krach
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Websérie "Vive le Cynisme !" (6)
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Palmer en Bretagne**
J’avoue n’être pas un inconditionnel de Pétillon en général. Son comique est un peu le comique de situation de Feydeau, appliqué au personnel politique.
Avec sa BD satirique sur la Corse («L’Enquête corse»), Pétillon s’est hissé au sommet de son art, s’élevant du niveau du comique de situation à celui, un cran au-dessus, du comique géographique. Il faut dire que la Corse est une source majeure de comique en politique, et non seulement une cause de terrorisme (je pense ici surtout à Napoléon).
Une source de comique, car la Corse semble faire un doigt d’honneur au progrès social, et indiquer que ce dernier ne mettra jamais fin aux instincts les plus archaïques, capables de résister indéfiniment à tous les arguments du progrès. L’orgueil autarcique corse et l’arrogance de la fonction publique moderne, placés côte-à-côte, forment un duo cocasse. Le mérite de Pétillon fut d’avoir repéré cette situation.
On ne trouve rien de tout ça dans «Palmer en Bretagne» ; pas d’exploration de l’âme bretonne (si féminine et pleine de sympathie pour la mort et ses légendes). Le titre est trompeur. Le séjour du détective emblématique de Pétillon dans le Finistère n’est qu’un prétexte. Prétexte à une vague intrigue policière, doublée d’une satire de l’art moderne et de ses acteurs/actionnaires. Une satire un peu facile. Sur le même sujet, «Alexandre Pompidou - Lard Moderne», de Cornette, Frissen & Witko, était un pamphlet plus corrosif et malicieux, ajoutant à l’observation de l’escroquerie des galeristes et de la bêtise des collectionneurs, l’observation des mœurs hystériques des milieux bobos passionnés d’art contemporain et le fonctionnement délirant des écoles d’art.
Dès le début de la crise mondiale, Jean d’Ormesson claironnait de sa voix fluette sur les plateaux télé à qui voulait l’entendre, que le krach des valeurs boursières entraînerait un krach de l’art. Aussi académique soit d’Ormesson, il a conscience de la solidarité des valeurs modernes entre elles, et que les formes de l’art moderne épousent essentiellement celles du patrimoine moderne, dont la complexité s’est accrue. Pétillon brode son intrigue autour de ce stade intermédiaire du krach, où la décote se fait seulement sentir au niveau des assurances.
Certains magazines spécialisés font valoir que les critiques à l’égard de l’art moderne sont de plus en plus nourries ; il serait plus juste d’observer que l’argument de la modernité n’a jamais vraiment convaincu en France, en dehors de cercles intellectuels restreints, «liés» à des idéologies aujourd’hui périmées et à l’appui des pouvoirs public.
Du point de vue artistique, il faut dire que la France est assez "nietzschéenne". La force émotionnelle de l’art moderne est, en effet, essentiellement d’ordre rhétorique, c’est-à-dire religieux. Or, non seulement les Français ont tendance à n’attribuer aux mots qu’une valeur relative, mais bien souvent, à l’instar de Nietzsche, une puissance émotionnelle de second ordre.
Palmer en Bretagne, R. Pétillon, Dargaud 2013.
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Revue de presse BD (44)
+ Le dessinateur satirique Terreur Graphique a ouvert un tumblr où il publie les caricatures de ses confrères et (ex-)amis.
+ Peut-être une solution pour les auteurs de BD indépendante dans la dèche: l'exil au Etats-Unis. Le marché est plus grand, et le niveau de la concurrence... eh bien, jugez plutôt par vous-même dans ce catalogue d'auteurs de comics (2012) publié par Françoise Mouly.
+ Extrait (épisode complet) à lire en ligne d'une BD publiée par les éditions Colosse. Sur des vieux cons qui faisaient des fanzines BD quand ils étaient plus jeunes. Plutôt marrant.
+ Une petite BD sur la grandeur et la décadence du Hip-hop dans le fanzine "Gonzaï". Mais ils ne causent pas de Ménélik, et moi je ne jure que par Ménélik.
