Petit jeu littéraire

On pourra s'amuser à essayer de reconnaître un maximum des étoiles de la littérature française, caricaturées ici par P. Bercovici pour faire la publicité pour un ouvrage d'initiation sur le sujet. J'en compte quinze en tout, à l'exclusion de La Fontaine, seulement suggéré par ses attributs.

Cet album (aux Arènes BD, rédigé par Catherine Mory) ne mérite pas d'être étrillé comme son cousin consacré à la science, parrainé par Cédric Villani, qui est un gros pudding indigeste, parfaitement anti-historique.

On remarque au passage que l'auteure, Catherine Mory, a cédé au politiquement correct en "annulant" (comme disent les Américains) Louis-Ferdinand Céline, absent de "L'Incroyable histoire de la littérature française" - situation paradoxale puisque la cote de Céline ne cesse de monter aux Etats-Unis.

- Avis personnel, Arthur Rimbaud me paraît très surcoté. La seule chose vraiment émouvante de ce poète franc-comtois, c'est cette lettre en prose à sa mère, réclamant des bas de contention quand il est en train de crever à Marseille ; le reste est un peu trop génial. On sait ce que c'est d'avoir un président de la République qui est un génie précoce !

Le XXe siècle est logiquement sur-représenté, puisque c'est le siècle de l'immodestie triomphante ; le XIXe siècle aussi, d'ailleurs, mais on est étonné de ne pas voir figurer Balzac sur la publicité de Bercovici. Ni Rabelais !... dont Céline fait pourtant le père de la seule littérature française digne de ce nom, la comique, histoire d'enfoncer le clou de son anti-académisme. La littérature, comme la science du reste, progresse contre la théorie académique.

(Réponse bientôt dans les commentaires)

Revue de presse BD (340)

Caricature du peintre Toulouse-Lautrec en train de dessiner sur le motif.

+ L'abstraction, c'est-à-dire la part mystique ou émotionnelle de l'art, n'est pas la seule tendance "lourde" de l'art moderne. La caricature ou la satire sont une autre tendance, non moins marquée, particulièrement nette dans l'oeuvre de Toulouse-Lautrec.

"Vitalité", le mot est sans doute juste pour parler de l'art de Lautrec, dont la vocation artistique naît à l'occasion d'une terrible maladie qui dévie le cours de son destin. Mais l'aspect caricatural ou satirique de cette oeuvre saute aussi aux yeux et ces adjectifs ne sont pourtant pas prononcés une seule fois par les commissaires de la rétrospective consacrée à l'artiste au Grand Palais (jusqu'au 27 janvier).

Dans leur présentation, ceux-ci préfèrent insister sur le rôle pionnier de Lautrec, sous-estimé ; ou encore sur la "tendresse" de Lautrec à l'égard des femmes (?) ; une chose est sûre, au contraire de beaucoup de cinéastes Lautrec préférait peindre les actrices sans fards et d'une façon qui ne devait pas encourager leur vanité, bien qu'il a donné aussi quelques belles affiches promotionnelles. 

- La websérie complètement débile produite par le musée, destinée sans doute à attirer un public plus jeune, en dit long sur l'ambition des autorités culturelles de "démocratiser l'art".

+ Les éditions Arènes-BD publient une "Incroyable histoire de la littérature française", par Catherine Mory (texte) et Philippe Bercovici.

"Incroyable", cette bande dessinée l'est en effet, puisqu'elle ne mentionne même pas Louis-Ferdinand Céline au nombre des auteurs qui ont marqué le XXe siècle, ce qui revient à oublier Picasso dans un ouvrage sur la peinture de son temps.

Catherine Mory appartient à l'Education nationale, qui a largement censuré Céline pour des raisons un peu troubles.

Le critique littéraire Philippe Sollers a indiqué récemment dans une émission de télé la vraie raison de la censure : non pas tant son antisémitisme que l'anticommunisme précoce et virulent de Céline. Confirme cette explication la censure dans une réédition récente de "Féérie pour une autre fois" (1952) d'un passage où Céline met en cause la pureté d'intention de certains résistants communistes montmartrois.

On recommande plutôt les "Vies littéraires" d'Edouard Sorel, où ce caricaturiste américain prend un malin plaisir à montrer les stars de la littératures mondiales en délicate posture morale, à commencer par les donneurs de leçons.