par l'Enigmatique LB
bande-dessinéé - Page 239
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Caricature Paradise Papers
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La Balade nationale*
- Nous sommes au XXIe siècle, Pétain. L'ambiance en France est... étrange. On dit beaucoup de bêtises sur l'histoire de France. On l'instrumentalise dangereusement. Alors voilà: nous nous sommes dit que vous alliez remettre un peu d'ordre là-dedans.
Cette tirade, placée ici dans la bouche de l'historien Jules Michelet, donne le ton de la BD de Sylvain Venayre et Etienne Davodeau, "La Balade nationale". Une fois passé l'amusement de voir Jeanne d'Arc faire du covoiturage avec Molière, Marie Curie, le général Dumas, Pétain et Michelet, on se lasse du procédé imaginé par le scénariste pour ressusciter le goût de l'Histoire de France, tout en la dépoussiérant des vieux clichés.
"Instrumentalisation" : le mot est lâché- il résume tout. L'instrumentalisation de l'Histoire aurait pu être le sujet de cette fable. Hélas les auteurs se contentent de remplacer de vieux clichés par de nouveaux stéréotypes, l'image d'Epinal par l'image d'Epinal animée. L'image d'Epinal était grossière, naïve, on l'apprenait par coeur - elle servait de support à une sorte de catéchisme laïc ; l'image d'Epinal animée sautille, va dans un sens, puis dans le sens contraire, elle distrait pendant un moment, s'efface vite.
"Le Monde" (F. Potet) parle d'une "BD de qualité" : en réalité "La Balade nationale" est caractéristique du genre de gadget pédagogique qui est en train de transformer inexorablement l'Education nationale en gigantesque cour de récréation.
L'historien Jules Michelet -pape des historiens français- est convoqué à cause de sa gloire pour servir de caution. S. Venayre, dans la postface, explique que certaines positions de Michelet sont aujourd'hui démodées (trop nationalistes).
Avec la représentation de Pétain comme un encombrant cadavre, trimbalé dans un cercueil, les auteurs passent à côté de l'immense service rendu par Pétain à la France en amassant sur sa tête tout l'opprobre et la honte dus à la capitulation devant l'Allemagne et la déportation des Juifs. Encore un cas d'instrumentalisation, quasi-religieuse cette fois. La République a fait un petit tour au confessionnal et elle en est ressortie presque vierge. Idem pour la colonisation : quelques "mea culpa" publics ne mangent pas de pain et font l'effet d'une thérapie de groupe.
Ce qui rend l'enseignement de l'Histoire pratiquement impossible désormais, en même temps que le besoin d'un substitut à l'instruction religieuse se fait de plus en plus sentir, c'est l'instrumentalisation de l'Histoire à des fins politiques. Chaque parti réclame sa version du roman national, rebaptisé "récit national" pour faire sérieux.
L'impact de la politique sur l'enseignement de l'Histoire, au point que sa vocation scientifique s'est volatilisée, de très nombreux exemples l'illustrent. Un des plus significatifs et des plus récents est l'effet de la politique dite de "construction européenne", menée par les élites politiques à grand renfort d'encarts publicitaires jusqu'à la crise capitaliste mondiale de 2008. Cette manoeuvre politique d'envergure a complètement modifié la perspective de l'enseignement de l'Histoire de France. Il convient désormais que cet enseignement contienne la démonstration que le projet européen est un projet pacifiste, aussi peu scientifique soit cette démonstration. Cette politique imposait de combler le fossé culturel entre la France et l'Allemagne, vieil "ennemi historique".
La mode actuelle du débat autour de l'Histoire de France, plus propice à l'organisation de "talk-shows" télévisés qu'à fonder un enseignement, tient à la crise économique, phénomène déclencheur principal du repli identitaire et du scepticisme à l'égard du projet européen.
On sent la volonté de "La Balade nationale" de ménager une sorte de consensus mou, assez éloigné du caractère des différents personnages embarqués dans une fourgonnette... "Trafic Renault" (tout un symbole). L'Histoire, comme la satire, exige l'indépendance.
La Balade nationale, par E. Davodeau & S. Venayre, éd. La Découverte/La Revue dessinée, 2017.
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Caricature Affaire Weinstein
dessin de KROKUS
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Caricature Trous Noirs
La Semaine de Suzette Zombi. Mardi : Et si nos physiciens qui s'amusent depuis un siècle à modeler et remodeler l'univers comme on malaxe de la pâte à modeler étaient aussi "compétents" que nos économistes ?
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French Tech
photomontage par l'Enigmatique LB
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C'est la Jungle***
L'édition française de "C'est la Jungle" de Harvey Kurtzman, cofondateur du magazine "Mad", tenu pour le principal organe de la contre-culture américaine, a surtout une valeur documentaire.
Pour deux raisons : d'abord, sorti de son contexte américain, l’humour de Kurtzman perd beaucoup de sa spontanéité ; en France, Gotlib et « Fluide-Glacial » ont largement exploité le filon de la dérision façon H. Kurtzman, en l’adaptant au public français.
D’autre part, la culture de masse n’est pas en France un phénomène de la même ampleur qu’aux Etats-Unis. L’américanisation de la culture française est en cours depuis plus d’un demi-siècle, mais elle s’est heurtée à la résistance d’une partie des élites intellectuelles, pour de plus ou moins bonnes raisons, dont la meilleure est l’hostilité à l’égard de ce qui relève du pur divertissement.
L’humour de Kurtzman fonctionne à plein quand il s’agit de montrer les rouages et brocarder les codes d’une culture qui semble concourir à l’abrutissement du public et mobiliser le citoyen américain contre tout ce qui n’est pas de son goût.
« C’est la Jungle » se compose de plusieurs chapitres, ciblant chacun un genre ou un thème de la culture de masse, tel que le western ou le polar ; le western selon Kurtzman ressemble plus à "Lucky Luke" qu’à John Wayne (bien que Lucky-Luke ne soit pas une simple parodie de western, car Goscinny y a injecté une dose de réalisme).
Kurtzman a travaillé pour la presse : il connaît les recettes et les coulisses du journalisme et lève le voile sur cette cuisine peu avouable dans l’un des chapitres.
L’album est préfacé par Art Spiegelman et précédé d’une vieille interview de Kurtzman par Wolinski, qui décrit un Kurtzman à la retraite, quelque peu amer.
Kurtzman avait largement contribué à développer Mad, dont il était rédacteur en chef, mais en fut évincé à la suite d’un différend avec son propriétaire. Les albums de BD produits par Kurtzman ne rencontrèrent que peu de succès. D’où la conclusion que le public américain est peu réceptif à la contre-culture… à moins que "Hara-Kiri"/"Charlie-Hebdo" n’ait bénéficié en France de circonstances un peu plus favorables, ou encore que son équipe rédactionnelle se soit entêtée un peu plus.
(Ce site publie un large extrait de "C'est la Jungle")
"C'est la Jungle", par Harvey Kurtzman, ed. française Wombat 2017.
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Caricature MEDEF
par l'Enigmatique LB (à lire aussi dans "Siné-Mensuel")