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Revue de presse BD (148)

  Extraits de la revue de presse illustrée publiée chaque semaine en intégralité dans l'hebdo Zébra.

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Illustration des "Fleurs du mal" par Liberatore (Nunquam satiata/Jamais rassasiée)

 

+ Dans le dernier numéro du mensuel « Casemate » (mai 2015), une interview du dessinateur Tanino Liberatore à propos de son récent travail d’illustration des « Fleurs du Mal » de Baudelaire, ouvrage assez en vogue dans la jeune génération « gothique » ou nihiliste.

-          Êtes-vous un grand amateur de poésie ?

-          Pas vraiment. En général, la lecture, à part celle des magazines,  n’est pas un plaisir pour moi. Peut-être parce que, enfant, mon père me forçait à lire (…)

Cette réponse a le mérite de la franchise…

Sans se prononcer sur le travail de Liberatore, disons que la tâche d’illustrer les « Fleurs du Mal » n’est pas une chose aisée. Qui plus est, Baudelaire avait des goûts assez précis en matière de peinture et de dessin. On sait, par exemple, qu’il n’appréciait guère le travail d’illustration des mêmes « Fleurs » par le Namurois Félicien Rops. Le satanisme assez provocant de F. Rops (ancien élève des jésuites), ne correspond pas en effet au propos des "Fleurs du Mal", qui n’est pas positivement sataniste (comme Nietzsche), ni encore moins athée.

D’autres artistes encore se sont efforcés de traduire les poèmes de Baudelaire en images, tels Odilon Redon (1890), Carlos Schwabe (1900), Emile Bernard (1916), Carlo Farneti (1935), Paul Lemagny (1949), Milton Glaser (1994), Daniel Hulet (2003) (liste non-exhaustive).

 

+ Auteur pour « Fluide-Glacial » de chroniques sur les aspects méconnus de la BD (jusqu’en 2014), Yves Frémion, comme son prénom breton ne l’indique pas, est né à Lyon. N’être pas Breton est sans doute aussi ce qui explique sa tentative récente pour réhabiliter Bécassine, avec des arguments peu convaincants. En effet, si son quasi-sosie Tintin fait la fierté des Belges, Bécassine n’inspire pas les mêmes sentiments en Bretagne. La migration vers la capitale ne s’est pas faite sans douleur.

L’hommage aux qualités d’astuce et de bon sens de Bécassine par Frémion est assez subjectif et anachronique. Le fait est que cette héroïne fut baptisée par ses inventeurs « Labornez » et non « Ladégourdie ».

La réalité est bien plutôt celle de l’exigence, pour Pinchon, auteur de Bécassine, de rendre son héroïne attachante en gommant un peu sa stupidité primitive, à mesure que la série se poursuit. L’éloge du « caractère populaire », qui serait valable pour qualifier « Guignol », par exemple, ne l’est pas ou beaucoup moins en ce qui concerne Bécassine.

Surtout, on ne peut cautionner la comparaison faite par Frémion entre Bécassine et le « Sapeur Camembert ». Le ton de Christophe est beaucoup plus ironique. S’il se moque d’un certain type populaire, Christophe n’épargne aucun milieu. Il fait douter, par exemple, du sens des responsabilités des savants modernes, voire de leur équilibre mental, dans le « Le Savant Cosinus ». Christophe flirte avec l’humour noir, ce qui n’est pas le cas de Pinchon.

Dire que Bécassine n’est pas xénophobe oblige à dire que Tintin était également dépourvu d’intention xénophobe. La propagande colonialiste est plus subtile que le simple préjugé raciste.

 + Le dernier webzine de la « Féco-France », principale association de dessinateurs de presse française, daté du printemps 2015, vient de paraître. Le massacre des dessinateurs de « Charlie-Hebdo » est encore présent à tous les esprits dans cette profession, et « Fécocorico » publie quelques dessins assez revanchards. Si ce n’est le racisme ou l’islamophobie Le thème des noyades de migrants en Méditerranée est aussi largement traité en dessins, mais l’on se refuse d’établir un lien entre les « dommages collatéraux » des politiques économiques occidentales et les progrès de l’islam radical dans le monde arabo-musulman.

