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- Au programme cette semaine : 1. "Full Stop, le génocide des Tutsis au Rwanda" par F. Debomy et E. Prost ; 2. Le député californien Robert Garcia ne jure que par la BD ; 3. La Gidouille briochine en hommage à A. Jarry ; 4. L'Ere du soupçon d'antisémitisme ; 5. Caricatures par Jean Mazurie, Deligne, Foolz & Zombi.
(par Frédéric Debomy et Emmanuel Prost - éd. Cambourakis, 2019)
Au coeur des ténèbres rwandaises
« Full-stop, le génocide des Tutsis du Rwanda » : il ne s’agit pas ici d’une BD ordinaire, mais plutôt d’un contraste ; le contraste entre la paix retrouvée au Rwanda, petit pays d'Afrique de l'Est densément peuplé, peint ici par Emmanuel Prost en rouge, vert et bleu, complètement cabossé par ses « mille collines » boisées d’où lui vient son surnom, et d'autre part l’effort du collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) d’Alain et Dafroza Gauthier, pour que le massacre des Tutsis par les Hutus ne tombe pas dans l’oubli (environ un million de Tutsis ont été torturés et massacrés dans un pays comptant 12 millions d'habitants).
Cet effort passait par la condamnation en 2018 des maires de la commune de Kabarondo, Octavien Ngenzi et Tito Barahira, pour génocide et crime contre l’humanité (rejoignant ainsi une poignée de condamnés pour des chefs d'accusation similaires). Ces deux meneurs ont nié jusqu'au bout leur participation, malgré des témoignages accablants de survivants. Bien au-delà des mensonges des meneurs et des responsables directs, Frédéric Debomy relate l’isolement de ceux qui ont tenté de reconstituer les faits avec un maximum de précision pour élucider ce crime politique, qui vient s’ajouter à la liste déjà longue et effroyable des crimes politiques du XXe siècle.
La cause israélienne s’est emparée du génocide des Juifs ; ou bien encore la cause arménienne, ukrainienne (Olodomor)... : dans le cas du génocide au Rwanda (1994), aucun parti n’appuie les enquêteurs. Ils ont été accusés d’être à la solde du chef rebelle Tutsi Paul Kagamé, actuel chef de l'Etat rwandais ; celui-ci semble plutôt avoir fait le choix de jeter le manteau de Noé. Les procès ne dissipent pas toutes les ténèbres.
Depuis la publication de cet album en 2019, le rapport Duclert sur le rôle de la France dans le génocide contre les Tutsis a conclu en 2021 à «une responsabilité lourde et accablante» de la politique menée par l’Elysée (la France ayant pris le relais de la tutelle coloniale belge).
On dispose par ailleurs du témoignage du commandant de la force d’intervention armée de l’ONU, présente sur place au moment des massacres, le général canadien Roméo Dallaire ; or ce témoignage pointe nettement la responsabilité de l'ONU.
Le Rwanda reste aujourd'hui sous la tutelle, plus discrète qu'avant mais néanmoins bien réelle, de puissances étrangères, ce qui rend le travail des historiens ardu.
(suite de la revue de presse sur Beehiiv)