+ Dans "Zoo" n°46 (mars), Didier Pasamonik conclut son article sur la crise du marché de la BD de cette façon: "Par ailleurs le cinéma est une industrie", concluait André Malraux dans son "Esquisse d'une psychologie du cinéma". Il en est de même pour la BD.(...)" C'est complètement faux : la réalité est que le cinéma est nécessairement une industrie : il ne peut pas, ou n'a pas pour l'instant échappé aux conditions de production industrielle, auxquelles la BD n'est pas nécessairement astreinte, elle. Le président du festival d'Angoulême, Benoît Mouchard, rappelait d'ailleurs récemment qu'"un gros éditeur de BD" fait à peu près le même chiffre d'affaire qu'un gros hypermarché. Par conséquent quelques mois peuvent suffire pour que l'industrie de la BD se casse la gueule, et non pas des lustres comme pour l'industrie automobile US.
+ Sur ce blog de la bibliothèque de la Sorbonne, on défend l'idée qu'une adaption en BD, est plus originale, plus libre et moins lourde, quand elle n'est pas fidèle à l'oeuvre. Le gugusse qui a écrit ça ne se rend pas compte que, dans ce cas, ce n'est plus une adaptation ou une traduction, mais une escroquerie. Que penser d'un metteur en scène qui donnerait des pièces "librement adaptées de Shakespeare", si ce n'est qu'il cherche à coller un nom célèbre sur un point de vue subjectif.
+ Le dessin de la semaine est extrait des calepins de Lapin, auteur de carnets de voyage et d'autocollants déco., ainsi que d'automobiles et de trucs à moteur en tous genres.
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Economie & BD
La surproduction de bandes-dessinées, phénomène annonciateur d'un krach du marché, nous vaut depuis quelques années une pratique assez cocasse: la fabrication de bandes-annonces, afin de rendre tel ou tel album plus concurrentiel sur le marché.
En même temps qu'on proclame que la BD n'est pas seulement faite pour les petits garçons, on fait exactement l'inverse, en optant pour des solutions encore plus infantiles et régressives que celles des années 50, quand les auteurs de BD franco-belge ne songeaient pas à faire du "roman graphique". On témoigne ainsi d'une croyance ridicule : celle qui consiste à penser que l'art le plus élevé s'adresse aux adultes.
Ce préjugé n'a pas d'autre fondement que l'opinion du maître ou de la maîtresse d'école sur l'art, confondu avec une activité pédagogique. C'est ce qui explique que, des Etats-Unis, où le respect des institutions est grand, proportionnellement inverse à celui constatable en France, de plus en plus de BD sont importées, qui ressemblent à des traités de mathématiques ou des croûtes de Vasarely. Des BD qui croient nous impressionner en faisant de la BD dans des carrés magiques, au lieu de la faire dans des cases.
Le danger ou l'inconvénient de cette mode du sérieux, chiant ou pédagogique, c'est qu'elle laisse entièrement le champ libre au marché de se développer comme il l'entend.
Bien qu'ils vont au krach sans le savoir, et sont donc moins pragmatiques que le boulanger du coin de la rue, les acteurs économiques de la BD demeurent plus pragmatiques que ceux qui croient faire "de l'art pour l'art", et dont le bras de fer est perdu d'avance.
On se demande parfois pourquoi des auteurs de BD dite "indépendante" en trahissent l'esprit pour signer des contrats chez des producteurs de BD en gros ? Principalement parce que la BD indépendante tourne en rond: c'est une motivation et non un but, un état d'esprit qui vaut pour lui-même. C'est bien beau de jouer au samouraï, mais ça n'a aucun sens au milieu des AK-47.
Ceux qui fabriquent des bandes-annonces ne peuvent même pas faire comme Frédéric Jannin avec "Froud et Stouf", cette pub pour le festival d'Angoulême : un vrai dessin-animé ; car ce serait courir le risque d'offrir, pour que dalle, mieux que ce qui se cache sous des couvertures rutilantes et onéreuses.
Zombi & Bizette