Le rédacteur en chef de « Fécocorico », Pierre Ballouhey, tance les chaînes de télévisions qui font usage de caricatures pour illustrer leur propos, sans mentionner le nom de leurs auteurs, en même temps que la place du dessin de presse dans les journaux diminue.

La rubrique « Coup d’œil dans le rétro », signée de l’acronyme JMB, relate la mésaventure survenue sous l’Occupation à Bernard Aldebert, dessinateur de presse. L’un de ses dessins, pris semble-t-il par erreur pour une caricature de Hitler, l’envoya directement en camp de concentration (Mauthausen), puis en camp de travail où il fut affecté à la construction d’une usine de Messerschmitt (avions de chasse allemands), creusée dans la montagne, dans les conditions extrêmement pénible que l’on devine.

Après sa libération, Aldebert publia le récit illustré de ce chapitre dramatique de sa vie.

Cet article signé JMB est abondamment illustré sur trois pages.

+ Sur certains blogs dédiés au dessin de presse français, on trouve cette remarque qu’aucun caricaturiste n’avait été assassiné ou condamné à mort depuis la révolution française de 1789, pas même sous l’Occupation, depuis l’expédition punitive des frères Kouachi. La remarque n’a guère de valeur historique, dans la mesure où, comme les philosophes, essayistes ou historiens qui se sont penché sur le phénomène du totalitarisme l’indiquent : les modalités de la censure ne sont plus les mêmes aujourd’hui qu’il y a trois, deux, ou même un siècle. Hannah Arendt signale par exemple les effets de la culture de masse en termes de censure, ses conséquences sur l’esprit critique (in : « La Crise de la Culture »). A contrario le ministère de la Culture n’hésite pas à fournir sa caution à cette culture de masse, bien loin des philosophes des Lumières qui déploraient l’effet abêtissant du théâtre sur le peuple.

A juste titre Jean Moulin n’est pas mentionné parmi les dessinateurs de presse qui ont payé de leur vie leur impertinence ou leur propos satirique. Cependant l’ancien préfet, chef d’un mouvement de Résistance arrêté par la Gestapo en 1943 et décédé peu après, a bien été dessinateur de presse, sous le pseudonyme de Romanin ; ce fait est le plus souvent mentionné comme un détail de sa biographie, quand il n’est pas complètement passé sous silence. Cependant Romanin-Moulin n’était pas exactement un « amateur », quoi que le démon de la politique a fini par l’emporter, chez lui, sur celui du dessin ; son style évoque parfois celui de Chas Laborde, artiste confirmé—et Romanin croque très bien le peintre Foujita.

(Une monographie de Nicole Riche aux éds. Paris-Max Chaleil (2011) est consacrée à cet aspect de la carrière de Jean Moulin.)

+ Une petite vidéo par le site « Case d’histoire » (spécialisé dans la BD « historique » permet à ceux qui ont raté l’expo. Gus Bofa à l’atelier de Cézanne, lors du festival de bande-dessinée d’Aix-en-Provence, de jeter rétrospectivement un coup d’œil dessus. Le thème en était : « L’Assassinat considéré comme un des beaux-arts », ouvrage de Thomas de Quincey illustré par Bofa (1883-1968). E. Pollaud-Dulian, qui s’attache depuis plusieurs années à faire mieux connaître cet illustrateur émancipé des contraintes esthétiques de son temps, y présente les eaux-fortes (retenues et refusées) de Bofa pour « L’Assassinat ». Le « pessimisme » de Bofa est un poncif ; les humoristes ont en effet rarement une conception religieuse ou optimiste de l’existence comme un lit de roses ou une bouffée de haschisch. Tous les auteurs satiriques, à commencer par les plus grands, Shakespeare ou Molière, peuvent donc être taxés de pessimisme. A l’inverse les régimes et les cultures totalitaires peuvent être taxées d’optimisme.

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