M. Shelley).

    Francis Bacon prend appui sur la fable grecque pour éclaircir la fable juive de la Genèse. La plus souvent les interprètes du moyen-âge prenaient au premier degré le mythe d'Adam et Eve, et son sens secret ou allégorique leur demeurait caché. L'analogie entre Prométhée et Lucifer permet ainsi de de mieux comprendre le sens de la sanction qui frappe l'humanité (le travail). Cette sanction ou cette peine peut s'interpréter en termes de limites.

    Promoteur acharné du progrès de la science, F. Bacon discerne dans le mythe de Prométhée une incitation pour l'homme à ne pas se reposer sur ses lauriers et à faire preuve d'humilité, au lieu de se comporter avec arrogance comme il fait trop souvent dans le domaine de la science : "Vient ensuite une partie de la parabole tout à fait remarquable. Les hommes, au lieu de manifester leur reconnaissance, se répandirent en reproches, s'indignèrent et entreprirent de dénoncer Prométhée pour le vol du feu devant Jupiter. (...) L'allégorie veut signifier qu'en accusant leur nature et l'art, les hommes font preuve d'un excellent état d'esprit, qui leur réussit, alors qu'en faisant le contraire ils attirent la haine des dieux et le malheur. Car ceux qui vantent à l'excès la nature humaine ou les arts déjà acquis, qui prodiguent leur admiration pour les choses qu'ils connaissent et dont ils jouissent, qui veulent enfin faire passer pour parfaites les sciences qu'ils professent et cultivent, ceux-là manquent d'abord de respect à la nature divine, puisque c'est tout juste s'ils ne donnent pas à leurs oeuvres le même degré de perfection."

    F. Bacon tire du mythe une mise en garde contre la confusion entre "progrès technique" et "science" dont on ne peut pas dire que la culture occidentale moderne a beaucoup tenu compte.

    Luc Ferry (philosophe disciple d'E. Kant) propose en annexe une interprétation du mythe plus conforme à la culture moderne ; parce qu'il s'ennuyait, du haut du mont Olympe, Zeus aurait créé l'homme afin de se divertir, explique L. Ferry. Prêter la "faculté" à Zeus de s'ennuyer, faculté typiquement humaine, revient à suggérer que Zeus est le produit de l'imagination humaine... Il ne s'agit pourtant pas dans le mythe grec de sonder l'intention de dieu, mais bien les limites de l'homme à travers son créateur, Prométhée. L. Ferry a d'ailleurs choisi de privilégier la version du sophiste Protagoras sur celle d'Hésiode, plus sévère à l'égard de Prométhée.

    Il est une question à laquelle Luc Ferry voudrait répondre à l'occasion de son travail de mise en valeur des mythes antiques : pourquoi continuent-ils de fasciner autant ?

    On peut répondre que le darwinisme et la théorie du "big-bang", qui jouent le rôle de substitut des mythes antiques dans la culture occidentale contemporaine (en fournissant une réponse à la question de l'origine de l'homme et de l'univers), se sont avérés impropres à fonder une sagesse, voire une éthique. Pire, le darwinisme a inspiré la théorie de la compétition raciale nazie, et il inspire encore celle de la compétition économique capitaliste. L'homme se voit réduit tantôt à sa dimension animale, tantôt à une "aberration" (Hubert Reeves), ce qui ne constitue pas moins une impasse sur le plan anthropologique. De façon surprenante, les mythes antiques paraissent mieux tenir compte de la réalité que les hypothèses fondées sur le raisonnement scientifique.

    Le triomphe de la raison moderne sur les mythes paraît un pur slogan au regard du champ de ruines et des massacres perpétrés au XXe siècle par les nations occidentales.

    Clotilde Bruneau, qui a effectué le travail d'adaptation scénaristique du mythe, soulève dans une interview une difficulté significative, à laquelle le travail d'adaptation en BD s'est heurté : tandis que la bande-dessinée moderne obéit au code de la fiction et se doit d'être chronologique, les mythes grecs ont avant tout une portée symbolique. L'incohérence des mythes antiques, qu'ils soient grecs ou bibliques, indique qu'ils recèlent une signification allégorique.

    De même, l'écart est assez net entre le type de dessin très "américain" retenu pour illustrer la collection, et la simplicité du dessin des vases grecs antiques sur lesquels les scènes de la mythologie étaient représentées.

    Prométhée et la boîte de Pandore, par Luc Ferry, Clotilde Bruneau et Giuseppe Baiguera, éd. Glénat 2016.

  • Enlevée aux Enfers

    Après ce fameux partage du monde entre Zeus, Poséidon et Hadès, et comme la plus vile partie lui fut échue, c'est-à-dire le monde souterrain, aucune femme ne voulant convoler avec le dieu des enfers, celui-ci jette son dévolu sur Perséphone et la ravit, au guidon de son quadrige.

    Après la biographie de Dionysos, celles de Dédale et Prométhée, j'entame celle de Perséphone qui paraîtra dans le quatrième n° de Zébra.

    - Tu ne crois tout de même pas que la foudre est lancée du ciel par un dieu barbu ?, m'interroge un comparse.

    - Ce que je crois, c'est que les anciens Grecs préfèrent donner de l'univers une explication imagée, plutôt que par des lois abstraites. Perséphone, à qui il fut finalement permis de vivre la moitié de l'année chez sa mère, tandis que son époux infernal la retenait l'autre moitié du temps, illustre les saisons, froides et stériles, ou au contraire chaudes et fécondes. Les paysans de l'Antiquité lui vouèrent ainsi un culte, tout comme les jeunes mariées...

    François LR

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    A DEMETER

    J'entame l'hymne à Déméter,

    déesse majestueuse,

    ses cheveux sont beaux, et fines les chevilles

    de sa fille, qu'Hadès a soudain prise ; et Zeus au tonnerre

    y consentit, lui qui voit loin.

    Non loin de Déméter (qui possède un couteau d'or et des fruits superbes),

    jouant avec les filles d'Océan (que leurs seins sont beaux)

    elle cueillait des fleurs,

    dans une prairie d'herbe tendre

    roses, crocus et violettes aimables,

    flambes d'eau, jacinthes,

    et ce narcisse, qui piège les filles

    (elle est comme une fleur nouvelle)

    Zeus y a consenti, Terre l'a fait pour plaire

    au dieu du séjour des morts.

    Merveille lumineuse ;

    tous frissonnaient en la voyant,

    "tous", c'est-à-dire les dieux éternels,

    et les hommes simples mortels.

    En partant de la racine,

    cent têtes fleurissaient

    et le parfum le plus doux

    faisait sourire la terre

    et, par-dessus, le ciel immense,

    et les vagues salées de la mer.

    Elle fut saisie d'effroi,

    leva ensemble les deux mains

    pour prendre ce bel objet ;

    le sol s'ouvrit, où l'on chemine.

    C'était dans la plaine de Nysa ;

    là surgit le dieu des enfers,

    sur ses chevaux immortels,

    fils de Kronos (il a beaucoup d'autres noms).

    Il la prit (elle ne voulait pas)

    sur son char doré

    et elle pleurait ; et elle cria

    à pleine voix et son cri s'éleva,

    appelant Zeus son père

    là-haut dans sa majesté. (...)

    Hésiode (VIIIe s. av. J.-C.)