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  • Paris La Rouge*

    Catalogue par Rémi Kauffer (éd. Perrin) des personnages et mouvements révolutionnaires et terroristes quiwebzine,bd,zébra,gratuit,fanzine,bande-dessinée,critique,paris,rouge,rémi kauffer,perrin,le point,le figaro,lénine,marx,bakounine,pol pot,engels,terrorisme,révolution ont trouvé refuge au cours des derniers siècles dans la capitale française, à compter de Bakounine et Marx jusqu'aux "Irlandais de Vincennes" et aux djihadistes musulmans.

    "Catalogue" est ici volontairement péjoratif car l'ouvrage de R. Kauffer s'apparente à une énumération ; de colonne vertébrale on ne distingue pas. Le bouquin repose sur le constat de la quantité : quantité d'apôtres ou d'acteurs de la révolution, de Bakounine à Pol Pot en passant par Lénine, Blanqui, les Brigades rouges, etc., a fait escale à Paris, le plus souvent fuyant la police, profitant d'une relative tranquillité pour y échafauder leurs plans de révolution(s).

    Paris a été le théâtre de plusieurs soulèvements révolutionnaires : cela fut-il un motif pour des révolutionnaires en herbe de s'y réfugier, ainsi que le suggère R. Kauffer ? Peut-être indirectement, mais il ne faut pas sous-estimer des motifs plus pragmatiques, comme la position géographique centrale de Paris, plus facile d'accès que Londres.

    Le cas de Marx est significatif, car il se rendit avec sa famille en priorité où la police ne les traquait pas encore ; leur fuite s'achèvera à Londres, où Marx trouva le meilleur accueil (et la meilleure bibliothèque) ; du reste l'admiration de Marx pour les révolutions françaises est très mitigée.

    R. Kauffer rapporte que Lénine détestait Paris ("trou infect"), préférant de loin être exilé en Suisse.

    "Paris La Rouge" fourmille de détails sur le séjour à Paris de révolutionnaires souvent adeptes de la violence, dont l'auteur tente tant bien que mal (la place est comptée) de résumer les idéologies.

    Comme Rémi Kauffer collabore au "Figaro magazine" et au "Point", deux organes de presse en charge de la propagande de quelques industriels capitalistes français, rien d'étonnant à ce que son recueil soit plus idéologique qu'historique.

    Tout d'abord, en amalgamant des mouvements terroristes et révolutionnaires assez divers, R. Kauffer s'efforce de discréditer les uns à l'aide des autres. Ainsi la violence actuelle des djihadistes, qui choque de nombreux Français (bien plus que la violence des milliers d'accidents de la circulation imputables à l'industrie automobile), cette violence est faite pour raviver le souvenir des attentats révolutionnaires et anarchistes perpétrés au cours des siècles passés, non moins effrayants.

    Une telle rhétorique occulte ou dissimule autant que possible la violence et la privation de liberté contenue dans la notion "d'ordre public".

    En pointant la responsabilité de l'école républicaine actuelle et la suppression du service militaire (!?) dans le terrorisme contemporain, R. Kauffer suggère que les djihadistes sont des personnes mal éduquées ; de là à dire que le terrorisme est entièrement dépourvu de légitimité, il n'y a qu'un pas. Exit l'ingérence des Etats occidentaux dans la plupart des gouvernements du Tiers-Monde afin de favoriser l'exploitation de leurs ressources en main-d'oeuvre et richesses minières ou pétrolières... Pourtant on devine que l'islam, à l'instar du marxisme-léninisme ou la théologie de la Libération naguère, exprime avant tout le rejet de l'impérialisme occidental. La religion a souvent servi de prétexte et de cadre à la domination des élites au cours de l'histoire moderne, cependant il arrive aussi parfois qu'elle serve de prétexte au soulèvement populaire.

    L'ouvrage de Rémi Kauffer illustre aussi la fascination de la bourgeoisie pour les mouvements révolutionnaires, fascination d'ailleurs en partie réciproque. La violence révolutionnaire a souvent été à l'origine de bouleversements politiques et sociaux entérinés ensuite par la bourgeoisie, de sorte que les régimes bourgeois entretiennent une sorte d'imagerie pieuse de la Révolution et de la violence terroriste. La "démocratie" est un exemple d'idéal révolutionnaire, très éloigné des principes républicains, que la bourgeoisie a fini par adopter... pour mieux le vider de son sens révolutionnaire.

    De leur côté, les révolutionnaires s'efforcent bien entendu de prendre la plus grande distance avec l'ordre public et la culture bourgeoises, mais l'usage de la violence, en soi, n'a rien de révolutionnaire ou de neuf ; or la plupart des mouvements révolutionnaires ne parviennent pas à s'en détacher, revenant ainsi au régime d'oppression d'abord maudit. La révolution ne fait ainsi que rebattre les cartes, mais c'est le même jeu qui continue.

