Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lysistrata

  • L'Île aux Femmes**

    La guerre des sexes n'en finit pas ; les cafés-théâtres sont pleins d'humoristes plus ou moins inspirés,webzine,zébra,gratuit,bd,fanzine,bande-dessinée,critique,kritik,ile aux femmes,glénat,zanzim,frédéric Leutelier,hubert,aristophane,lysistrata,riad sattouf,no sex in manhattan,bégaudeau,oubrerie,mâle occidental contemporain,humour qui exploitent à fond le filon des petites turpitudes et des grands espoirs déçus du couple.

    A vrai dire le sujet n'est pas tout à fait neuf, puisque le poète comique Aristophane, plusieurs siècles avant J.-C., faisait déjà rire son public avec une grève du sexe, décidée par les femmes pour faire cesser la guerre menée par leurs maris ("Lysistrata" (411), jouée pendant la guerre du Péloponnèse) - une variation sur le slogan : "Faites l'amour, pas la guerre !".

    La BD n'a pas manqué de s'emparer de ce thème porteur. Commandé par "Libération", Riad Sattouf publia il y a quelques années "No Sex in Manhattan", satire des moeurs sexuelles et amoureuses new-yorkaises, dans laquelle il souligne malignement la ressemblance entre les entretiens d'embauche et les rencards amoureux ("date"), au cours desquels de braves types américains s'évertuent à convaincre des jeunes femmes pleines d'ambition qu'ils constituent un bon placement. On comprend, en filigrane, que la compétition économique est une guerre comme une autre.

    Plus récemment, "Le Mâle Occidental contemporain" (Bégaudeau/Oubrerie) fut un succès de librairie. Les auteurs voulaient montrer le désarroi du jeune bobo parisien "en mal d'amour" (Aristophane est plus direct et ne fait pas usage d'euphémismes), confronté à de jeunes femmes averties sur la valeur des flatteries masculines et moins pressées que naguère de faire leur choix. L'album fit cependant grincer quelques dents, car il montre les jeunes femmes pétries de principes féministes sous un jour un peu... austère.

    "L'Île aux Femmes", engageant par son dessin vif et enlevé (Frédéric Leutelier alias Zanzim), sa mise en couleur itou, laisse présager dès la couverture une fable caustique. Céleste Bombard, un aviateur de la Grande Guerre, au passé de séducteur, fait accidentellement naufrage sur une île exclusivement peuplée de femmes, une sorte de tribu d'Amazones, mais non amputées et toutes plus girondes les unes que les autres. Hélas pour lui, sa déception est à la mesure de son érection quand il constate que ces femmes sont très remontées contre le sexe dit "fort", dont la seule contribution à la perpétuation de l'espèce est respectée une fois l'an. Et encore, ces femmes sévères ont pour coutume d'amputer une jambe de leur étalon afin d'adoucir ses ardeurs. Seule l'habileté de notre otage à cuisiner des petits plats français lui vaut un peu de mansuétude ; puis à réciter des histoires d'amour romantiques. Mais les amateurs (ou amatrices ?) d'humour misogyne en seront pour leur frais. Sans dévoiler la chute, on peut dire que le conte cocasse vire à la fable féministe. Céleste s'amende, et va s'intéresser aux femmes non plus seulement par appétit pour leurs formes et les promesses paradisiaques qu'elles recèlent, mais aussi pour leur âme.

    "L'Île aux Femmes" convaincra surtout les utopistes tenants de l'harmonie entre les sexes. Les autres s'en tiendront sans doute à Aristophane, plus réaliste.

    L'Île aux Femmes, Zanzim, Glénat 2015.