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Revue de presse BD (141)

 Extraits de la revue de presse illustrée publiée chaque semaine en intégralité dans l'hebdo Zébra. 

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Pins dans la campagne romaine par Le Lorrain (British Museum)

+ Les ventes aux enchères de planches de BD se suivent et se ressemblent, avec leurs records et leurs lots d'invendus. Tout ce cirque est favorisé par la crise et la raréfaction des placements sûrs. L'avantage avec l'art pâtissier, non moins "séquentiel" que la BD (il suffit d'observer un "mille-feuilles" ou un "Paris-Brest" de près), c'est qu'il se consomme frais, ce qui évite le genre de cérémonies un peu rances et mornes que sont les ventes aux enchères de vieilles planches de BD dépareillées.

Le marché du dessin ancien a connu aussi une flambée des prix au cours des vingt dernières années, et une grande bourse se tient chaque année à Paris (25-30 mars 2015). Elle vaut pour son atmosphère ; on pourrait croire certains protagonistes, antiquaires ou collectionneurs, sortis d'un roman de Balzac. La présence du diable, rassurante pour les uns, inquiétante pour les autres, est presque palpable. Les dessins, pièces à vendre à des prix audacieux ("L'audace des marchands nous perdra !"), sont présentés dans de petites alcôves comme des trésors précieux, bien que la qualité soit très inégale, allant d'un petit dessin de J.-F. Millet (doué comme pas deux pour créer une ambiance nocturne avec rien - un bout de fusain), ou une caricature de Grosz, jusqu'à un croquis un mollasson de Helleu. Si un de ces sans-culottes arabes qui s'amusent à moudre des statues assyriennes déboulait au salon pour y flanquer le feu, on imagine quel scandale ça ferait !

A noter diverses conférences et expos autour du dessin au cours de cette semaine, dont une expo consacrée à Claude Gellée, dit "le Lorrain", extraordinaire paysagiste qui fit carrière à Rome et influença plusieurs générations de peintres par sa façon de s'approprier le morceau de nature qu'il dessine.

+ A la veille du Salon du livre de Paris, le CNL (centre national du livre) rend publique une enquête statistique sur les habitudes de lecture des Français (Ipsos). Ce type d'étude en apparence très sérieuse, avec ses graphiques et ses camemberts à tire-larigo, en réalité ne nous apprend pas grand-chose. Les hommes sont plus nombreux que les femmes à lire des BD ; les femmes sont plus nombreuses à lire des romans d'amour ; la lecture est concurrencée par la télévision, la musique pop numérisée et les réseaux sociaux dans la tranche des jeunes gens, etc. Espérons que le CNL n'a pas dépensé trop d'argent pour cette étude. Bien qu'elle ne fasse pas l'unanimité parmi les philosophes, qui ne la perçoivent pas tous nécessairement comme une activité positive en soi, la lecture est perçue dans notre société technocratique comme une activité bénéfique. La réalité qui fait de la lecture, indistinctement et sans considération de l'ouvrage lu, une activité saine en principe, c'est d'abord la perspective d'un rendement économique, et non pas des questions de pédagogie ou de progrès.

"Le style est un bon outil pour dire ce que tu as à dire, mais quand tu n'as plus rien à dire, le style est une pine qui bande mou devant le con mirobolant de l'univers." Charles Bukowski. Comme Grasset vient de publier un inédit : "Un carnet taché de vin" (Grasset) du poète alcoolo-clodo maudit, les "Inrocks" évoquent dans un long article la manière plutôt chaotique dont Bukowski fut publié, survenant ainsi à ses besoins. Le magazine culturel accuse en outre la traduction, pour faire branché, d'accumuler les fioritures inutiles. Il faut fouiller pour découvrir, dans une oeuvre inégale, les meilleurs morceaux. On pourra être déçu si on ne l'aborde pas par le meilleur côté. La boisson fait perdre l'esprit critique, et Bukowski écrivait parfois en état d'ébriété. Sa prose vaut pour sa crudité, dans un pays où l'hypocrisie est reine et dont la littérature sonne faux à 99%. Maudit comme Céline, mais contrairement à lui, Bukowski n'a pas connu la guerre moderne, ni la violence des combats, et c'est une sorte d'exploit qu'il ait pu tirer de la seule compétition économique acharnée des pages aussi dures et lucides sur la condition humaine que certains passages du "Voyage".

+ Quand Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos reviennent dans "Le Point" sur les circonstances qui poussèrent le peintre russe Nicolas de Staël au suicide, c'est sous une "url" (uniform ressource locator) assez cocasse : "16-mars-1955-splash-le-peintre-nicolas-de-stael-atterrit-trop-brutalement-sur-le-trottoir" ; pourquoi pas : défenestration d'un artiste cloisonniste ? Il semblerait qu'au dépit amoureux -cause de suicide on ne peut plus banale, voire académique-, se soit ajoutée la peur du succès, un peu moins conventionnelle. De Staël craignait qu'on investisse dans ses toiles, au lieu de les aimer. Quelle sensibilité ! On imagine mal une prostituée ou un employé de la finance exiger de ses clients qu'ils les aiment. Qu'est-ce qu'il peut bien y avoir dans la tête d'un artiste pour en demander autant ?

+ Notre collaborateur LB regrettait il y a peu dans Zébra (n°21) que le travail d'Alain Le Saux, qu'il compare à Tomi Ungerer, ne soit pas estimé à sa juste valeur. Le décès de cet auteur de "livres pour enfants", âgé de 79 ans, intervenu cette semaine (17 mars), a donné lieu à quelques hommages, ici ou . Le chroniqueur littéraire de la télé Olivier Barrot ("1 livre, 1 jour"), faisait le rapprochement avec Siné.

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