    Le motif de la science et de l'histoire, caractéristique de Marx et Engels, qui se proposent ainsi de triompher des élites bourgeoises sur le terrain de la pensée, a contribué sans doute à l'aura exceptionnelle de la révolution marxiste. Cependant, en se plaçant sur le terrain de l'histoire et des bouleversements politiques, Marx est conscient que la bourgeoisie et la violence révolutionnaire sont deux phénomènes indistincts. En prédisant l'autodestruction du capitalisme, prédiction à laquelle chaque nouvelle crise mondiale fait écho, Marx prête au capital une force révolutionnaire sans commune mesure avec le terrorisme proprement dit.

    Paris la Rouge, par Rémi Kauffer, éd. Perrin, 2016.

  • Economix**

    L’impression que les lois de l’économie échappent aux experts eux-mêmes (les fonctionnaires de Bercywebzine,gratuit,zébra,fanzine,critique,kritik,economix,les arènes,adam smith,économie,science,jacques attali,karl marx,engels pratiquent-ils l’onanisme dans leur grand paquebot ?) incite le grand public à se prendre en main et s’informer lui-même, tant nos vies paraissent réglées par un grand logiciel implacable qui tourne en roue libre. C’est à ce motif de curiosité inquiète que répond l’auteur – américain – d’une volumineuse BD, Economix, récemment publiée par les Arènes.

    -          Leçon n°1 : en matière d’économie, mieux vaut ne pas se fier aux experts. On se souvient du mot de Jacques Attali au plus fort de la tempête des subprimes, involontairement comique, claironnant qu’il avait prévu la crise… dans les trente années à venir. Imaginez le garagiste : «J’avais bien vu que vos plaquettes de frein étaient usées, mais je pensais que vous pouviez encore rouler quelques centaines de km.»

    Le discours des experts économique au plus fort de la crise fait penser à celui des médecins au chevet des grands malades: -Accrochez-vous !, disent-ils en croisant les doigts dans le dos. En dernier recours, une petite prière à mère Nature afin d’accorder une rallonge n’est pas de trop.

    En définitive on en revient à l’hymne païen de Pangloss : «Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.» ; et on peut se demander si penser l’économie ne revient pas à faire le vide dans sa tête, et ne penser à rien. Les abeilles ou les castors n’ont pas d’experts économiques, et ils s’en sortent plutôt pas mal.

    Le bouquin rappelle d’ailleurs que les économistes libéraux les plus prudents, Adam Smith par exemple, définissent le travail et l’argent comme une puissance naturelle. Il convient donc seulement d’éviter à l’homme les lames de fond et les cyclones trop violents par quelques mesures ou plans artificiels. Smith vitupère les spéculateurs ou les capitalistes qui jouent avec le feu. Seulement voilà, il est trop tard, puisque l’Occident est entièrement converti à ce jeu, que ses institutions politiques reflètent et d’où il tire sa supériorité. Il est aussi difficile de faire machine arrière que de transformer le Titanic en canot de sauvetage. J’emploie volontiers des métaphores, puisque le discours économique a tendance à dissoudre les métaphores dans les statistiques et le calcul, d’une manière perceptible aussi sur le plan culturel ou artistique.

    Point positif de ce bouquin également, il fustige l’usage des formules mathématiques dans le domaine économique; elles ont le don de conférer une aura scientifique à des théories qui ne le sont pas, et de procurer une confiance excessive, quand la prudence est surtout requise.

    En effet, «l’exploitation des ressources humaines», selon l’expression qui convient pour qualifier l’esclavage moderne, peut parfois, qui sait, se heurter à la conscience humaine d’une manière imprévisible ? J’ai observé pour ma part que les escrocs sont plus avisés que les experts en matière économique (je soupçonne d’ailleurs que Jérôme Kerviel était parfaitement honnête et persuadé du sérieux de son métier et de ses études): or les escrocs se fient plus à leur instinct qu’aux formules mathématiques.

    Engels et Marx sont résumés aussi dans Economix, qui se veut la première histoire de l’économie en BD, mais dont le ton est parfois un brin moralisateur, hélas.

    Marx à juste titre, puisqu’il fut et reste sans doute l’analyste le plus complet du phénomène de la mondialisation et de la soumission des élites intellectuelles à des systèmes de pensée, notamment le système hégélien, dont on voit qu’il prévaut encore en matière d’art, alors même qu’il est le système le moins susceptible d’enrayer ce que les marxistes qualifient de fétichisme, qui aboutit à se prosterner devant l’argent et son pouvoir de déclencher l’émotion ou la passion humaine.

    Il semble en effet utile de joindre à l’étude de l’économie celle de l’art, ainsi que l'ont fait Marx et d’autres penseurs, et comme ne le fait pas assez Economix, bien qu’il participe d’une volonté artistique d’élucider la bêtise de l’action économique pour mieux y résister (la bêtise qui consiste essentiellement à se soumettre aux forces de la nature, dont l’économie n’est qu’une prothèse, ou à lui opposer des concepts et une éthique creux).

    Le défaut de l’ouvrage est de ne proposer qu’un panorama des différentes thèses ou pensées économiques successives, sans remettre en cause la démarche anthropologique de la «science économique». Celle-là lui donne sans doute cet aspect complexe et inintelligible, caractéristique selon Orwell de l’intellectualisme et des intellectuels, qui semblent ainsi trouver dans les replis de leurs pensées une sorte de confort assez inédite dans l’histoire de l’humanité.

     De même, puisque la prétention historique est ici affichée, on peut reprocher à l’ouvrage de s’abstenir de faire la remarque que l'enseignement économique libéral dominant a le don d’affranchir le progrès économique et technique de son rôle majeur dans le déclenchement des guerres mondiales, qui résultent largement de l’essor industriel.

    Economix - Michaël Goodwin & Dan E. Burr - Les Arènes, 2013.

    (Zombi - leloublan@gmx.fr)

  • Marx**

    C’est la mode en BD de présenter ou d’introduire des philosophes réputés, voire des hypothèses webzine,bd,gratuit,fanzine,zébra,bande-dessinée,kritik,critique,karl marx,engels,marxisme,biographie,révolutionnaire,hegel,stalinienscientifiques tarabiscotées, auxquelles les  non-initiés ne comprennent que dalle.

    Tous les outils semblent réunis aujourd'hui pour satisfaire la soif de connaissance et la combler -internet, wikipédia-, et pourtant cette soif n’en demeure pas moins aussi impérieuse, après des millénaires d’enquête.

    Il y a deux catégories d’être humains selon la dichotomie de Francis Bacon, qui fait partie des références humanistes de Karl Marx: d’une part ceux qui poursuivent le but du bonheur, de l’autre ceux qui poursuivent le but de la connaissance ou du savoir – que l’ignorance vrille autant que peuvent la soif ou la faim, et qui ne se satisfont pas de l’explication toute faite de la destinée, du hasard ou de l’Etat providentiel. Certainement Karl Marx fait partie de la seconde catégorie ; il affiche son mépris pour Epicure et l’épicurisme. C’est le principal mérite de cette BD de montrer Marx aiguillonné par la curiosité… et peut-être son seul mérite.

    L’album parvient à rendre Marx sympathique, comme le sont me semble-t-il les hommes ou les femmes insatisfaits d’eux-mêmes, et qui ne cherchent pas d’abord à se justifier par les erreurs d’autrui, ce qui est le penchant commun. Sur l’aspect didactique, en revanche, cette BD échoue à dire clairement en quoi la science de Marx est révolutionnaire et perturbe les certitudes technocratiques de son temps, qui est encore le nôtre.

    Le principal problème que la communication des ouvrages de Marx en France doit affronter n’est pas abordé dans cet album. C’est celui de la censure. En effet, Karl Marx ne partage aucune des valeurs laïques républicaines dont l’enseignement est obligatoire en France*. Les élites staliniennes ont naguère fait un effort considérable pour rapprocher Marx de Hegel, alors que celui-là n’a cessé de s’éloigner de la brillante théorie du progrès national-socialiste. Tout simplement parce que l’hégélianisme, lui, est compatible avec l’appareil judiciaire d’une république populaire ou démocratique, contrairement à la démonstration historique de Marx que le droit républicain ne fait que prolonger le droit ecclésiastique en l’adaptant à la nouvelle donne industrielle.

    Marx et Engels ont d'ailleurs anticipé la violence républicaine catastrophique du XXe siècle, tandis que les élites républicaines européennes n’ont fait que se disculper de cette violence, postérieurement aux catastrophes mondiales, suivant une méthode religieuse caractéristique.

    Marx avait bien compris que l’institution catholique romaine était imperméabilisée contre l’histoire. Mais qu'il en va de même pour toute institution puissante, qui pour des raisons organiques ne peut pas se permettre l'autocritique.

    Les quelques dernières pages de cette BD, consacrées à l’actualité de Marx, ne font qu’accroître la déception, car c’était là un sujet bien plus intéressant. Et Marx n’aurait accordé à sa propre biographie aucune espèce d’intérêt, n’étant pas de ces artistes qui se contemplent ou se projettent dans leurs ouvrages, en pensant qu’ils les prolongeront dans l’au-delà.

    Les auteurs, Corinne Maier et Anne Simon, constatent que chaque nouvelle crise économique remet au goût du jour la fameuse observation de Marx : «Le Capital est le pire ennemi du Capital», fortement évocatrice de la spiritualité juive dressée contre la tour de Babel, qui symbolise l’anthropologie ou le langage, et s’écroule d’elle-même. Parodiant Marx, on pourrait dire que la force révolutionnaire des «subprimes» ou des «hedge funds», aussi imprévisibles que les cyclones, excède largement la force révolutionnaire des mélanchoniens ou des lepénistes réunis, somme toute plus nostalgiques des «Trente Glorieuses» qu’autre chose.

    *Le meilleur indice de cette censure est l'omerta sur les études critiques de Marx concernant la révolution française de 1789, dans lesquelles l'historien établit un lien entre la démocratie libérale et le populisme, très peu conforme au catéchisme républicain.

    Marx, par Corine Maier et Anne Simon, Dargaud, 2013.